Crysis Remastered Trilogy, inespéré sur Switch
Si vous n’êtes pas un joueur né de la dernière pluie, vous vous souvenez probablement de la guerre qui faisait rage en 2007 sur certains forum. Alors que les consoleux s’extasiaient, à juste raison, sur les capacités HD des PlayStation 3 et Xbox 360, ou prônaient la différence conceptuelle de la Wii, les gamers PC envahissaient ces endroits avec un argument massue : Crysis. Et c’est vrai qu’il était impressionnant, le bébé de Crytek, tant et si bien qu’il était alors impossible de le porter sur une bécane de salon. Mais ça, c’est du passé : aujourd’hui, on accueille un véritable exploit avec une version Switch de Crysis Remastered Trilogy, un truc de fou quand on y pense.
Comme cette licence n’a pas du tout été pensée pour le public Nintendo, soyons honnêtes, il est nécessaire de replacer un peu la licence dans son contexte. Crysis Remastered Trilogy embarque Crysis, Crysis 2 et Crysis 3. On pourrait penser que le trip est complet, mais il ne l’est pas tout à fait : il manque Crysis Warhead, une extension standalone. Bien dommage, car assez intéressante en termes scénaristiques. Bon, entre nous, on ne jouera pas à ces jeux exclusivement pour ses récits. Mais l’univers, entre science-fiction et agréable nanar américain assez typé années 1980, nous plaît quand même pas mal. Il s’agit donc de l’occasion rêvée de découvrir les trois épisodes canoniques, mais l’on passera à côté des aventures de Psycho, qui se déroulent en parallèle de l’opus fondateur. Dommage, mais pas décisif pour autant. D’ailleurs, on retrouvera ce personnage tout au long de la série, même en vétéran dans Crysis 3.
L’univers de Crysis Remastered Trilogy se révèle très typique de ce qu’on trouvait dans pas mal de FPS de la fin des années 2000, voire au début de la décennie 2010. Et, entre nous, ce n’est pas pour nous déplaire. Pas de leçons de morale, pas de thèmes hyper profonds, et encore moins d’émotions larmoyantes qui nous donnent de suite envie d’éteindre la console (n’est-ce pas, Sea of Solitude). Ici, il est question d’une guerre entre les Américains et les Coréens du Nord, mais ce n’est que la surface du conflit. En effet, alors que l’escouade Raptor, emmenée par Nomad (notre avatar dans Crysis 1), est en mission sur l’île très ensoleillée de Lingshan, elle découvre une menace venue d’ailleurs : les Ceph. Et là, tout s’enchaine. Ces derniers vont, dans la suite, lâcher un virus en plein Manhattan, déplaçant ainsi l’action en milieu urbain. Crysis 3 se déroule toujours dans cette ville, mais vingt-cinq ans après les événements de Crysis 2, avec un consortium nommé C.E.L.L., qui a réussit à rétablir une sorte d’ordre mondial, mais au prix d’une recherche sur les Ceph clairement dangereuse.
La Nanosuit, toujours aussi efficace
Crysis Remastered Trilogy ne fait pas dans la dentelle côté écriture, c’est une certitude. Certains trouveront les histoires un peu beaufs, d’autres bordéliques, mais on ne peut nier que Crytek a su tout de même rebondir après un premier opus pourtant pas du tout pensé pour être continué sur deux opus. Cela part dans tous les sens, les répliques débilo-patriotiques nous donnent le sourire. Et le thème de l’Homme voulant maitriser l’inconnu, ici une race extraterrestre belliqueuse, fonctionne toujours pas mal, avec ce qu’il faut d’implication du joueur. Cela forme en tout cas un univers bien compact, qui se tient bien jusqu’à une fin d’ailleurs très réussie, alors même que le cheminement vécu pendant les trois-quarts de Crysis 3 est tout de même assez mou. Mais au moins on s’amuse, et c’est là l’essentiel dans le jeu vidéo, vous ne trouvez pas ? Surtout que l’entièreté est sous-titré en français avec soin.
Côté gameplay, Crysis Remastered Trilogy ne touche pas à un cheveu des jeux d’origine. On a donc toujours un premier Crysis offrant une bonne dose de liberté, sans non plus totalement nous lâcher dans la nature. Pour un jeu de 2007, cette aisance dans les possibilités d’aborder une scène de combat était renversante, et ça le reste un minimum aujourd’hui. Mais disons que, depuis, le modèle a largement été dépassé, et pas qu’une seule fois. Reste qu’on apprécie toujours autant l’utilisation de la Nanosuit, clairement en avance sur son temps. Une fois son potentiel déclenché, elle permet de décupler les capacités de l’avatar : il bondit plus haut que jamais, peut se fondre dans le décor à la Predator, ou encore résister efficacement aux munitions ennemies. Tout cela étant lié à une jauge, que l’on doit donc surveiller comme le lait sur le feu si l’on ne veut pas se retrouver à découvert en plein gunfight, ce qui signifie la mort presque assurée. Si les trois jeux poussent à une certaine prudence, de la discrétion, on peut évidemment rentrer dans le lard des Ceph, mais ce n’est pas vraiment conseillé.
Techniquement, Crytek donne tout ce qu’il peut
Crysis 2 et 3 ajoutent quelques petites mécaniques bien senties. Comme des modifications d’armes, l’utilisation assez jouissive d’une vision thermique (ça fait vraiment Predator), ou encore l’apparition de jumelles pour directement marquer des objectifs sur l’ATH. Notons aussi, dans Crysis 3, l’arrivée très remarquée de l’arc, seule arme pouvant être utilisée alors que l’option camouflage est activée. Hyper plaisant à pratiquer. Cela ne fait aucun doute, et cette Crysis Remastered Trilogy en témoigne parfaitement : Crytek a fait le choix des sensations basée sur la prudence, la préparation. Cela vient tout de même en paradoxe avec une intelligence artificielle parfois aux fraises, ou en tout cas assez vieillotte. C’est dommage que ces versions n’aient pas revu ce point en particulier, car il se démarque comme le nez au milieu de la figure. Le dernier opus se comporte tout de même mieux sur ce point précis, par contre il reste toujours aussi facile. Tout cela forme une trilogie qui vous demandera une bonne trentaine d’heures de jeu pour être complétée à 100%.
Crysis Remastered Trilogy sur Nintendo Switch, on y joue aussi, et peut-être même principalement, pour l’exploit technique. Non seulement on y retrouve des jeux graphiquement exceptionnels pour leur époque, mais Crytek a même assuré un résultat honorable sur une console aux capacités vraiment en-deça des canons du moment. Certes, il a fallut faire des choix, notamment en bloquant la résolution à 720p en nomade, et un peu plus en docké. Surtout, on a des baisses de régime, elles se remarquent, mais on ne pouvait imaginer qu’il en soit autrement sur un tel hardware bas de gamme. Le premier épisode est celui qui a le plus de mal, les deux suites se tiennent bien mieux du fait qu’elles aient aussi été pensées pour les consoles. La fluidité, elle, ne dépasse jamais les 30fps, là encore c’était inévitable. Mais attention, ne pensez pas que l’expérience soit décevante au pur niveau visuel : les textures sont très riches, les effets de lumière bien impressionnants. C’est même parfois hyper impressionnant pour de la Switch, surtout sur un Crysis 3 très soigné.