Il y a 35 ans, Solid Snake infiltrait Outer Heaven !
Précurseur du genre de l’infiltration, Metal Gear sort déjà des sentiers battus lors de son arrivée sur MSX en 1987. Après un excellent deuxième épisode, la saga atteint son apogée avec le mythique Metal Gear Solid, qui popularise fortement l’œuvre d’Hideo Kojima et brise plus que jamais le quatrième mur. Tandis que la saga s’étend jusqu’à cinq épisodes principaux en 3D, ce dossier revient sur sa genèse et son émancipation à travers de nombreux jeux intéressants.
Date de sortie : 13 juillet 1987 (MSX), 22 décembre 1987 (FC), 17 juin 1988 (NES)
Développeur : Konami
Concepteur : Hideo Kojima
Genre : Infiltration
Nationalité : Japonaise
Compositeurs : Iku Mizutani, Motoaki Furukawa et Shigehiro Takenouchi
Support : MSX
Metal Gear, précurseur du genre de l’infiltration
En ce 13 juillet 2022, l’heure est à la célébration des trente-cinq ans la saga Metal Gear, symbole du genre de l’infiltration porté par Hideo Kojima, créateur de renom ayant débuté sa carrière chez Konami sur micro-ordinateur MSX. Grand passionné du septième art grâce à ses parents qui ne le laissaient jamais aller se coucher avant d’avoir regardé un film chaque soir, il s’attèle finalement au développement de jeux vidéo en commençant comme assistant designer dès 1986 sur le sympathique Penguin Adventure. Tandis qu’on lui confie la direction d’un jeu de guerre, Kojima cherche à s’éloigner des traditionnels jeux d’action comme Contra et imagine comment simuler un conflit en limitant les affrontements. Il s’inspire alors de La Grande Évasion pour créer Metal Gear, jeu qui popularise le genre de l’infiltration en exploitant des mécaniques déjà présentes dans des jeux comme Castle Wolfenstein, 005 et Saboteur.
Terriblement marqué par les attaques nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki, Kojima enrichit son jeu d’un scénario bien au-dessus de la moyenne de l’époque, avec une mise en scène très travaillée et la menace nucléaire comme thème central. Prenant place en 1995 en Afrique du Sud, Metal Gear consiste en l’infiltration d’une base militaire baptisée Outer Heaven afin de déterminer l’arme nucléaire que détient les terroristes et sauver son créateur, le docteur Pettrovich Madnar. Membre de l’unité militaire Fox Hound, notre chef Big Boss y envoie une nouvelle recrue afin de secourir le soldat expérimenté Gray Fox et d’exécuter sa mission. Inspiré de Rambo pour son passé tumultueux et du physique de Snake Plissken de New York 1997, Solid Snake devient alors un héros emblématique sur les épaules duquel repose une mission d’importance.
Arrivant à la nage à l’entrée de la forteresse, Snake reçoit d’emblée un appel radio de Big Boss lui indiquant que sa discrétion est primordiale s’il tient à la vie. En effet, s’il se fait repérer par un garde ou une caméra, l’alarme s’enclenche et d’autres sentinelles armées ne tardent pas à arriver. Il doit alors trouver de quoi se camoufler quelques secondes pour que la situation revienne à la normale. Aussi avant-gardiste que soit cette mécanique pour l’époque, elle reste encore limitée dans le sens où changer de pièce suffit à faire éteindre l’alarme, excepté lors de séquences spéciales. Les gardes peuvent néanmoins suivre le joueur mais ils s’avèrent assez prévisibles en effectuant toujours la même ronde et ne peuvent pas le repérer s’il se trouve en dehors de leur vision rectiligne.
Le level design pousse habilement à l’exploration avec la traversée de nombreux couloirs, petites et grandes pièces en vue aérienne, auxquels s’ajoutent les ascenseurs permettant d’accéder aux différents niveaux du bâtiment. Metal Gear s’émancipe alors de la linéarité habituelle des jeux de l’époque grâce à des zones ouvertes pourvues de nombreuses portes à ouvrir grâce à des cartes-clé numérotés de 1 à 8 à trouver tout au long de l’aventure. Un système ingénieux qui manque toutefois encore d’ergonomie dans le sens où il faut être équipé de pile la bonne carte pour que la porte s’ouvre, sachant que Kojima s’est amusé à remettre des portes nécessitant les premières clés vers la fin du jeu.
Débutant avec une barre de vie réduite, Snake n’a dans un premier temps que ses poings pour attaquer, trois coups restant suffisants pour abattre un ennemi. Mais l’inventaire se remplit rapidement de nombreuses armes comme le pistolet, la mitrailleuse, le lance-grenade et même une arme, ultérieurement appelée Nikita, qui permet de diriger une roquette téléguidée afin d’enclencher un interrupteur qui libère le passage en enlevant l’électricité au sol. On trouve également des mines et un explosif malléable permettant de détruire les murs fragiles, plus tard connu sous le nom de C4. Comme la discrétion reste de mise, Snake trouve aussi un silencieux de manière à tuer les gardes à distance sans déclencher l’alarme.
Non sans s’inspirer d’un certain James Bond, Metal Gear comporte également de nombreux objets comme des cigarettes pour détecter les rayons à infra-rouge, un masque à gaz, des lunettes thermiques, un détecteur de mines, une lampe-torche et un masque à oxygène pour respirer sous l’eau. Outre un uniforme ennemi à revêtir, la fameuse boîte en carton permet de duper facilement les gardes et les caméras tant que Snake ne la fait pas bouger devant eux. Pour recharger sa barre de vie, il peut compter sur des rations cylindriques disséminées dans différentes zones, sachant que ses capacités augmentent au fur et à mesure qu’il délivre des soldats, ces derniers communiquant de précieuses informations sur les lieux.
Le jeu s’en sort avec des graphismes très corrects comportant des sprites assez grands et détaillés malgré la simplification des visages. Les musiques sont peu nombreuses mais particulièrement prenantes entre le thème principal calme et intrigant, la musique des sous-sols plus hostile et menaçante, les alarmes qui mettent la pression, les jingles d’intro et de game over devenus culte et les boss battles dynamiques. Ces derniers consistent d’ailleurs en des soldats qui ouvrent le feu à distance, ou en des machines comme un tank sous lequel il faut placer des mines et un hélicoptère Hind à exploser en lançant des grenades. Détruire le tank bipède Metal Gear reste évidemment l’objectif final, son affrontement étant assez particulier car ne dernier ne bouge pas encore et ne peut être vaincu qu’à l’aide d’explosifs en esquivant les rayons des caméras.
Encore assez limité, le contact par radio contribue toutefois à l’immersion et enrichit le background de la saga lors de plusieurs appels, notamment les derniers de Big Boss, qui nous induit en erreur par l’intermédiaire de fausses informations (se rendre dans un camion qui ramène au début du jeu, entrer dans une pièce contenant un précipice mortel). Hideo Kojima commençait même à briser le quatrième mur en faisant dire à Big Boss qu’il faut éteindre la machine car la mission est annulée. Tandis que l’alarme d’autodestruction retentit pour obliger Snake à quitter les lieux à la manière d’un Metroid, ce dernier doit affronter son chef, véritable dirigeant d’Outer Heaven, qui se servait de lui depuis le début. Sans le savoir, Kojima commençait une véritable mythologie avec un univers au background conséquent qui allait quelques années plus tard s’imposer comme un des plus riches du jeu vidéo.
D’abord réservé au MSX, Metal Gear est notamment porté sur NES sans la participation de son créateur. Malgré les idées reçues, cette adaptation est loin d’être mauvaise mais souffre de graphismes et de musiques de moins bonnes factures, ainsi que d’une certaine lenteur en version PAL. Parmi les changements notables, Snake est parachuté dans la jungle avant de rejoindre les bâtiments, les cigarettes ne font plus apparaître les rayons infra-rouges, un gant de fer permet de localiser les murs creux, les tirs vont beaucoup plus loin, la sauvegarde est remplacée par des mots de passe et un ordinateur géant se tient à la place du Metal Gear. Il faut attendre 2006 avant de pouvoir mettre la main sur la version d’origine traduite en français, présente dans Metal Gear Solid 3 Subsistence.
