Resident Evil remet l’équilibre au milieu du village
Débutons par une confession : on comptait parmi ces joueurs qui, marqués par les défaillances de Resident Evil 6, ne voyaient pas la licence s’en remettre. Double erreur car, tout d’abord, Capcom est un habitué des revivals fulgurants (rappelez-vous de Street Fighter 4). Ensuite Resident Evil est le fleuron du survival horror, sa représentation la plus pure. Il ne fallait donc pas grand chose pour relancer la machine. En l’occurrence, RE 7 fut plus que cela, un excellent opus dont la première partie nous a durablement marqué. Dès lors, l’annonce de Resident Evil Village, en fait fait le huitième épisode, a provoqué un véritable engouement. Et autant vous le dire de suite, c’était mérité.
Il faut préciser ici qu’on a lancé Resident Evil Village sans passer par la case démo, et en s’informant le moins possible concernant le contenu de l’aventure. C’était important pour garder l’esprit de surprise qui s’affiche dès le titre. Comme souvent avec Capcom, des informations ont fuité bien avant l’officialisation, dont le sous-titre « Village ». Par contre, personne n’avait vu venir la feinte des premières lettres formant le chiffre romain « VIII ». Cette envie de nous retourner le cerveau est présent tout au long du jeu, notamment au cours d’un scénario qui, s’il n’évite pas quelques petites baisses de régime, surtout concernant l’écriture d’un personnage en particulier (on ne peut aller au plus précis sans spoiler, malheureusement), restera comme l’un des mieux équilibrés de la licence.
Si nous n’irons pas trop loin dans notre appréciation du récit, sachez tout de même que Resident Evil Village marque une montée en puissance plus finaude qu’espéré. Celle de RE 7 était un poil trop brutale à cause d’un changement de ton abrupte entre la première et la seconde partie. On sent bien que le réalisateur du jeu, Morimasa Sato a voulu aller plus loin dans l’écriture hollywoodienne, toujours en accord avec l’esprit initial de la licence. On débute donc par un choc vertigineux, avant de rentrer de plein pied dans une histoire dont les tenants brumeux formeront des aboutissants éclairés. Ceci en retrouvant notre bon vieux Ethan Winters, que l’on incarne une nouvelle fois, et ce trois années après les épouvantables précédents événements. D’ailleurs, ceux qui ne les auraient pas vécu sont invités à foncer y remédier avant de lire le prochain paragraphe.
Resident Evil Village est exemplaire en terme d’installation de l’intrigue. Ayant enfin retrouvé sa femme Mia, et désormais papa d’une petite Rose, Ethan coule des jours plus ou moins paisibles en Europe. Bon, on ne dira pas que c’est le parfait amour, les traumatismes d’un passé récent ne pouvant que parfois remonter à la surface. Mais tout de même, on sent la vie retrouver son chemin. C’est alors que le destin décide de s’acharner sur cette belle petite famille, lors d’une séquence qui, si elle ne vous a pas été dévoilée ailleurs, aura de quoi vous tétaniser. Un drame mené par le revenant Chris Redfield, au cours duquel Rose et Ethan, dans les pommes, sont kidnappés par une équipe visiblement très préparée. Enfin, jusqu’à ce que le réveil se fasse sur un sol gelé, au milieu du massacre de ses ravisseurs et non loin d’un endroit aussi macabre que mystérieux.
Ethan en prend plein la tronche, nous aussi
Autant vous dire que le joueur se retrouve assailli par le doute, les questions. Mais pas le temps de tergiverser, il est question de sauver sa peau. C’est ici qu’il est nécessaire de rassurer les joueurs n’appréciant que modérément les trips à la Bloober Team : non, Resident Evil Village n’est pas un walking simulator flippant. Oh que non. D’ailleurs, le fait que Capcom se soit offert les service du scénariste Antony Johnston n’est pas anodin. Ce nom, vous le connaissez peut-être pour son travail sur Dead Space, l’un des plus grands survival horror, dont l’une des particularités était de savoir faire apprécier une certaine dose de liberté dans l’exploration. Voilà qui annonce ce qu’est le jeu ici testé. Ethan rentre donc dans le village, en fait une petite map à découvrir, avec des maisons à fouiller et des ruelles à retenir. Enfin ça, ce sera après une découverte très, très mouvementée.
