Street Fighter : L’Ultime Combat, navet irrespectueux
Quand Street Fighter : L’Ultime Combat sort, en 1995, le spectateur était si peu informé que rien ne nous laissait imaginer quelle catastrophe se jouait là. Rappelez-vous qu’alors, nous découvrions les impressionnantes images de l’animé Street Fighter II, qui allait sortir quelques temps plus tard dans la fameuse collection Manga Video. Une hype qui allait donc être temporairement douchée par cette adaptation cinématographique faisandée.
Quand on se lance dans la filmographie de Jean-Claude Van Damme, on se demande quel est le point de départ de la chute irrémédiable de sa carrière. On serait tenté de répondre « au premier rail de cocaïne ». Mais, si cela est sûrement vrai puisqu’il est passé à côté de contrats en or à cause de cette fichue addiction, restons-en à l’analyse par le film. La descente aux enfers débute certainement avec Street Fighter : L’ultime Combat. Très certainement le plus mauvais long-métrage dans lequel il a pu se retrouver, cette adaptation de la licence culte de Capcom a laissé des traces dans le paysage cinématographique. Après un Super Mario Bros lui aussi de bien triste mémoire, l’échec du film qui nous intéresse ici a fait en sorte que, jusqu’à aujourd’hui, les portages de la console aux salles obscures sont mal perçus, et très souvent à raison. Retour sur l’un des bides artistiques les plus mémorables de l’histoire du septième art.
Une phase de production ubuesque
Tout, dans Street Fighter : L’Ultime Combat, pue la défaite. Le choix de Steven E. de Souza, à la réalisation, était déjà le début de la fin. On a découvert, bien plus tard, ses intentions : réaliser une œuvre à la convergence de Star Wars, James Bond et le film de guerre. Quelle puce l’a piqué celui-là ? Street Fighter, ce sont des combattants de styles différents, qui se tapent dessus à chaque coin de rue, à travers le monde. C’était aussi simple que ça, surtout en 1994, alors que les jeux n’avaient pas encore réellement entamé une petite scénarisation de la licence. Le mélange évoqué se retrouve effectivement, en terme de piliers, à l’écran. C’est une véritable folie, un échec tout tracé, mais il s’y retrouve. Donc, on a une volonté de grand spectacle, une dose d’action, et un aspect militaire. Par contre, on aurait apprécié que tout cela soit accompagné d’un peu de talent, et de bastons un minimum impressionnantes.
Pourtant, le CV de Steven E. de Souza n’est pas horrible, loin de là. Au poste de scénariste, il a signé quelques films importants : 48 Heures, Running Man, Commando, Jumpin’ Jack Flash. Et même un chef-d’œuvre absolu : Piège de Cristal. Excusez du peu. Le ratage complet qu’est Street Fighter : L’Ultime Combat doit-il être mis l’entière responsabilité du metteur en scène ? Pas forcément, la culpabilité revient à l’ensemble de la production. On pense à Capcom, qui n’a pas su faire entendre sa voix, et aurait dû imposer son veto sur bien des éléments, on pense à la surréaliste écriture des personnages. Le casting, lui, ne semble n’être présent que pour payer ses impôts, voire pour fricoter tranquillou loulou (Van Damme et Kylie Minogue ont eu une liaison sur le tournage) et se payer du bon temps. On sauve Raul Julia, éternel Gomez dans La Famille Adams, qui meurt d’un cancer pendant le tournage. Dramatique. Le scénario est clairement écrit au fur et à mesure des événement qui surgissaient pendant le tournage, par un auteur fatalement en roue libre. Cela ne pouvait qu’accoucher d’une daube, et ça n’a pas loupé.
Rien à sauver, à part le nanardesque doublage français
Bon, et pourquoi Street Fighter : L’Ultime Combat est si mauvais, à l’écran ? Les problèmes affluent de toutes parts. Tout d’abord, la tonalité de la narration est un problème. Le film ne croit absolument jamais en ce qu’il démontre. On sent, donc, un certain ricanement qui nuit à l’ensemble. Ceci appuyé par l’irrespect total pour le matériau de base. L’écriture des personnages confine à l’irresponsabilité. Ryu et Ken passent de personnages principaux, à bandits détrousseurs. Balrog n’est plus l’un des lieutenant de M. Bison, mais le cadreur de la journaliste Chun-Li, laquelle fait équipe avec E. Honda, qui devient un perchman Hawaiien en surpoids. On continue le massacre ? Cammy, incarnée par la très fade Kylie Minogue, est totalement contre-nature. Elle n’est plus au service du grand méchant, mais d’un Guile incarné par le très, très perché Van Damme. Quant à Sagat, le voilà devenu un gangster vieillissant. T-Hawk n’est autre qu’un soldat américain. Et c’est comme ça pour quasiment tous les combattants, massacrés par une écriture grotesque. Aller, on pourra sauver, au pire, Vega. C’est tout.
Quant à l’action, Street Fighter : L’Ultime Combat ne la respecte pas non plus. Les combats sont d’un ridicule achevé. Le summum de l’irrespect est atteint avec la confrontation entre Zanghief et Honda, ubuesque de nullité crasse. À moins que voir Ryu se battre contre Vega, tandis que Ken doit se défaire de Sagat (pour rappel, dans le jeu c’est bien Ryu qui doit en finir avec Sagat), soit une épreuve encore plus enrageante. Ou bien est-ce de voir le pourtant très doué Roshan Seth (Gandhi, tout de même) se perdre ici, dans le rôle de Dalshim, qui nous a le plus achevé ? Mais tout cela n’est rien face aux quelques vannes stupides, disséminées ici ou là. Les doubleurs français, sans doute à bout de nerf, s’en donnent à cœur joie. On se souviendra, à vie, du « bisou bisou », adressé, par Guile en direction de M. Bison. Enfin, tout calvaire a une fin, et celle-ci intervient dans une explosion salvatrice. La carrière de réalisateur de Steven E. de Souza en profite pour quasiment s’éteindre. On le retrouvera au scénario d’un dernier échec artistique, Tomb Raider : Le Berceau de la Vie. Celle de Kylie Minogue, au cinéma, a connu un sacré coup de frein. Et la filmo de JVCD ne s’en relèvera pratiquement pas. Personne n’en sort vainqueur, et encore moins les joueurs et spectateurs, qui ont tout de même assuré un certain succès à ce navet, mais seulement au box office…