De Snake’s Revenge à l’excellent Metal Gear 2
Suite au premier Metal Gear sur MSX, une partie de l’équipe d’origine travaille sur une suite destinée aux NES occidentales à l’insu d’Hideo Kojima, qui ne comptait pas réaliser de suite. Dénommé Snake’s Revenge, ce nouvel opus se passe trois ans plus tard dans une mission similaire à celle du premier jeu. Snake est de nouveau parachuté dans une jungle près de la base à infiltrer avec plusieurs bâtiments à traverser. Malgré les apparences que donnent le sprite bodybuildé du personnage et la musique entraînante du début du jeu, le gameplay repose toujours sur l’infiltration. La jungle est d’ailleurs assez difficile à traverser avec ses zones d’ombre et ses nombreux gardes, Snake n’ayant que peu de points de vie et quelques balles à sa disposition. Cette fois-ci, les gardes le suivent d’écran en écran s’il est repéré, excepté dans les ascenseurs, et sont de plus en plus nombreux à le courser au fil du jeu.
Snake’s Revenge se veut plus linéaire dans le sens où le joueur ne revient jamais en arrière une fois qu’il a franchi une zone, mais les environnements sont vastes et n’ont pas de progression linéaire grâce au système de cartes-clé. Du côté des armes, le lance-grenades est abandonné au profit de simples grenades à lancer, un lance-fusée remplace la torche, les mines sont accompagnées de claymores qui tirent des balles sur un angle de quatre-vingt-dix degrés, le couteau tue les ennemis en un seul coup avec une bonne allonge et le fusil à pompe est utile face à des ennemis plus résistants qui peuvent arriver en cas d’alerte. Parmi les objets, le gaz de vérité sert à interroger des soldats inoffensifs enfermés dans certaines salles, l’appareil d’écoute permet d’entendre des conversations ennemies, les bottes protègent des piques qui surgissent du sol, le bras d’acier donne la force de déplacer des rochers qui bloquent le passage et le détecteur à rayons X dévoile les murs destructibles au C4.
L’avancée du jeu est très bien construite : Snake commence par traverser la jungle avec des lumières difficiles à éviter dans les zones sombres, il entre dans la base grâce à un de ses coéquipiers et se laisse embarquer sur un bateau qu’il quitte avant de le couler, puis traverse un train en marche et prend des téléphériques à travers les bâtiments restants. Le jeu a des graphismes bien plus soignés que le portage de Metal Gear et comporte bien plus de musiques, dont des pistes calmes et mystérieuses bien adaptées à l’infiltration. Les environnements sont variés en dehors des bâtiments et certaines phases de jeux ont l’originalité d’être en vue de côté. Elles permettent souvent de passer d’une zone à une autre dans des sous-sols munis de caméras, de bombes et de détecteurs électrifiant l’eau, dans laquelle Snake est souvent amené à ramper grâce à des bouteilles d’oxygène. La patte Konami au niveau de la musique, de l’eau et des décors de ces zones n’est pas sans rappeler le premier Tortues Ninja de la NES.
Les pièges sont toujours de la partie, notamment les trous qui se forment quand on approche, mais aussi de faux prisonniers qui explosent et des piques qui sortent du sol sur des cases prédéfinies avant de disparaître. Snake affronte quelques boss similaires aux soldats de son prédécesseur, mais aussi des groupes d’ennemis coriaces, un Metal Gear à battre grâce à des roquettes téléguidées à faire passer dans un conduit et un Big Boss cybernétique qui se métamorphose en une sorte de Terminator. Assez difficile, Snake’s Revenge comporte un système de mots de passe qui ne ramènent qu’au début de la zone commencée, mais conservent tous les objets trouvés plus loin. Non canonique à la saga, à la fois méconnu et boudé par certains joueurs pour son gameplay qu’ils croient axé action, Snake’s Revenge reste pourtant un très bon jeu tout à fait dans la lignée du premier Metal Gear.
Alors que Kojima travaille sur le jeu d’aventure graphique Snatcher, un junior de son équipe lui dévoile l’existence de Snake’s Revenge. Après lui avoir précisé le caractère non officiel du scénario, il estime que ce serait à lui de réaliser une véritable suite et la pousse ainsi à développer l’univers de sa future saga phare. Sorti le 13 avril 1990 sur MSX, Metal Gear 2 Solid Snake se déroule quatre ans après la chute d’Outer Heaven alors qu’une nouvelle nation asiatique nommée Zanzibar kidnappe un Kio Marv, scientifique capable de créer un hydrocarbure renforçant la production de pétrole au risque de faire basculer l’ordre mondial. Solid Snake est alors une nouvelle fois envoyé en mission afin de secourir le docteur, épaulé par le nouveau responsable de Fox Hound, le colonel Roy Campbell.
Puisant toujours plus du côté du cinéma, Kojima emprunte des visages d’acteurs connus pour ses personnages. Snake arbore ainsi le faciès de Mel Gibson, Campbell celui de Richard Crenna (le supérieur de Rambo), George Kasler (un mercenaire qui a connu Gray Fox) celui de Dolph Lundgren, Jacobson (un spécialiste en zoologie) celui de Danny De Vito, Big Boss celui de Sean Connery et le docteur Madnar celui d’Albert Einstein. Parmi les autres personnages, on trouve l’agent du CIA Holly White, qui inspirera Meryl pour Policenauts puis Metal Gear Solid, l’espionne Gustava qui vient en aide à Snake sur le terrain, ainsi que Master Miller par codec, présenté comme un expert de la faune et de la flore et maître en techniques de survie.
Maîtrisé de bout en bout, Metal Gear 2 apporte un grand lot d’innovations qui subliment fortement les bases déjà très solides du premier opus. Parmi les mouvements, il est désormais possible de ramper afin de se glisser dans des conduits d’aération et sous les véhicules, ou encore d’éviter de faire de bruit en marchant sur certaines surfaces. En effet, le bruit alerte les gardes et il est du coup possible de frapper volontairement une paroi afin de les attirer pour les neutraliser. Un radar situé dans le coin supérieur droit de l’écran montre la position de Snake ainsi que celle des gardes dans les pièces des alentours En cas d’alerte, celui-ci se brouille jusqu’à ce que les soldats abandonnent leurs recherches. L’intelligence artificielle fait un bond en avant avec des gardes à la vision en forme de cône et une recherche plus poussée en cas d’alarme, qui ne peut virer à l’orange qu’après un changement d’écran.
On retrouve la plupart des objets du premier Metal Gear, auxquels s’ajoutent des souris électroniques permettant d’attirer des gardes ou de déjouer des pièges, des missiles Stinger dévastateurs, un tapis de camouflage imitant n’importe quel terrain et un seau pour se cacher. D’autres items servent directement certaines des nombreuses spécificités du jeu, comme la boîte en carton qui permet de voyager d’une zone à une autre en la faisant passer sur un tapis roulant. On trouve aussi des œufs qui peuvent aboutir à un hibou faisant croire à un garde qu’il fait nuit afin qu’il éteigne des lasers, et un médicament qui soigne le rhume que Snake attrape quand il va dans une chambre froide. Kojima a même penser aux conséquences du chaud et du froid et faisant geler les rations dans cette dernière, les rendant inutilisables jusqu’à ce que leur température réaugmente en passant par le sauna.
Metal Gear 2 se pare de très beaux graphismes 8-bit avec des couleurs mieux utilisées, des sprites et des avatars plus détaillés ainsi qu’une animation améliorée lors de certains passages scénaristiques. Les musiques sont beaucoup plus nombreuses et variées, avec des thèmes surtout plus profonds comme celui des égouts qui aspirent à la tristesse des lieux, celui de la mort de personnages qui nous parlent de leur vie avant de rendre leur dernier souffle, ou encore les différentes mélodies des bâtiments marquant l’infiltration sur plusieurs niveaux d’intensité. Le level design reprend les bases du premier opus avec des allers-retours mieux gérés, une association de numéros moins galère pour les portes et des couloirs moins labyrinthiques.
Plus nombreux et variés dans les affrontements avec des surnoms référencés comme Running Man et Predator, les boss sont fortement humanisés par le vécu qu’ils nous partagent avant de rendre l’âme. C’est par exemple le cas du tout premier, qui se révèle être Schneider, un partenaire de la mission à Outer Heaven qui s’est laissé recueillir et berner par les idéaux de Big Boss. Le docteur Madnar est alors présenté comme un agent double pour le compte de Zanzibar étant donné que l’Ouest avait toujours refusé ses idées pour la conception du Metal Gear. À noter que pour appréhender Gustava déguisée en garde, Kojima oblige le joueur à attendre qu’elle rentre dans les toilettes des femmes, afin de la différencier des autres gardes qui, eux, utilisent celles des hommes.
