The Great Ace Attorney Chronicles : les spin off prennent le pouvoir
Si, depuis quelques temps, Capcom semble vouloir alterner entre ses deux grosses licences (Monster Hunter, Resident Evil, garde à vous !), il serait dommage de gâcher le potentiel de ses autres séries. Voilà quelques temps, c’est Phoenix Wright : Ace Attorney Trilogy qui nous rappelait avec bonheur la diversité de la ludothèque de l’éditeur. Et les fans de cet univers peuvent être aux anges, car The Great Ace Attorney Chronicles nous livre deux opus totalement inédits, et de belle qualité, sous nos latitudes.
Décidément, le jeu vidéo japonais s’est mis en tête de sauver cet été vidéoludique autrement pas hyper enthousiasmant. Plus curieux, le Visual novel est en pleine bourre, notamment avec les sorties coup sur coup de The Silver Case 2425, Bustafellows et Doki Doki Litterature Plus. Et le quatrième larron, The Great Ace Attorney Chronicles n’a aucun mal à se faire une belle place au soleil auprès de ces titres. Rappelons que cette compilation rassemble The Great Ace Attorney : Adventures et The Great Ace Attorney 2 : Resolve, jusqu’ici uniquement disponibles au Japon, respectivement depuis 2015 et 2017. Pas vraiment des vieilleries donc, et surtout des spin-off qui prennent un risque hautement agréable : déplacer l’action jusque dans l’ère Meiji (deuxième moitié du dix-neuvième siècle).
Ce changement d’ambiance n’est certes pas le seul intérêt de The Great Ace Attorney Chronicles, mais il constitue une grande force, capable de carrément relancer la licence. Placer l’action en pleine époque reine du polar, quand Sherlock Holmes, Hercule Poirot et autre Vidocq officiaient, dans la littérature ou le réel, c’est évidemment loin d’être anodin. Du coup, on incarne un certain Ryunosuke Naruhodo, qui n’est autre que l’ancêtre du sémillant Phoenix Wright. Au travers de dix affaire, les deux softs nous présentent sa trajectoire, qui le propulsera d’un apprentissage difficile jusqu’à l’Angleterre victorienne. Et vous imaginez bien que ce grand voyage n’a rien d’un long fleuve tranquille.
La nouvelle époque implique une superbe ambiance
Que les fans de la licence se rassurent, embarque toutes les spécificités de la licence. C’est superbement écrit et rythmé, exemplaire dans tous ces domaines. On retrouve toujours la structure partagée entre l’exposition de la problématique, l’enquête en elle-même, des interrogatoires puis le procès over the top. Sur ce socle, Capcom brode des récits bourrés de rebondissements, de personnages secondaires soignés, et surtout d’un humour hyper efficace. Et ce même si certaines affaires, surtout du premier soft, nous ont paru parfois assez sombres, avec une tendance aux thèmes politiques. Par contre, attention : le jeu est uniquement disponible avec des sous-titres anglais. La traduction est magistrale, elle ne passe à côté d’aucun détail historique. Par contre, il va vous falloir un niveau de maitrise élevé, sous peine de passer en partie à côté de l’expérience. Et ça, ce serait bien dommage.
Il est donc toujours question de lancer des grosses objections en pointant du doigt. The Great Ace Attorney Chronicles ne cherche d’ailleurs pas à réinventer la roue, mais celle-ci n’a que rarement été aussi ronde. Les deux jeux dévoilent au fur et à mesure des mécaniques qui évitent une routine pourtant inhérente (et accepté par l’amateur) au genre du Visual novel. On recueille des indices, on les consulte dans un très salvateur carnet, ce genre de choses. Tout cela afin de ne pas sombrer dans des arguments fallacieux pendant des procès toujours aussi spectaculaires. Ne vous attendez certes pas à une routine de gameplay bien appliquée, d’ailleurs les titres vous laissent une certaine liberté de parcours, mais on a l’impression d’être bien plus actif que, par exemple, dans le sympathique Root Letter.
Pour les anglophones, uniquement
Les deux opus embarqués dans The Great Ace Attorney Chronicles ont tout de même un minimum d’audace côté gameplay, avec l’apparition de deux nouvelles mécaniques : Dance of Deduction et Summation Examination. La première met en scène non seulement notre avatar, mais aussi l’un des meilleurs personnages des deux jeux : Herlock Sholmes, référence directe à vous savez qui. En gros, ce dernier, pour le moins imbu de lui-même, se lance dans une déduction. Ceci avant que nous n’intervenions afin de corriger les erreurs du détective. Notamment en observant bien les modèles 3D des protagonistes. Summation Examination, elle, vous confronte à six jurés qu’il va falloir convaincre en faisant pencher la balance de la justice. Là encore, c’est bien l’esprit de contradiction qui est mis en avant, ici en pointant les incohérences des discours en utilisant des preuves préalablement glanées. Ces deux mécaniques apportent encore plus de participation du joueur, dont l’attention est décidément mise à rude épreuve.
The Great Ace Attorney Chronicles n’est pas un jeu difficile pour qui maitrise l’anglais. Mais même sans ne jamais réellement bloquer, la durée de vie se fait très solide. Pour tout voir, il vous faudra bien plus que cinquante heures. Et à cela, Capcom a eu la bonne idée d’ajouter quelques bonus. Les fans pourront donc se ruer sur un musée comprenant des artworks, les musiques, et la présence de huit petites affaires secondaires qui apportent quelques détails à l’univers. La technique, quant à elle, est d’un niveau plus qu’acceptable. Ce n’est pas une claque, mais la direction artistique se révèle tout bonnement superbe. On est clairement dans une atmosphère référentielle, de la part de développeurs qui se sont nourris des aventures du détective de Baker Street. Les animations apportent aussi beaucoup d’énergie, le soft ne tombe pas dans le piège du statisme parfois très présent dans le Visual novel. Les modèles 3D ont certes vieilli, mais on passe l’éponge. Enfin, on vous conseille d’évidemment privilégier le doublage japonais à l’anglais, bien plus travaillé dans la tonalité.