13 Sentinels : Aegis Rim, l’un des plus grands jeux de l’Histoire
Votre humble et dévoué serviteur ne le cache pas : chez JV+, les chouchous sont principalement japonais. Si le jeu vidéo occidental a de plus en plus de mal à me garder éveillé, pour cause de game design hyper lassant (je n’en peut plus de ces open world sans âme), l’industrie vidéoludique nippone garde cette magie qui, en d’autres temps, ont forgé ma passion. Nintendo est évidemment dans le lot, d’autres gros morceaux comme Square Enix ou FromSoftware aussi, mais impossible d’oublier les noms moins connus du grand public. Je pense bien entendu à des boîtes comme FuRyu, Omega Force, Sandlot… et un certain Vanillaware. Alors là attention les cocos, on tient un vrai studio talentueux comme rarement vu, avec à leur actif des pépites à vingt-quatre carats : Muramasa, Dragon’s Crown, Odin Sphere. Et peut-être la plus colossale d’entre toutes, 13 Sentinels : Aegis Rim, qui revient aujourd’hui sur Nintendo Switch.
Paru chez nous en septembre 2020 sur PlayStation 4, 13 Sentinels : Aegis Rim a fait l’effet d’une bombe à neutron. Une véritable mandale de forain assénée aux amateurs de jeux vidéo japonais, mais aussi aux joueurs passionnés par la science fiction. Un hit en puissance, malheureusement pas assez mis en avant par des médias plus occupés, à l’époque, par l’écriture d’une centième news concernant la future daube Cyberpunk 2077. Mais je m’égare. C’est certainement dans le but de lui offrir une meilleure visibilité, sur un support plus ouvert à la production nipponne (parce que bon, PlayStation en ce moment ce n’est plus du tout le cas), que Vanillaware et Sega ont décidé de le porter sur Nintendo Switch. Un choix d’ailleurs très bien perçu, avec de belles ventes au pays du Soleil Levant. C’est l’un des points sur lequel je ne peux qu’insister : si vous n’aviez pas poncé ce chef-d’œuvre lors de sa sortie, pour cause d’acné à la simple évocation de Sony, alors il n’y a plus d’excuses : foncez.
Et pourquoi foncer sur 13 Sentinels : Aegis Rim, vous demandez-vous sûrement ? Eh bien parce que le jeu parvient à atteindre l’équilibre presque parfait entre une histoire hyper puissante et l’intérêt purement ludique. Voilà, le gros mot est lâché, on fait face à un titre concentré sur le narratif. Mais que les allergiques au genre, qui n’en peuvent plus des Life is Strange et autres expériences de ce type, se rassurent : on est là face à un résultat autrement plus solide, car se considérant avant tout comme un jeu. Scénario important donc, mais bien accompagné par le sentiment d’amusement. Je ne rentrerai pas trop dans les détails du récit, tant il forme l’intérêt suprême et ne se vit bien qu’à la condition de le découvrir le plus purement possible. Mais sachez que l’action se déroule au Japon, tout d’abord en 1985, alors qu’un objet non identifié s’écrase sur l’endroit. Tel un Space Godzilla pour les fans de la grosse bêbête du studio Toho, il s’agit en fait d’un bon gros kaiju, bien énervé mais bientôt contré par un robot géant. Tout a l’air plutôt classique ? Dans le synopsis, oui. Mais, comme souvent, c’est le développement qui créé l’exception.
Une histoire aussi puissante que dense
La méthode de narration de 13 Sentinels : Aegis Rim sort de l’ordinaire, et vaut à elle seule le détour. Comme le titre l’indique sans suspens, treize personnages vont se trouver une place de choix dans ce récit, et tous ont droit à leur focus dans le mode Aventure. On pourra, ici, presque parler d’autant de Visual novels, le joueur va pouvoir se concentrer sur l’univers, et l’écriture des personnages. On débute avec ce qu’on pense être les protagonistes principaux, puis l’avancée nous ouvre différents chapitres… ainsi que différentes époques. Car l’histoire, bien plus profonde que ce qu’on pouvait attendre d’un tel synopsis, va vous faire voyager de 1945 à un futur bien plus avancé, nous permettant de vivre des situations, mais aussi d’en découvrir des conséquences et des racines. Vanillaware a toujours été très porté sur le gameplay, mais ses univers pourtant d’une richesse admirable (surtout artistiquement), ont eu tendance à être sous-cotés. Voilà qui devrait rendre justice à cette équipe, avec un cheminement blindé de surprises (ça twist à chaque chapitre), des thématiques assez sombres, et une vraie demande d’implication pour faire tenir le tout. Il suffit de jeter un œil dans le codex et les chroniques, ou de se perdre dans une frise chronologique à faire frissonner les jusqu’au-boutistes, pour se rendre compte de la densité du résultat. Sidérant.