Bien mieux exploité, le codec permet d’appeler régulièrement les contacts de Snake afin d’obtenir des informations sur les environs. Une étrange personne se présentant comme notre fan numéro un donne parfois des informations sur ce qui va arriver, tandis que Kojima brise de nouveau le quatrième mur en cachant la fréquence de Madnar dans le manuel du jeu. Metal Gear 2 possède surtout une ambiance bien plus profonde dissimulant un background d’une intensité inédite en 1990. Les nombreux enfants que le joueur croise lui apprennent alors qu’ils ont été recueillis par Big Boss pour devenir des soldats à son service, bien qu’ils ont sans doute été des victimes de guerre par sa faute. Alors qu’ils idolâtrent celui qu’ils considèrent comme leur père, Snake est amené à réfléchir au sens de son existence en se souvenant qu’il a anciennement été comme eux.
Après un affrontement contre Gray Fox, l’intensité atteint son paroxysme alors que Snake se retrouve face à un Big Boss au faciès balafré et barbu, illustrant le vécu d’un soldat supérieur qui sera bien plus difficile à battre qu’auparavant. Particulièrement abouti, le combat final se termine sur les révélations de Big Boss considérant que la paix n’est qu’une illusion, qu’il n’est que question de déclencher une guerre, d’alimenter son feu, de faire des victimes, de les sauver et de les entraîner afin de les renvoyer sur le champ de bataille. Un background déjà colossal qui a fortement su inspirer les futurs épisodes en 3D de la saga. Metal Gear 2 s’impose de très loin comme le meilleur jeu de l’année 1990, juste derrière l’indétrônable Super Mario World.
Le monument Metal Gear Solid
Huit longues années après un Metal Gear 2 réservé aux seuls possesseurs de MSX, la saga effectue un passage à la 3D exceptionnel qui popularise fortement le genre de l’infiltration auprès du grand public sur PlayStation. Appelé Metal Gear Solid en référence aux polygones qui remplacent le rendu en deux dimensions, il fait sortir Solid Snake de sa retraite le 3 septembre 1998 pour démanteler un groupe terroriste menaçant de lancer une ogive nucléaire. Ce dernier s’avère être Fox Hound, ancienne unité du colonel Campbell, désormais dirigée par un certain Liquid Snake.
Muni d’un simple bandeau et d’une poigne près à briser des nuques, Snake s’immisce sur l’île de Shadow Moses afin de sauver des otages ayant participé à la conception du Metal Gear REX, nouvelle évolution du tank bipède capable d’utiliser le nucléaire depuis n’importe où. Il est pour cela épaulé par plusieurs personnages à distance, notamment le colonel Roy Campbell, mais aussi Mei Ling pour les sauvegardes, Master Miller pour les conseils de terrain et la spécialiste de l’armement Nastasha Romanenko. S’ajoutent à eux Meryl Silverburgh, nièce du colonel que Snake rencontre sur le terrain, le concepteur du Metal Gear Hal Emmerich ainsi que le mystérieux Deepthroat, qui prévient le héros des dangers qui l’attendent.
Très détaillés pour leur époque, les graphismes rencontrent toutefois quelques limites en faisant le choix de flouter les yeux des personnages, rappelant ainsi l’absence de visage des anciens jeux Konami. La vue aérienne offre un côté rétro appréciable en parallèle de la vue subjective qui permet de se projeter au loin. Résolument discrètes pour instaurer l’ambiance, les musiques s’intensifient lors des alarmes et des combats de boss, qui multiplient les situations et les techniques à utiliser. Pour attirer l’attention des gardes, Snake peut compter sur ses traces de pas dans la neige en plus des traditionnelles parois à frapper.
Pour se défendre, le joueur continue de trouver son équipement sur place, du Socom aux missiles Stinger, en passant par les explosifs C4 et le Nikita aux roquettes télécommandées. On trouve également des grenades étourdissantes, d’autres servant à brouiller certains appareils, un FA-MAS très utile et un fusil de sniper à utiliser allongé au sol. Hideo Kojima pousse même le réalisme jusqu’à l’utilisation de diazépam pour palier les petits tremblements lors de la visée à longue distance. Il continue surtout de briser le quatrième mur via plusieurs éléments déjà présents dans Metal Gear 2, avec Meryl qui va aux toilettes déguisée en soldat et sa fréquence à retrouver au dos de la boîte du jeu).
Mais Kojima va beaucoup plus loin par l’intermédiaire de Psycho Mantis, médium capable de lire dans les pensées. Ce dernier peut en effet détecter des parties enregistrées de quatre jeux Konami sur la carte mémoire (Suikoden, Vandal Hearts, Castlevania Symphony of the Night et Azure Dreams) et nécessite de brancher la manette sur le port du deuxième joueur pour qu’il ne puisse plus prédire les attaques de Snake. De manière générale, les personnages et les combats de boss sont grandioses, entre Revolver Ocelot et son addiction aux pistolets à recharger en plein combat, Vulcan Raven à piéger avec des mines ou une roquette Nikita, le ninja qui exige l’honneur d’un combat à mains nues et Sniper Wolf qui s’affronte intégralement à travers la lunette du sniper.
À travers ses personnages d’une grande profondeur, Metal Gear Solid propose une véritable réflexion sur la condition humaine et la réalité de la guerre. Meryl qui rêvait d’être soldat, Otacon qui ressent la douleur des sentiments sur le champ de bataille, Sniper Wolf qui déverse ses dernières larmes (« J’ai regardé la stupidité de l’humanité à travers le viseur de mon fusil. ») : les scènes touchantes n’en finissent plus d’enrichir le scénario. Même les antagonistes savent se montrer profondément humains, tel Psycho Mantis qui raconte les horreurs qu’il a pu lire dans les pensées de son père.
Metal Gear Solid fait partie de ces œuvres qui dépassent le simple cadre du divertissement en faisant réfléchir le joueur sur la société contemporaine. Au-delà de l’intensité de son gameplay, c’est bien sa narration qui fait que tant de monde s’en souvient aujourd’hui, le jeu regorgeant de cinématiques, d’intensives phases de codec et de dialogues cultissimes (« Maintenant, nous voilà à égalité. Le combat à mains nues est le combat roi : qui compte sur une arme est un fou ! »). Parfois surfaits (« Cochon qui s’en dédie, docteur. »), les doublages français offrent une telle authenticité que le jeu regorge de dialogues intenses dans tous les registres.
Déjà remarqué pour son incarnation de Rikimaru dans l’excellent Tenchu, Emmanuel Bonami fait partie de ces comédiens de doublages ayant marqué toute une génération par la justesse et l’humanité de leur interprétation de héros comme Solid Snake. Un jeu d’anthologie ayant à jamais marqué l’histoire du jeu vidéo, rapidement accompagné de nouvelles missions d’entraînement dans un troisième CD nommé Metal Gear Solid VR Training, où il est même possible de jouer avec Gray Fox !
Un petit détour sur Game Boy Color
Un an et demi après le phénomène Metal Gear Solid, Kojima effectue un petit retour aux sources avec un nouvel épisode en 2D sorti le 24 avril 2000 sur Game Boy Color. Intitulé Metal Gear Ghost Babel, il s’agit d’une nouvelle suite alternative se déroulant sept ans après l’épisode d’origine sans tenir compte des événements de Metal Gear 2. Snake infiltre cette fois-ci la forteresse Gindra, située en Afrique du Sud, afin de sauver l’ingénieur Jimmy Harks et d’empêcher le lancement d’une nouvelle ogive nucléaire. Par codec, Snake est de nouveau assisté par Campbell et Mei Ling. Il communique aussi avec Weasel, un mercenaire employé pour le conseiller au combat, un membre de la CIA expert en survie nommé Mc Bride et rencontre Chris Jenner, la seule rescapée de membres de la Delta Force envoyés sur place.
Très proche de Metal Gear Solid au niveau de sa structure, Ghost Babel a lui aussi sa propre unité ennemie : la Black Chamber. Ses quatre membres constituent la plupart des boss du jeu, chacun a son identité et sa façon de combattre. Slasher Hawk est un homme des bois accompagné d’un faucon et muni d’un boomerang géant, Marionette Owl un être androgyne et nyctalope traumatisé par la mort d’une amie proche et trompant son adversaire en se quadruplant, Pyro Bison un être proche de Vulcan Raven se battant avec un gros lance-flammes ainsi que leur chef Viper, un homme au bras bionique. Snake affronte également un hélicoptère et un nouveau Metal Gear, dont il détruit les pieds pendant qu’il le poursuit avant de venir à bout de ses armes un fois cloué au sol. Le jeu opte pour un rendu assez coloré et des sprites sans doute trop détaillés pour les faibles capacités de la machine, mais sa belle exploitation permet aux graphismes de largement de démarquer des autres productions de l’époque. Les musiques ne valent globalement pas celles des opus MSX mais restent parfaitement dans l’esprit de la saga.
