Saints Row aurait dû rester sur sa voie toute tracée
Que de souvenirs émus à l’évocation de la licence Saints Row ! Paru en 2006, à l’époque en exclusivité sur une Xbox 360 bien seule en attendant la PS3, le premier soft a admirablement fait le taf alors que la sortie de GTA IV tardait à se dessiner. Seize ans plus tard, le gang du 3rd Street Saints a pas mal bourlingué, passant de bandits bling-bling à super héros plongés aux Enfers. Un délire pur, jouissif et assumé, que j’espérais voir revenir depuis bien longtemps. Vous pouvez donc imaginer mon plaisir alors que des rumeurs parlaient d’une nouvelle itération… avant qu’un reboot ne soit dévoilé. Et là, autant l’écrire de suite, le studio Volition m’a clairement perdu, ce n’était pas ce que j’espérais. Surtout qu’en plus, le délire hyper irrévérencieux semblait devoir s’effacer derrière du politiquement correct assumé. Alors, tout cela se vérifie-t-il ? Malheureusement, oui.
On oublie donc Johnny Gat et ses compagnons de Stilwater : le Saints Row cuvée 2022 les efface purement et simplement au profit d’une bande geeko-millenialo-SJW manquant assez cruellement de charisme. Notre avatar, simplement nommé « The Boss », est une jeune recrue d’un gang local, Marshall Defence Industries. Seulement voilà, au cours d’une mission, c’est l’échec et nous voilà bouté hors de la structure. Sans le sou, notre protagoniste sans relief va s’associer à ses colocataires pour fonder une bande destinée à dominer la ville de Santa Ileso. Voilà, c’est le postulat. Vous avez dit classique et sans imagination ? Oui, vous avez raison, et même plus que vous ne l’avez imaginé tant l’humour absurde, et particulièrement efficace, de la licence a presque totalement disparu. Volition avait prévenu : le contexte social (mais de quoi ils parlent ceux-là ?) avaient poussé les développeurs à brider tout dérapage. On se retrouve donc avec des missions toutes plus lisses les unes que les autres, une évolution du gang ubuesque de rapidité (l’aventure principale se boucle en neuf à dix heures, grand maximum), et des personnages secondaires carrément insupportables de niaiserie. Rendez nous le vrai Saints Row, bon sang !
Mais dépassons cette déception portée par l’écriture, car Saints Row avait d’autres choses à prouver. Qu’on se le dise, le principe du gameplay déjanté à la Saints Row IV était peut-être un peu jusqu’au-boutiste. Volition avait deux possibilités : aller encore plus loin et faire passer le très bon (et malheureusement bidesque) Agents of Mayhem pour un triste walking simulator, ou revenir sur le plancher des vaches. Vous l’avez compris, c’est la seconde option qui a été retenue, en totale adéquation avec l’esprit « normalisant » de ce reboot. Pourtant, ça commence plutôt bien avec une personnalisation de l’avatar jusqu’au-boutiste, à l’aide d’un des outils les plus complets que j’ai pu croiser récemment. La prise en mains, elle, garde le feeling arcade des épisodes précédents, avec certes moins de permissivité verticale, mais tout de même un moteur physique volontairement débile. C’est une bonne chose car, même si les véhicules et les armes restent à des années lumière de ce qu’on a vu dans un Saints Row : The Third, on a tout de même à disposition des capacités fendardes, nommées Aptitudes et assignables aux différentes touches de la croix directionnelle (grenade dans le pantalon de l’ennemi, patate enflammée, par exemple). C’est rigolo, mais on reste loin des armes précédemment croisées (ah, bâton-sex toy, à jamais dans ma mémoire).
Beaucoup moins percutant, sauf dans le level design
Si le gameplay de Saints Row ne casse pas trois pattes à un canard, je suis beaucoup plus charmé par la ville de ce reboot. Santa Ileso est clairement la plus grande et variée des maps de la licence, qu’on se le dise ! Tous les quartiers ont leurs spécificités architecturales, et l’ambiance très inspirée par la Las Vegas (en moins clinquant, plus ensablé) apporte un vrai vent nouveau, pour le coup très agréable. Bien entendu, les développeurs ont pensé à la truffer de missions secondaires, d’objets à collecter, de points d’intérêt à prendre en photo etc. Cela a le mérite de bien gonfler la durée de vie, laquelle culmine à quarante heures pour qui aura la patience de supporter ces personnages insupportables d’atteindre le 100%. Ajoutons la possibilité de faire évoluer l’attirail, un mode coop pas dégueu, ou encore la gestion d’une affaire criminelle sur chaque zone, histoire de faire rentrer de l’argent sans trop perdre de temps dans des activités contraignantes, et à vrai dire je me suis bien attaché aux lieux. Surtout que les véhicules, là encore classiques, gardent tout de même la saveur Saints Row. Comme ce Wingsuit cheaté au possible.
Si l’histoire et le gameplay ne m’a pas convaincu, le pire reste à venir. La technique de Saints Row connait de véritables loupés, surtout du côté de la distance d’affichage. Oui, même sur PlayStation 5 et son pseudo-super-SSD blablabla. C’est aussi pas mal bugué à l’heure actuelle, j’ai même eu quelques freezes pendant ce test ! Bon, soyons gentils, il est presque acquis que Volition va faire en sorte de patcher tout ça. Enfin, ils ont intérêt. Mais tout de même, ça fait tâche. La direction artistique, vraiment peu engageante pendant toute la période de communication autour du titre, se révèle sympathique en fin de compte. Un côté cartoon efficace, même si l’on sent bien un paradoxe avec l’ambiance qui ne l’est plus vraiment. Enfin, les musiques sont à mettre au rang des satisfaction, avec pas moins de dix stations toutes équilibrées en terme de qualité. Par contre, le doublage reste à hauteur de ce que sont les personnages. Oui, insupportable, vous avez deviné.