Car Resident Evil Village met un point d’honneur à vous faire comprendre que l’action sera présente bien plus rapidement que dans RE 7. Ethan tombe alors nez à nez avec les habitants de ce sinistre endroit, lequel est surplombé par un impressionnant château gothique ne laissant aucun doute quant à la localisation transylvanienne du village. Pas le temps de se laisser happer par la vue, des lycanthropes viennent s’inviter à la visite, et ils sont affamés. On doit alors survivre à leur assaut, en barricadant une entrée avec une armoire, en tirant dans un sac de farine pour ralentir les furies poilues, en visant des tonneaux rouges qui ne laissent aucun doute quant à leur propriété explosive. Et surtout en évitant tant que faire se peut ce colosse à crinière, armé d’un marteau à sa dimension. Une entrée en matière d’une brutalité incroyable, qui a aussi le mérite d’installer quelques unes des mécaniques.
Le gameplay de Resident Evil Village a fait débat pendant toute la phase de communication, ce qui nous paraît aujourd’hui assez symptomatique d’une époque qui ne cesse de mettre le chariot avant les bœufs. Non seulement on n’est pas dans un Layers of Fear, mais l’action n’est aucunement en contradiction avec l’esprit de la licence. Bien entendu, la vue FPS pourra encore créer le débat quant à l’uniformisation de la représentation de l’horreur vidéoludique. C’est un fait, le survival horror est entrain d’abandonner le TPS, et Capcom ne fait que suivre le mouvement (sauf dans ses remakes, et c’est bien vu). La question se situe autour de la pertinence, et elle est toujours aussi solide. Ethan est un peu le Nathan Drake de Resident Evil : il passe par des moments difficile, sa chair est mise à mal, et le vivre en premier spectateur est percutant. Bon, on note aussi une sorte de systématisation de l’effet « no no no » , avec du script à la clé, mais ça reste supportable. Attention tout de même à ne pas forcer dans ce sens avec le prochain RE, on sent la limité.
Les codes de la licence sont respectés
Qui dit vue FPS dit système de combat adapté. Resident Evil Village se fait ici plus convaincant que RE 7, plus équilibré, car tout a été adapté au rapport armé avec l’ennemi. Les ennemis tout d’abord, avec une intelligence artificielle certes hyper prévisible, comme aimantée par l’avatar, mais pensée pour donner envie d’être dégommée. Du moins pour les lycanthropes, car Ethan sera plus tard opposé à d’autres ennemis, de plus en plus répugnants d’ailleurs. On vous en laisse la totale surprise, mais leur comportement apporte aussi énormément à l’expérience. On vous conseille ici de jouer au moins en mode de difficulté normal, car l’aspect survival n’est pas très poussé. On ne se sent jamais réellement à cours de balles, d’autant plus que la farfouille est souvent récompensé par des matières premières permettant la fabrication de différentes munitions et de fioles d’énergie. On sent que Capcom n’a pas voulu trop axé son jeu sur le concept de fuite, de prudence, mais plus dans la terreur née des lieux visités, et des personnages rencontrés.
Flingue, fusil à pompe, automatique, sniper, etc. Un véritable arsenal est à disposition d’Ethan, du moins s’il parvient à tout faire rentrer dans son inventaire. Resident Evil Village est typique de ce que sait faire la licence : elle joue avec l’intensité, mais se rapporte toujours aux fondamentaux. C’est comme l’exploration, que ce soit du village ou des autres lieux visités. On ne cesse de retrouver d’autres Resident Evil. RE 4 est évidemment très invoqué, dans le focus action mais aussi le marchand (très important dans le scénario, on n’en dit pas plus) chez lequel on vient acheter recettes, armes, munitions, mais aussi vendre des trésors dénichés ici ou là. Aussi, la carte est un chef-d’œuvre de lisibilité, reprenant de Resident Evil 2 Remake l’excellente idée des teintes différentes selon la complétudes des pièces visitées. Aussi, les énigmes rappellent obligatoirement les premiers opus, à base de clés à trouver, de fusibles à insérer par exemple. Mais attention, toujours avec cette envie de proposer aux joueurs des épreuves pour y parvenir. On pense notamment à l’autopsie d’un pantin, le début d’un cauchemar affolant.