Metal Gear Ghost Babel est décomposé en treize niveaux, ce qui le rend un peu plus linéaire pendant une partie du jeu, mais tout en conservant de larges zones à explorer. Débutant par la jungle, le level design se veut d’abord assez classique pour continuer vers des bâtiments de plus en plus complexes avec le même système d’étages et de cartes-clés à trouver pour ouvrir les portes. Les ennemis sont peu nombreux mais peuvent repérer Snake plus facilement que dans les précédents épisodes 2D. Ces derniers se multiplient vite en cas d’alarme, qui reprend le thème calme de Metal Gear 2, et effectuent leur recherche pas mal de temps avant que l’alerte ne s’arrête. Au bout de trois coups portés, ils tombent dans les pommes et se relèvent rapidement, un autre combo leur étant généralement fatal. S’il est aisé de les tuer avec le pistolet muni d’un silencieux, les chargeurs sont petits, rares à trouver et seule la barre de vie augmente en avançant.
Au fil du jeu, Snake se constitue un arsenal similaire à celui de Metal Gear Solid, comprenant toutes sortes d’armes et d’objets comme les grenades, le Nikita, le détecteur de mines et les lunettes thermiques. Certains passages sortent alors grandement du lot en mettant à profit les différentes armes du jeu. Il est par exemple amené à détruire de nombreux panneaux à l’aide de roquettes téléguidés afin d’enlever l’électricité au sol et à exploser des murs précis avec le C4 pour entrer dans une cellule. On peut également retenir la fuite de la centrale avant son effondrement, le combat contre Marionnette Owl et ses clones visibles grâce à la chaleur qu’ils dégagent et le dédale des tapis roulants où il faut régulièrement changer de couleur de carton pour accéder à de nouvelles zones.
Le scénario a beau être classique et respirer le déjà-vu, sa narration est prenante grâce aux nombreuses phases de codec (et ce malgré le rythme assez lent de l’affichage des textes) et aux dernières paroles des boss accompagnées de belles scènes fixes représentant les personnages. Un soin particulier est également apposé au background et aux relations entre les personnages, avec Chris qui rappelle Meryl, l’arrogance et la juvénilité de Jimmy, sans oublier la remise en question de Sophie sur sa place dans les événements. Réussi de bout en bout, Metal Gear Ghost Babel s’impose aisément comme un des jeux les plus ambitieux de la Game Boy Color, aux côtés de The Legend of Zelda Oracle of Ages et Seasons et de Pokémon Or et Argent.
Le coup de maître d’Hideo Kojima
Terriblement attendu après un premier épisode ayant marqué toute une génération, Metal Gear Solid 2 arrive le 13 novembre 2001 en exclusivité PlayStation 2, prêt à exploiter les possibilités de la console pour sublimer un gameplay déjà très abouti. Le scénario se déroule en 2007, deux années après le précédent jeu, tandis que Solid Snake s’élance dans un tanker qu’il suspecte de camoufler un nouveau type de Metal Gear. Épaulé par son fidèle ami Otacon, il va alors affronter l’armée de Sergei Gurlukovitch et de sa fille Olga en infiltrant un bateau au level design absolument exquis. Le gameplay gagne fortement en dynamisme avec la possibilité de renverser les ennemis en leur fonçant dessus et de pointer son arme tout en étant en vue à la première personne. L’occasion de braquer un ennemi pour récupérer son précieux dog tag et commencer une longue collection !
Si les mouvements gagnent fortement en fluidité, l’intelligence artificielle effectue un sacré bon en avant. En effet, lorsqu’un ennemi repère Snake, ce dernier peut empêcher son assaillant de déclencher l’alarme en l’assommant ou en détruisant sa radio. Quand bien même les sirènes retentissent, le joueur peut se cacher dans des casiers sans faire de bruit pour échapper aux gardes. Lorsque l’alarme baisse d’un cran, les ennemis restent alertés et des soldats lourdement armés inspectent les lieux au peigne fin pour trouver la cachette de Snake. Le temps imparti terminé, le jeu revient à la normale mais les ennemis restent alertés quelques instants. On trouve la panoplie d’armes habituelles avec quelques nouveautés et des améliorations de gameplay, comme la possibilité de tirer debout avec le sniper.
Au-delà de son game design très en avance pour son époque, Metal Gear Solid 2 se pare d’un scénario intense mettant en scène des personnages charismatiques qui donnent leur nom au sous-titre du jeu, « Sons of Liberty ». Qu’il s’agisse de la guerrière Fortune, du spécialiste des explosifs Fatman ou du terrifiant Vamp, tous participent efficacement au background et aux affrontements du jeu. Les personnages alliés ne sont pas en reste entre le démineur Peter Stillman et la sœur d’Otacon Emma Emmerich, retenue prisonnière sur la plateforme pétrolière qui constitue la principale zone du jeu. Car là où Kojima frappe très fort, c’est en ayant camouflé le héros principal de cette nouvelle aventure durant la campagne marketing. Si les possesseurs de Zone of the Enders ont pu refaire en boucle la première partie du tanker dans la démo de Metal Gear Solid 2, rien ne présageaient que Snake allait être laissé pour mort après le naufrage du navire.
La deuxième partie du jeu laisse alors place à Raiden, jeune blondinet envoyé en mission pour délivrer des otages et empêcher le lancement d’une ogive nucléaire. Un sérieux air de déjà-vu renforcé par ses instructions directement reçues d’un certain Roy Campbell. De son vrai nom Jack, ce nouveau héros est également épaulé par sa compagne Rosemary, leurs noms étant clairement inspirés par le duo de Titanic. Si de nombreux joueurs se sont sentis dupés, ils ont au moins eu l’occasion de voir Solid Snake sous un tout autre jour, présenté d’un point de vue extérieur sous l’identité d’Iroquois Pliskin, qui tire son nom du personnage de Kurt Russell dans New York 1997, ayant lui-même servi d’inspiration pour le personnage de Solid Snake en 1987. Plus charismatique que jamais, Revolver Ocelot effectue son retour et prend réellement sa place de principal antagoniste de la saga.
Ce qui serait sans compter la présence de Solidus Snake, frère caché de Liquid et Solid Snake ressemblant fortement à Big Boss, à partir duquel ils ont été clonés. Le scénario fait alors directement écho à la société du XXIème siècle avec l’existence des Patriotes, personnages dirigeant le monde dans l’ombre en influençant directement les hommes politiques. Plus qu’un tour de force, Metal Gear Solid 2 s’impose à la fois comme un modèle de gameplay et de scénario complexe apportant une véritable réflexion sur le sens de notre existence. Réédité un an plus tard sur Xbox sous le nom de Metal Gear Solid 2 Substance, le jeu propose trois-cent missions bonus en réalité virtuelle et deux-cents autres qui se déroulent dans les environnements du jeu. En plus de cela, la réédition PS2 comporte un documentaire sur le développement du jeu et un mode skate dans lequel Snake et Raiden peuvent drifter sur la Big Shell transformée en skate-park.
Pour l’amour des remakes
Tandis que Metal Gear Solid 3 se fait toujours attendre, la Game Cube accueille une nouvelle version du premier Metal Gear Solid le 9 mars 2004. Nommée The Twin Snakes en référence aux deux principaux fils de Big Boss, elle est développée par Silicon Knights, à qui l’on doit des jeux comme Blood Omen Legacy of Kain et Eternal Darkness Sanity’s Requiem. À l’instar du premier Resident Evil, il s’agit d’un remake aux graphismes entièrement retravaillés et au gameplay aligné sur celui de Metal Gear Solid 2. Snake peut alors tirer en vue à la première personne, plonger en avant, se cacher dans des casiers et tenir les gardes en joue pour collecter leurs dog tags. Il est néanmoins dommage que le level design ne s’y adapte pas totalement, le joueur pouvant par exemple se suspendre aux rambardes et atteindre le rez-de-chaussée du hangar à tanks dès sa première visite.