Surtout que 13 Sentinels : Aegis Rim a aussi la bonne idée de ne pas péter plus haut que son postérieur, ne se donne jamais des airs d’œuvre pseudo-engagée. C’est aussi l’un des éléments qui lui assure notre plus passionnée sympathie, car on ne se mange jamais, et je dis bien jamais, de hiatus débiles pour faire plaisir aux grands engagés qui nous les brisent menu. Donc non, n’ayez pas peur : Vanillaware parvient à nous embarquer sans souligner toutes les quatre lignes ses grandes valeurs humaines et l’application de sa responsabilité sociétale. Netflix et Sony, prenez-en de la graine car, au final, on aura pris plaisir à incarner des sexes différents sans pour autant qu’on ne nous ait forcé à le faire. Pas de moments douloureux pour les nerfs donc, et même mieux : que de l’agréable pour qui aime la science fiction et la pop culture japonaise. En effet, les références se multiplient, mais mieux intégrées que le principe du clin d’oeil tarantinesque pour se la raconter. Par exemple, on peut très bien jouer sans connaître Short Circuit, mais les cinéphiles qui ont une tendresse pour Johnny 5 vont de suite capter le rapprochement. Macross, La Guerre des Mondes, Akira, Total Recall sont évoqués, entre des dizaines d’autres. Mais aussi des œuvres moins populaires, mais tout aussi importantes, comme Ergo Proxy, L’École Emportée ou Robot Jox. De quoi faire plaisir aux gros geekos et otakus donc, mais aussi à un large public. Surtout que Sega a eu la salvatrice idée de tout sous-titrer en français. Et ça, c’est un argument décisif pour vous recommander le soft sans ménagement.
Et le gameplay alors ? Il faut l’écrire tout de go, 13 Sentinels : Aegis Rim n’est pas du genre à le révolutionner, même s’il faut souligner la partition de l’expérience. L’histoire se vit comme un Visual novel sur un plan 2D, avec des indices à collecter en dialoguant. Puis, au final, des phases d’utilisation de mots clés pour faire avancer le récit. C’est très classique mais, comme le veut l’adage, fichtrement efficace. Ensuite, on trouve deux autres modes : Bataille et Archives. Et c’est le premier qui implique des codes purement ludiques. Là, on se trouve face à des combats tactiques en temps réel, avec une tendance au Tower defense le plus simple possible. L’action se situe sur une carte du quartier, représenté de manière bien futuriste et en vue de haut, nous rappelant fortement le culte Gunparade March (jamais paru chez nous, snif). Il faudra défendre un point stratégique, et faire attention au pourcentage de destruction de la ville. Pour ce faire, il sera nécessaire de détruire des adversaires sommairement représentés (par des formes géométriques), à l’aide d’une équipe constituée par vos soins, en faisant éminemment attention aux capacités et à la complémentarité de chacun des membres. Tout cela accompagné d’un système d’évolution purement RPG, de crédits à remporter pour débloquer plein de choses. On est donc sur du tactical assez simple dans son approche, et pensé pour nous permettre de souffler entre deux chapitres narratifs.
La direction artistique marque les esprits à jamais
Clairement, cette partie gameplay est moins appréciée, que ce soit par les joueurs ou la presse. Il faut bien dire que la difficulté, un peu basse (jouez-y au moins en Normal), n’est pas du genre à rassasier les hardcore gamers. Mais bon, cela reste tout de même bien chronophage, et très amusant pour qui aime pousser au maximum les capacités de ses troupes. Cela participe pleinement à la solidité du contenu, pour une durée de vie pouvant dépasser la quarantaine d’heures quand on cherche à atteindre le 100%. Celui-ci ne se fera qu’en débloquant toutes les informations de l’incroyable mode Archives. Si vous aimez les background denses, vous allez être servis ! Entre les Chroniques, pour chacun des personnages mais aussi au global, et les entrées de l’imposant Codex (parfois au prix de points spéciaux à récolter en remplissant des missions précises), vous allez devoir vous investir. Et comme la récompense vaut carrément le coup, c’est avec plaisir qu’on s’y met. Ajoutons aussi un petit contenu endgame, dont une fin cachée. Et des armes exclusives à cette version Nintendo Switch.
Enfin, il faut préciser que le portage de ce grand jeu est à l’image de ce qu’il fut sur PlayStation 4. La magnifique 2D des phases narrative est donc de retour, sans aucune perte au passage : c’est toujours d’une grande maitrise dans la direction artistique, sublime sur tous les points. Je ne compte pas les moments si marquants que j’ai dû, pour en profiter, stopper mon avancée pendant de belles minutes contemplatives. Par contre, 13 Sentinels : Aegis Rim marque moins dans la phase tactique, dans le pur rendu visuel. Cela regorge d’effets de lumière, rappelant dans l’esprit ce que faisait un Fantavision, mais on regrette tout de même cette représentation épurée des kaijus. On aurait aimé plus de détails sur le champ de bataille. Notez aussi que tout cela est valable aussi bien en nomade qu’en docké, c’est du travail de qualité. Enfin, l’ambiance sonore est au diapason, avec une bande originale incroyablement dense, et des doublages japonais soignés au possible.