Cette envie de proposer des situations surprenantes est l’une des grandes réussites de Resident Evil Village, et ce malgré une baisse de régime un peu avant la dernière ligne droite. Globalement, le cheminement d’Ethan figure parmi les plus marquants de cette saga, avec à la clé l’un des passages les plus terrifiants qu’elle ait pu nous faire vivre. Et ce constat vaut parce que la direction artistique le permet. C’est elle qui tient le jeu de ses bras solides, et fait notamment que l’on prend grand plaisir à exploiter la liberté de mouvement qui nous est proposée. Par exemple, on reviendra vers cette grange dramatiquement brûlée juste par envie de se recueillir, car on sait qu’on trouvera les détails visuels que l’on espère. Et les développeurs le savaient, puisqu’on y trouve un trésor caché en rapport avec la tragédie déroulée. C’est finaud, et cela va bien plus loin que l’ouverture proposée à l’époque par un Resident Evil 4. On reviendra aussi dans le village pour ouvrir des portes cadenassées, chasser des animaux afin de finaliser des recettes chez le marchand (offrant des améliorations permanentes des statistiques d’énergie ou autre), et d’autres choses qui vous vaudront des trouvailles utiles.
Le plus beau des Resident Evil
La direction artistique, donc, est sans aucun doute l’une des plus travaillées qu’on ait croisé à ce jour, ce qui n’est possible que grâce à des graphismes de haut niveau. Resident Evil Village est d’une grande solidité technique dans sa version PlayStation 5, avec une fluidité quasiment constante et des chargements aux oubliettes. C’est clairement un jeu qui se savoure sur cette nouvelle génération, comme en témoigne ce ray tracing permettant des reflets très réalistes. Ce qui souligne une lumière démentielle, avec ce qu’il faut d’ombres inquiétantes. Tout cela au service d’une personnalité gothique qui, à nos yeux, est la grande attraction de cet opus. Mis à part un quatrième grand lieu un peu hors sujet, tout le reste de l’aventure donne dans le giga-macabre, mais non sans un raffinement étonnant. Le château, par exemple, n’aurait pas dénoté dans un film de Mario Bava. Le bestiaire est aussi inventif, mais n’allons pas trop loin dans le dévoilement. Quant à l’ambiance sonore, elle est démoniaque. Notamment au casque, avec une redoutable spatialisation des bruitages. La musique reste dans son rôle d’accompagnatrice, il manque peut-être un thème véritablement mémorable, comme souvent avec les productions actuelles.
Enfin, il faut aborder ce qu’on n’a jamais trop envie de décrire dans un survival horror : son contenu et sa durée de vie. Pour le premier, on peut noter bien des secrets qu’il est tout à fait possible de louper si l’on court vers le prochain objectif. Resident Evil Village a aussi droit à un endgame très généreux, avec un magasin permettant de débloquer des munitions infinies ou, par exemple, des figurines afin de bien se rendre compte du travail phénoménal abattu sur les modèles 3D. Aussi disponible dans cette échoppe, le mode Mercenaires avec ses défis et ses huit niveaux à débloquer. Enfin, on peut aussi compter sur des bonus très précieux, comme un résumé des événements de Resident Evil 7, des dossiers concernant l’univers du jeu, ainsi que divers documents de production sous-titrés en français. Tout cela, couplé aux différents modes de difficulté (dont un Village des Ombres exclusif à l’édition Deluxe), assure une durée de vie d’une vingtaine d’heures pour les complétistes, une dizaine pour l’aventure principale.