Un autre changement majeur concerne les cinématiques, entièrement retravaillées par Ryuhei Kitamura, réalisateur connu pour des films comme Versus L’Ultime Guerrier, Aragami et Azumi. Une redécouverte appréciable si ce n’est que la plupart d’entre elles s’avèrent totalement surfaites, comme l’atteste le passage durant lequel Snake prend appui sur un missile du Hind pour se propulser dans les airs et achever l’hélicoptère au Stinger. Seule la séquence où Meryl fait du charme au héros sous l’emprise de Psycho Mantis est réellement mieux mise en scène, avec une jolie reprise du thème musical. Un des défauts du remake reste toutefois sa bande originale, les musiques manquant fortement de dynamisme à l’exception de l’affrontement contre Sniper Wolf et du combat final, qui reprend brillamment le thème principal de la saga.
De manière générale, l’ambiance sonore est beaucoup trop discrète, certaines zones étant purement et simplement privées de musique. Cela se ressent particulièrement durant les phases de codec, reprises à l’identique en termes d’affichage, mais dont l’intensité des meilleures d’entre elles tombe complètement à plat. Bien que les voix originales soient de grande qualité, on peut regretter l’absence des voix françaises, qui apportaient un sacré confort et plus de dialogues cultissimes dans le jeu d’origine. En outre, le remake subit quelques simplifications, comme le PSG1 qui se situe désormais directement dans une petite pièce du premier sous-sol de l’entrepôt à ogives afin d’éviter un aller-retour estimé trop long.
Pour faire honneur à son support d’accueil, Metal Gear Solid The Twin Snakes multiplie les références à l’univers Nintendo. Le laboratoire d’Otacon contient par exemple des figurines de Mario et de Yoshi, ainsi qu’une Game Cube qui remplace la PlayStation du jeu original. La pièce où Snake combat Psycho Mantis affiche quant à elle des portraits de Shigeru Miyamoto, Hideo Kojima et Denis Dyack, fondateur de Silicon Knights. Lorsque le médium tente de lire la carte mémoire du joueur, il peut cette fois-ci y déceler des parties de Super Smash Bros. Melee, Super Mario Sunshine, The Legend of Zelda The Wind Waker et Eternal Darkness. Ce dernier est également représenté par un poster de Pious Augustus dans un casier de l’armurerie du hangar à tanks et sur un magazine coquin servant à distraire les gardes, Alexandra Roivas étant présente sur une des pages. Bien loin de la qualité de son modèle PlayStation, Metal Gear Solid The Twin Snakes reste un très bon jeu faisant partie des meilleurs atouts de la Game Cube.
Retour vers le passé de Metal Gear
Trois ans après un Metal Gear Solid 2 hors du commun, Hideo Kojima entame une longue exploration du passé du scénario avec Metal Gear Solid 3 Snake Eater, qui place le joueur dans la peau du futur Big Boss, pour le moment connu sous le nom de code Naked Snake. Sorti le 17 novembre 2004, le jeu prend place en 1964 alors que la guerre froide oppose les États-Unis et le bloc soviétique. Une fois n’est pas coutume, Snake est chargé de secourir Sokolov, un ingénieur ayant conçu le Shogohod, un redoutable tank capable d’utiliser le nucléaire. Il est supervisé à distance par le Major Zero, ancien membre du Silent Air Service, l’experte en soins et nutritionniste Para-Medic ainsi que Sigint, spécialiste de l’armement. Il est rapidement confronté à Volgin, colonel pouvant générer un puissant courant électrique, ainsi qu’à la redoutable The Boss, son ancienne mentor mystérieusement passée dans le camp ennemi. Coopérant avec l’énigmatique Eva, agent se faisant passer pour la femme de Volgin, il est aussi amené à affronter le jeune Revolver Ocelot et son caractère particulièrement effronté.
Metal Gear Solid 3 effectue lui aussi un sacré bon en avant au niveau du gameplay, totalement adapté à la survie et à l’infiltration dans des zones plus vastes. Snake étant parachuté en pleine jungle, il doit gérer sa nourriture en composant avec la faune et la flore de l’environnement. Il est ainsi amené à tuer serpents, alligators, lapins et autres volatiles pour se créer des provisions, sans quoi la jauge de stamina baisse rapidement et réduit ses capacités au combat. Afin de pousser le réalisme encore plus loin, certaines blessures sont localisées et nécessitent une intervention chirurgicale pour être soignées. Bandages, attelles et autres onguents se révèlent alors indispensables pour réparer une fracture, apaiser une brûlure, stopper une hémorragie ou recoudre une coupure. Si Snake ingurgite un champignon non comestible ou de la nourriture qui a périmé avec le temps, il dispose même de médicaments pour guérir les intoxications alimentaires.
La condition de soldat est notamment mise en avant par les différents camouflages permettant de se fondre dans les décors. Selon la colorimétrie des lieux, Snake peut choisir une tenue et une peinture au visage pour assurer une invisibilité maximale, indiquée à l’écran par un pourcentage. Toujours mieux peaufiné, le gameplay met aussi bien l’accent sur le combat rapproché que sur l’affrontement à distance. Les armes disponibles sont nombreuses mais le joueur doit soigneusement choisir lesquelles il place dans son sac à dos, au contenu fatalement limité. Pour une parfaite cohérence aux moyens de l’époque à laquelle se déroule le jeu, une arme ne peut servir qu’un certain nombre de fois avant de briser son silencieux, obligeant ainsi à limiter son utilisation.
Multipliant les situations et faisant toujours plus référence au cinéma, tel le Major Zero qui mentionne les premiers films James Bond en supposant que la saga aboutira sans doute à une vingtaine de films, Metal Gear Solid 3 n’oublie pas de mettre Snake face à des adversaires charismatiques constitués de son ancienne unité Cobra. On trouve alors The Pain au visage ravagé par les frelons, The Fear et son agilité hors norme ou encore The Fury et son lance-flamme dévastateur. Doyen parmi les doyen, le centenaire The End s’affronte quant à lui dans une large zone dans laquelle il se plaît à nous surprendre au sniper. Mais Kojima n’ayant pas l’habitude de se contenter du traditionnel, il est toutefois possible de l’éliminer à distance durant le court instant qui suit une cinématique, ou en avançant l’horloge de la console de plusieurs jours pour le faire mourir de vieillesse. Tout aussi particulière, l’aboutissement de la séquence face à The Sorrow laisse croire à un game over comme si Snake avait utilisé une pilule qui simule la mort.
Metal Gear Solid 3 dispose également d’une très belle direction artistique, et de somptueux graphismes qui exploitent pleinement les capacités de la PlayStation 2. Pour les besoins de la forêt luxuriante, l’équipe du jeu s’est inspiré de plusieurs régions du monde, comme la jungle de Yakushima, l’île Amami-Oshima et les grandes forêts canadiennes. Une immersion totale renforcée par une ambiance sonore très pertinente et des musiques de très grande qualité. Interprété par la talentueuse Cynthia Harrell, la chanson « Snake Eater » reste parmi les plus mémorables de l’histoire du jeu vidéo et symbolise à elle seule toute la beauté du scénario, alliant pugnacité et mélancolie avec maestria. Utilisée comme thème introductif, elle accompagne notamment la montée d’une longue échelle et sert de compte à rebours lors de l’excellent combat final, aboutissant à une fin qui rappelle la cruelle dissonance qui peut exister entre annonce officielle et réalité.
Sorti en exclusivité PlayStation 2, le jeu fait d’abord le choix de conserver la vue aérienne de ses prédécesseurs, par vraiment adaptée à l’exploration d’environnements ouverts. Une erreur corrigée fin 2005 dans la réédition Metal Gear Solid 3 Subsistence, qui comporte également les deux premiers Metal Gear jouables dans leur version d’origine : un contenu généreux permettant à de nombreux joueurs de découvrir les épisodes fondateurs. Il est également jouable sur PlayStation 3 et Xbox 360 fin 2011 dans la compilation Metal Gear Solid HD Collection, aux côtés de Metal Gear Solid 2 et Metal Gear Solid Peace Walker. Seul épisode porté sur Nintendo 3DS début 2012, il devient jouable sur PlayStation Vita quatre mois plus tard.
La PlayStation Portable à l’honneur
Après avoir bien exploité la PlayStation 2 et alors que Kojima présente déjà le futur Metal Gear Solid 4 comme un grand final rassemblant enfin les dernières pièces du puzzle, Konami compte bien expérimenter de nouveaux concepts sur la toute jeune PlayStation Portable. Pourvue d’un line-up assez rachitique le 12 décembre 2004, elle peut toutefois compter sur Metal Gear Acid pour justifier son achat quatre jours plus tard. Non canonique, son scénario vire un peu plus vers le surnaturel avec un groupe terroriste qui prend le contrôle d’un avion par l’intermédiaire d’étranges poupées menaçant de tuer les passagers. Le jeu est composé de quatorze niveaux à parcourir, sa particularité étant donné qu’il se joue comme un Tactical-RPG, l’infiltration se prêtant vraiment bien au genre. Snake se déplace alors case par case et utilise des cartes à l’effigie d’éléments-clé de la saga, comme le SOCOM et le FA-MAS pour attaquer, un gilet pare-balles pour réduire les dégâts et les rations pour regagner de l’énergie.
