Real good guy
Guy, un banal employé de banque à la vie consciencieusement réglée et parfaitement répétitive, découvre un jour qu’il peut sortir de sa routine et disposer des même pouvoirs que les « héros ». S’ouvrant à de nouvelles perspectives, il tombe même amoureux pour la première fois de sa vie. Mais sa découverte suivante bouleverse plus que son quotidien et redéfinit carrément toute son existence : Guy finit par comprendre qu’il n’est en réalité qu’un PNJ de jeu vidéo ! Mais dans ce cas, comment a t’il pu échapper à son script ? Pourquoi a t’il l’impression d’être… vivant ?
Shawn Levy, qui signe Free Guy, n’est pas un nom qui fait bouger les foules. Mais pour autant, le réalisateur dispose d’un certain capital sympathie. Sa filmographie gentillette mais sans prétention (les Nuits au Musée par exemple) compte notamment une petite pépite, passée un peu inaperçue, vite oubliée ou trop souvent sous-estimée : Real Steel. Au delà de son étiquette « pour enfants » (comme si c’était forcément péjoratif…), ce métrage de 2011 prouve que Levy sait y faire pour mettre en scène de la SF familiale intelligente, juste et touchante, ainsi qu’une bonne compréhension de sa part des codes (pop) culturels auxquels il s’attaque.
Et Free Guy est fait du même bois. Ne se laissant pas déborder par son high concept de base, le réalisateur et ses co-scénaristes mettent au premier plan leurs personnages. Tant et si bien, que malgré leurs côté archétypaux, ces derniers parviennent à échapper à leurs dimension fonctionnelle pour devenir réellement attachants (à fortiori pour Guy).
Sans en dire plus, l’émotion est même là où ne l’attend pas et prend plusieurs fois par surprise. Il faut dire que Free Guy est particulièrement bien servi par son casting. Ryan Reynolds fait toujours le job en personnage principal candide (un point de vue qui aide aussi à vulgariser le jeu vidéo pour les profanes), Joe Keery est à sa place en geek énamouré/paumé et Jodie Comer incarne à merveille la girl next door au charme discret mais imparable. L’univers proposé ici, largement inspiré de GTA, Saints Row, Fortnite et autres PUBG est en outre très honnête dans sa parodie, et loin de juste caresser les gamers dans le sens du poil. Il est même l’occasion de balancer quelques piques aux communautés de ce type de jeux.
À nouveau, on a donc une véritable compréhension du médium, ce qui rend Free Guy plus authentique, plus légitime dans ses sous-textes, plus conscient. Pas seulement des tenants et aboutissants des mondes ouverts, mais également des problématiques d’une industrie chaque jour plus gargantuesque et de ses consommateurs jamais rassasiés. Même si la conclusion, qu’on évitera de spoiler, est un poil naïve, l’ensemble trouve néanmoins un écho dans la réalité. On pense aux comportements toxiques de gros dirigeants, à la scission entre jeux AAA de plus en plus formatés et une scène indie qui déborde de créativité, au fantasme du métavers ou encore aux enjeux à venir des IA.
Quelques lags
Tout n’est certes pas rose. Si la réalisation est propre, elle est aussi anonyme et interchangeable, et beaucoup de choses sont artistiquement discutables. Free Guy n’échappe pas non plus à quelques lourdeurs et vulgarités dispensables. Le personnage de Channing Tatum ne parvient jamais vraiment à être drôle et celui, encore plus en roue libre, de Taika Waititi (définitivement plus à l’aise de l’autre côté de la caméra) cabotine tellement et va si loin dans la caricature qu’on est gênés pour lui.
On appréciera aussi plus ou moins certains clins d’œil, fan services et caméo. On frôle dangereusement les coups de coude opportunistes et gratuits de Ready player One. Mais, au moins, l’histoire ne se plante pas ici dans ses grandes largeurs par méconnaissance du sujet, et n’aboutit pas involontairement à du culte de la personnalité à côté de la plaque et à de la moralisation bas du front. Free Guy se plie pourtant à l’exercice presque obligé du petit sermon, mais sans se prendre au sérieux et avec suffisamment d’auto-dérision et de coeur pour faire passer la pilule.