Il est possible d’acheter de nouvelles cartes entre les missions et les références aux anciens Metal Gear, y compris les épisodes 2D, se font nombreuses. On trouve ainsi l’unité Ocelot pour se déplacer de six cases, une carte Liquid Snake pour booster les capacités lorsque les points de vie sont bas ou encore le Ninja qui utilise son épée pour pulvériser les gardes et les robots. Le jeu n’est pas très difficile dans l’ensemble mais oblige vraiment à être discret et très attentif car l’alarme peut être synonyme de mort imminente tant les gardes savent de montrer nombreux et agressifs. Pour les niveaux plus difficiles, on redécouvre alors les joies du Nikita, du camouflage optique et du PSG1. On peut regretter que certaines missions soient trop longues et doivent être recommencées depuis le début en cas d’échec, tout comme il aurait été plus ingénieux de pouvoir ouvrir et franchir une porte durant la même action, ainsi que se mettre au sol et ramper en même temps. Metal Gear Acid reste toutefois un bon épisode qui exploite brillamment la PSP grâce à un gameplay d’infiltration tactique très bien pensé.
Le 8 décembre 2005, Metal Gear Acid 2 reprend les mêmes bases en un peu plus abouti. Le rythme est accéléré et le gameplay moins carré permet d’avancer plus efficacement de case en case. Le jeu arbore un cel shading assez joli mais bien souvent trop coloré, jusqu’à faire passer le Metal Gear pour un jouet. Si la plupart des nouvelles cartes consistent en des pièges à placer ou de nouvelles armes à équiper, d’autres se démarquent davantage comme la lame de Raiden, le couteau beaucoup plus puissant, le boomerang, l’arbalète, ainsi que quelques cartes à l’effigie des personnages du premier Metal Gear Acid. Assez anecdotique, le scénario vaut surtout pour les dialogues entre notre chef Dalton et le terrible Wiseman, dont la bonne tête de méchant tient à nous confirmer qu’il est bel et bien méchant. Les combats de boss restent sympathiques comme le Metal Gear à affronter en duo et la fuite à pied puis en véhicule façon Metal Gear Solid. Moins marquant que son prédécesseur, Metal Gear Acid 2 reste un jeu très correct pour tout amateur de stratégie.
Alors que des épisodes plus classiques se laissent attendre sur la console, Konami propose une adaptation d’un comic book paru en 2004, qui revisite le scénario du premier Metal Gear Solid. Sorti le 13 juin 2006, Metal Gear Solid Digital Graphic Novel se présente alors comme un roman graphique interactif dans lequel les planches défilent de manière dynamique avec des illustrations qui rendent hommage au style de Yoji Shinkawa. Tandis que le scénario s’adapte aux normes narratives de la bande dessinée avec de nombreux passages réécrits, plusieurs éléments graphiques comme les phylactères et les onomatopées sont animés et la narration est accompagnée d’effets sonores et de musiques adaptées aux situations. Cette version propose également de dénicher des fichiers contenant des éléments intéressants sur la biographie des personnages. Le 12 juin 2008, Metal Gear Solid Digital Graphic Novel 2 repense Metal Gear Solid 2 de la même manière, directement sur support vidéo. Il faut alors attendre 2013 pour profiter de cette bande dessinée interactive en Occident avec Metal Gear Solid The Legacy Collection.
Le 5 décembre 2006, Kojima entame une nouvelle série de jeux explorant le background de Big Boss avec Metal Gear Solid Portable OPS, dont l’action se déroule six ans après les événements de Metal Gear Solid 3. Fait prisonnier par le nouveau leader de l’unité Fox, il parvient à s’échapper en s’alliant au jeune Roy Campbell, alors béret vert, et compte bien montée sa petite armée afin de contrecarrer les plans de leurs ennemis. S’il reprend le gameplay habituel des épisodes principaux, Metal Gear Solid Portable OPS a la particularité de se découper en plusieurs missions durant lesquelles Snake se rend dans des lieux confinés comme un laboratoire, une base soviétique ou un entrepôt afin d’y effectuer une tâche précise. Le joueur est notamment amené à capturer de nombreux soldats ennemis afin de constituer une armée en les plaçant à plusieurs postes, comme celui d’espion qui leur permet de repérer des munitions et des armes à aller chercher. Il est aussi possible d’attraper un soldat par surprise pour le faire parler et obtenir des informations utiles.
La jouabilité reste identique à celle des précédents Metal Gear Solid, seule la caméra étant plus difficile à diriger étant donné l’absence de stick analogique droit. Agréables à parcourir, les lieux restent toutefois très similaires, une plus grande variété du level design aurait été plus appréciable. Si les combats de boss sont assez inégaux, on retient tout de même des personnages comme Null, qui s’avère être Frank Jaeger, le terroriste Python et le spécialiste des interrogatoires Cunningham. Plutôt convenu, le scénario n’apporte pas grand-chose au background de Campbell mais a tout de même le mérite de faire vivre l’ascension de l’armée de Big Boss, qui annonce son futur Outer Heaven. On en retient surtout ses dialogues pertinents mis en scènes par de superbes scènes animées arborant la direction artistique qu’Ashley Wood avait déjà expérimentée avec Metal Gear Solid Digital Graphic Novel. Le 20 septembre 2007, un stand alone intitulé Metal Gear Solid Portable OPS Plus vient notamment proposer un mode de jeu en ligne.
Le 29 avril 2010 l’ambitieux Metal Gear Solid Peace Walker marque l’apogée de la saga sur PlayStation Portable dans un jeu à la structure très similaire à son prédécesseur, présentée par Kojima comme un prototype de sa vision du futur Metal Gear Solid V. L’action se déroule en 1974 sur les terres d’un Costa Rica menacé par les ogives nucléaires d’une force militaire inconnue. Fondateur de la société Militaires Sans Frontières aux côtés de Kazuhira Miller, futur mentor de Solid Snake, Big Boss développe alors toujours plus son armée afin de leur venir en aide. Le recrutement de soldats est d’autant plus au cœur du gameplay que leur nombre permet de développer de nouveaux équipements, certains d’entre eux s’avérant indispensables pour la poursuite du scénario. Parmi les nouveautés de gameplay, le déplacement en étant accroupi vient remplacer la possibilité de ramper et le système de récupération Fulton permet de capturer les soldats inconscients. On retrouve aussi l’indicateur de camouflage de Metal Gear Solid 3 ainsi qu’un ancêtre du radar Soliton.
En plus du mode solo, Metal Gear Solid Peace Walker possède un mode coopératif en ligne jusqu’à quatre joueurs avec la possibilité de ranimer ses camarades, partager son inventaire, tenir les portes pendant que les autres joueurs passent et marquer les ennemis qu’ils ne peuvent pas voir. En outre, le jeu comporte plusieurs personnages faisant écho à des visages bien connus. C’est par exemple le cas d’Amanda, qui ressemble fortement à Meryl, mais aussi à Huey Emmerich, scientifique ayant donné naissance à Otacon et Emma. On trouve aussi l’ornithologue Cécile qui ressemble beaucoup à Eva, ainsi que l’ingénieure Strangelove, conceptrice du Metal Gear Peace Walker dont les traits rappellent ceux d’Olga Gurlukovich. Si l’on peut reprocher au jeu une certaine répétitivité et un scénario capillotracté qui n’apporte que quelques éléments réellement intéressants, il reste un bel aboutissement aussi technique que ludique pour la portable de Sony.
Guns of the Patriots
Avec l’arrivée de la septième génération de consoles et du marché des smartphones, les possibilité se multiplient tandis que les références fusent dans toutes sortes de jeux. En 2008, Solid Snake justifie sa présence parmi les personnages jouables de Super Smash Bros. Brawl par son incursion sur Game Cube dans le remake du premier Metal Gear Solid. Ses coups spéciaux font honneur au gameplay de la saga avec un lancer de grenade, un missile téléguidé, un lance-grenade, du C4 et un cypher qui le propulse dans les airs. Une arène propose même de se confronter sur l’île de Shadow Moses, avec le Metal Gear Rex qui détruit son enceinte petit à petit. Outre la sortie des très anecdotiques Metal Gear Solid Mobile et Metal Gear Solid Touch sur smartphone, le coffret Metal Gear Solid The Essential Collection réédite les trois premiers Metal Gear Solid sur PlayStation 2 pour mieux préparer l’arrivée de Metal Gear Solid 4, qui paraît le 12 juin 2008 en exclusivité PlayStation 3.
Le scénario de ce dernier se déroule en 2014, soit cinq ans après les événements de Metal Gear Solid 2 et marque l’émergence des sociétés militaires privées, dont les nanotechnologies décident des armes que peuvent utiliser chaque soldat. Partageant son corps avec l’esprit de Liquid Snake depuis sa greffe de bras, Revolver Ocelot cherche à exploiter cette intelligence artificielle pour assouvir l’idéal de Big Boss et en finir avec les Patriotes. Semblant vieillir et s’affaiblir de plus en plus rapidement, Solid Snake part alors à sa poursuite le long de chaque grands chapitres. Le jeu a d’emblée de quoi surprendre tandis que le héros se retrouve sur un champ de bataille au Moyen-Orient, en plein milieu d’une guerre qui ne le concerne pas. Les environnements sont en effet plus ouverts et l’infiltration n’est plus vraiment la principale mécanique de jeu. La combinaison de Snake lui permet pourtant de reproduire les textures et les couleurs de l’environnement où il se trouve, faisant ainsi office de camouflage optique tant qu’il reste immobile.
Toujours secondé par Otacon, Snake est directement équipé d’une lunette monoculaire servant aussi bien de jumelles que de vision nocturne en plus d’apporter des informations sur les ennemis et les objets des alentours. Le petit robot Metal Gear Mk. II permet au joueur de repérer le terrain en toute discrétion, d’électrocuter les gardes, de désamorcer d’éventuels pièges et de ramener des objets. Si la nourriture n’est plus à gérer, une jauge psychologique influe toutefois sur la précision des tirs et sur la restauration de la jauge de vie. Largement étoffé, le panel d’armes s’avère être un sérieux casse-tête tellement les doublons et les armes similaires s’accumulent vite, sans parler du trafiquant Drebin qui en propose à la vente. Si le gameplay est enrichi et la jouabilité encore assouplie, le jeu n’exploite que bien trop peu ses nouveautés tellement les phases de jeu se montrent rares en avançant.
Terriblement en avance sur son temps, Hideo Kojima a fait de Metal Gear Solid 4 une œuvre hybride qui devient davantage un film qu’un jeu sur la durée. Les scènes cinématiques s’éternisent et se montrent en effet de plus en plus nombreuses, au point de parfois dépasser l’heure entre deux phases de jeu. Ces dernières ont également de quoi laisser perplexe tellement elles sont inégales et n’incitent pas vraiment à infiltrer comme dans les précédents opus. Les principaux boss eux-mêmes sont particulièrement pénibles et longs à battre, à des années-lumière des combats auxquels nous a habitué la saga. Le jeu vaut alors avant tout pour son scénario qui, même s’il comporte bon nombre d’incohérences, passages inutiles et éléments qui ne s’emboîtent pas si bien que ça, reste d’une grande richesse en tant qu’ultime conclusion.
Le joueur a ainsi l’immense plaisir de retrouver de nombreux personnages du premier Metal Gear Solid, à commence par Meryl, que Snake rejoint sur le terrain. Il est aussi question de Naomi Hunter et de Johnny Sasaki, le fameux garde sujet aux maux de ventre. Si Roy Campbell est également présent, des éléments de scénario douteux commence à s’installer avec l’implication de Rosemary, qu’il présente comme étant sa femme, tandis que Raiden réapparaît sous la forme d’un ninja cyborg. D’autres personnages de Metal Gear Solid 2 réapparaissent, à commencer par Vamp, qui gagne fortement en charisme en plus de proposer un combat de boss qui sort du lot. Otacon abrite aussi la petite Sunny, fille d’Olga Gurlukovich qui était retenue par les Patriotes. Les clins d’œil continuent de s’accumuler avec un nouvel Outer Heaven et un retour à Shadow Moses où Solid Snake, à bord du Metal Gear Rex, est amené à affronter Ocelot équipé d’un Metal Gear Ray. De plus, les quatre boss pénibles du jeu ont un nom inspiré des hommes de Liquid Snake morts au combat (Crying Wolf, Laughing Octopus, Raging Raven et Screaming Mantis).
Mais si le scénario est aussi abouti, c’est bien parce qu’il tient en compte les éléments-clé de Metal Gear Solid 3 pour mieux dévoiler les dernières pièces du puzzle. On croise ainsi Big Mama, qui n’est autre qu’Eva avec cinquante années de plus et s’avère être la mère porteuse de Liquid et Solid Snake. Le joueur apprend ensuite que Para-Medic et Sigint ne sont autres que le docteur Clark et le chef du DARPA, tandis que Liquid Ocelot lui-même constitue un boss final en quatre phases, chacune d’elle correspondant à sa situation dans les principaux Metal Gear Solid. Contre toute attente, la fin du jeu réunit de nouveau Solid Snake avec un Big Boss provisoirement reconstitué, qui explique l’importance de l’implication du Major Zero tout au long de la saga. Aussi décevant que puisse paraître Metal Gear Solid 4, il reste alors une œuvre majeure de sa génération pour sa richesse scénaristique et son statut hybride inimitable.
The Phantom Pain
Tandis que la huitième génération de consoles approche avec Metal Gear Solid V en ligne de mire, des compilations de jeux remasterisés commencent à se multiplier sur les consoles de l’époque. C’est notamment le cas de Metal Gear Solid HD Collection, qui, en 2011, regroupe à la fois Metal Gear Solid 2 Substance, Metal Gear Solid 3 Subsistence (incluant donc aussi les deux premiers Metal Gear) et Metal Gear Solid Peace Walker sur PlayStation 3 et Xbox 360, puis seulement les deux premiers sur PlayStation Vita l’année suivante. En 2013, la PS3 accueille la compilation ultime avec Metal Gear Solid The Legacy Collection, qui regroupe le premier Metal Gear Solid et Metal Gear Solid Missions Spéciales via un code PlayStation Network, tout le contenu de Metal Gear Solid HD Collection, Metal Gear Solid 4 ainsi que les deux Metal Gear Solid Digital Graphic Novel traduits en français.
Cette même année arrive le très attendu Metal Gear Rising Revengeance, spin-off plaçant le joueur dans la peau de Raiden cyborg quatre ans après les événements de Metal Gear Solid 4. Réalisé par Platinum Games, il s’agit d’un beat’em up dans lequel il est possible de découper de nombreux éléments du décor dans l’axe précis de la lame de son protagoniste. Un gameplay fluide et jouissif qui trouve rapidement ses limites à cause du manque de variété des situations et d’une physique bancale laissant croire que le moindre objet tranché est aussi léger que du plastique. Le développement chaotique du jeu exploite également très mal les mécaniques d’infiltration mises en place, qui s’essoufflent tout aussi vite que l’originalité de son scénario. On peut toutefois en retenir son action décomplexée et la caricature que constitue son boss final, avec sa façon de prôner la liberté pour enrichir les États-Unis par l’intermédiaire de la guerre. Bien trop court et finalement peu innovant, Metal Gear Rising Revengeance reste davantage une curiosité de la saga au potentiel fortement sous-exploité.
Le 18 mars 2014 arrive Metal Gear Solid V Ground Zeroes, prologue du véritable Metal Gear Solid V se déroulant seulement un an après les événements de Metal Gear Solid Peace Walker. Après une longue cinématique présentant le camp du mystérieux Skull Face sous une pluie battante intensifiée par le cultissime « Here’s to You » interprété par Joan Baez et Ennio Morricone, Big Boss doit s’infiltrer dans cette immense base ouverte afin d’y délivrer Paz et Chico. Le panel de mouvements s’enrichit encore avec la possibilité de se mettre à terre directement après un saut et d’effectuer des roulades sur le côté tout en visant. Le joueur peut aussi attraper les gardes pour les interroger et obtenir l’emplacement de sentinelles ennemies, d’armes ou de plans à récupérer. Les ennemis peuvent repérer le joueur de bien plus loin et ils viennent vers lui quand ils croient voir un inconnu. Une fois repéré, ce dernier a quelques secondes pour neutraliser le garde au ralenti, sans quoi l’alarme retentit et les ennuis commencent.
Le gameplay s’avère très riche en permettant de réveiller un garde en lui donnant un coup de pied avant de l’attraper quand il se relève, ou encore de conduire des véhicules terrestres. Si la vue à l’épaule s’aligne avec les autres productions de l’époque, il est dommage qu’on ne choisisse plus les armes et les objets grâce aux menus apparaissant sur les côtés de l’écran, que le codec ne serve qu’à contacter rapidement Miller ou encore que Snake ramasse directement ses armes sur les ennemis comme dans la plupart des jeux de l’époque. Outre les missions bonus exploitant efficacement la même carte de jour, le jeu bénéficie de graphismes impressionnants et traite de la violence infligée aux prisonniers à travers la bombe à l’intérieur du ventre de Paz. Une mémorable explosion plus tard, le teasing de The Phantom Pain est lancé et il faut attendre le 1er septembre 2015 avant de mettre la main dessus.
En se déroulant en 1984, Metal Gear Solid V The Phantom Pain traite la seule période temporelle qui subsistait avant Ground Zeroes (1975) et le premier Metal Gear (1995). Il symbolise notamment la montée en puissance et le changement de cap de Big Boss, alors appelé Venom Snake, dans la construction de ce qui deviendra son immense base indépendante, Outer Heaven. Le jeu commence par une superbe cinématique interactive montrant ce dernier qui se réveille sur son lit d’hôpital en vue à la première personne avec la vue de moins en moins trouble. La scène est portée par une excellente reprise de la chanson « The Man who Sold the World » composée par David Bowie en 1970, titre lourd de sens pour le final du scénario. L’ancienne base de Big Boss ayant été détruite par Skull Face, il retrouve alors le reste de son armée sur une nouvelle plateforme construite au sud de l’Afrique, sur laquelle le joueur est amené à établir sa Mother Base pendant toute l’aventure en parallèle des missions.
Le gameplay innove surtout par son open world avec deux grandes cartes composées d’espaces naturels et de bases en Afghanistan et en Afrique. Le jeu se compose de cinquante missions principales et de nombreuses autres secondaires, consistant par exemple à extraire des interprètes de langues locales afin de comprendre l’ennemi quand on l’interroge, sécuriser des plans d’objets à fabriquer et extraire des soldats hautement qualifiés. Chaque soldat de la Mother Base doit soigneusement être assigné selon ses compétences parmi les unités de combat, recherche et développement, développement de base, soutien, renseignement, sécurité et unité médicale. En fabriquant de meilleurs fultons, il est possible d’extraire des mitrailleuses et des mortiers pour défendre la base en cas d’attaque par d’autres joueurs en ligne, voire des conteneurs de matières premières permettant de fabriquer d’autres plates-formes. S’il est très plaisant de s’y promener, d’écouter les soldats qui parlent de nous et de redonner du moral aux troupes, il est dommage qu’il n’y pas grand-chose de plus à y faire.
The Phantom Pain met un accent particulier sur la figure du soldat qui revient à sa base en hélicoptère après chaque mission et qui le reprend pour retourner sur le champ de bataille, sans oublier le cheval qui permet de galoper vers une destination lointaine à la manière d’un Assassin’s Creed ou d’un Red Dead Redemption. Malgré le classicisme de certaines missions, il reste très plaisant de parcourir plusieurs fois certaines bases pour les infiltrer d’une manière différente ou dans d’autres conditions, le nombre de gardes évoluant par exemple selon qu’il fasse jour ou nuit. Malgré un scénario plus éclaté qu’à l’accoutumée, les moments forts s’enchaînent entre la fuite de l’hôpital, la recherche d’Huey Emmerich, l’apparition du Sahelanthropus, les enfants à sauver, la découverte des corps meurtris dans la maison du diable et l’infiltration du manoir où est retenu Code Talker, le vieillard spécialisé en biologie parasitaire. Parmi les autres personnages se trouvent un Revolver Ocelot étrangement discret, un Miller qui gagne fortement en charisme, le jeune Eli qui s’avère être Liquid Snake à la tête d’enfants soldats, un Psycho Mantis enfant qui montre déjà de puissants pouvoirs ou encore la mystérieuse sniper Quiet et son style vestimentaire particulier.
Malgré une répétitivité évidente, les heures s’enchaînent sans problème tant le gameplay est riche et le level design particulièrement travaillé. Kojima a tellement voulu jouer la subtilité qu’il est difficile d’élucider tous les mystères de l’histoire, les révélations de la quête principale pouvant laisser croire à un scénario minime. Si on peut regretter une nouvelle quasi-absence du codec, l’écoute des cassettes audio s’avère riche en informations et en clins d’œil pour les connaisseurs de la saga. L’idéal de paix de Venom Snake est en effet remis en cause par plusieurs personnages, à commencer par Huey qui, exilé par bateau après avoir été suspecté de trahison, lui dit qu’il fait erreur en prenant le chemin de l’État militaire indépendant. Bien plus importante qu’il y paraît, Quiet peut obtenir un lien très fort avec Big Boss en l’accompagnant en mission, ce qui aboutit à une séquence émouvante d’une grande importance.
Les démons qui poussent Venom Snake à passer du mauvais côté sont ensuite dus à une maladie générée par les parasites de Skull Face, qui voulait éliminer la langue la plus parlée dans le monde suite à son enfance où des situations militaires l’obligeaient à s’habituer à une nouvelle langue à chaque fois qu’il changeait de tuteur. Ce dernier a en effet élaboré des parasites permettant de guérir rapidement les blessure, mais ayant aussi une face cachée qui infecte la gorge et les poumons de toutes les personnes prononçant un seul mot d’anglais. L’armée de Big Boss est alors infectée par deux fois sans que l’on en comprenne la raison, et ce dernier se retrouve obligé de décimer une grande partie de son unité lors d’une séquence jouable d’une grande violence psychologique. Outre les visions de Paz qui hantent le héros lors de missions secondaires à l’unité médicale, le thème de la douleur fantôme est marqué par le fait que la plupart des personnages cherchent la vengeance après avoir perdu quelque chose d’important. Sa vie et son visage pour Skull Face, son enfance pour Eli, son bras gauche pour Venom Snake et sa jambe pour Miller, tandis qu’Huey a gagné la faculté de marcher via son exosquelette, ce qui renforce d’autant plus son contraste avec les autres personnages.
Le gros point fort scénaristique de Metal Gear Solid V reste sa mission finale, durant laquelle une variante de la séquence de l’hôpital met encore plus la puce à l’oreille sur la réelle identité de Venom Snake. Alors que l’IA de The Boss ne le reconnaissait pas, qu’Huey avait du mal avec son visage ou encore que le test d’ADN avec Eli était avéré négatif, le fait qu’on demande son nom en début de jeu, qu’on puisse changer son visage et qu’on entende parler de chirurgie esthétique pour notre sécurité avait déjà de quoi laisser croire que Big Boss n’est peut-être pas celui qu’on croit. Par de très ingénieux plans sur un miroir brisé, l’imposture se confirme lors d’une séquence se déroulant en 1995, illustrée par le dos d’une cassette titrée « Operation N313 » et la présence d’un MSX. Big Boss devient alors un personnage d’une malice sans nom qui a fait passer son assistant médical pour lui suite à sa protection dans l’explosion de Ground Zeroes, tandis qu’il prépare déjà secrètement son avènement à Zanzibar Land. Un final d’anthologie qui boucle les dernières zones d’ombre de la saga Metal Gear avec maestria !
Postérité de la saga Metal Gear
Tandis que Konami se sépare d’Hideo Kojima à cause de son perfectionnisme un peu trop prononcé ayant provoqué un important retard sur la sortie de Metal Gear Solid V, la saga Metal Gear n’appartient plus à son créateur et reste au point mort si l’on excepte le totalement dispensable Metal Gear Survive paru sur PlayStation 4 et Xbox One le 20 février 2018. Comme de nombreux personnages de sagas phare que Konami se montre incapable d’exploiter depuis plusieurs années, Solid Snake reste une icône importante de la pop culture qui apparaît depuis dans plusieurs autres jeux, comme Super Bomberman R et Super Smash Bros. Ultimate. Entre divers comics, artbooks, Gaming Legends qui décrypte avec humour le premier Metal Gear Solid, Retro-Mag traitant des classiques de la PlayStation, hors-série IG Mag et ouvrage de Third Editions, les passionnés n’ont de cesse de rendre hommage à cette immense saga qui a marqué à jamais l’histoire du jeu vidéo.