God of War : Ragnarök, un grand spectacle surtout narratif
Avec plus de vingt millions d’exemplaires vendus, et des retours exceptionnels de la presse, il est une évidence : le God of War de 2018 a réussit son coup. Même si ce Kratos nouveau, désormais barbu et accompagné de son fils, plus vraiment énervé mais un peu porté sur l’émotion, ne m’avait pas totalement séduit de par sa moindre colère, j’y voyais aussi d’énormes qualités. Surtout côté gameplay, car l’histoire et les personnages étant peut-être un peu trop téléphonés. Et une chose était sûre : la suite se devait d’être démentielle, étant donné les belles promesses formulées en fin de cheminement. Alors, ce God of War : Ragnarök, qui s’est étalé sur tous les encarts pubs de nos abris-bus est-il à la hauteur des espérances ? En partie…
Les louanges tombent de partout, il est même déconseillé d’apporter un avis contradictoire sur les réseaux sociaux. God of War : Ragnarök, tout comme Horizon : Forbidden West, est intouchable. Et pourtant, il y a fort à dire, à aimer, mais aussi à regretter. Parmi les satisfactions, le scénario occupe sans doute la première place, ce qui est tout de même bien étrange pour un jeu de cette licence. Toujours est-il que l’action reprend évidemment après les révélations autour de l’identité d’Atreus, que Kratos tient secrète. Immanquablement, le désormais papa-poule au grand cœur (quelle horreur !) paraît plus humain, une direction qui me surprend toujours aussi négativement. Je ne joue pas à God of War pour retrouver une sorte de The Last Of Us sous la neige. Bon, rassurez-vous, ce n’est pas vraiment le cas, et le récit va très vite gagner en puissance, et surtout en rythme. Santa Monica est clairement entrain de passer maître en terme de narration, avec surtout une propension à développer l’univers dans les moindres détails.
Aborder le scénario de God of War : Ragnarök sans ne rien en dévoiler est compliqué. Sachez simplement que l’action se déroule plusieurs années après les précédents événements. Le duo habite toujours en plein Midgar, dans une cabane, alors que le Fimbulvetr, un hiver apocalyptique, précède bel et bien un cataclysme annoncé. Pour y faire face, Kratos et Atreus s’entrainent, survivent même, tant l’adversité est multiple. L’une des pires n’est autre que cet acharnement bestial mené par Freya, l’ancienne alliée ayant pété un plomb suite à un événement que je ne dévoilerai surtout pas ici. Mais, bien vite, c’est une autre répercussion de nos exactions qui viendra lancer réellement le récit. Avoir tué les enfants de Thor ne pouvait rester sans conséquences, et ce dernier, adoubé par Odin lui-même, va faire en sorte de lancer les hostilités. Dès lors, le tueur de Zeus et sa progéniture se lancent dans un périple pour retrouver Tyr, le dieu de la guerre nordique présumé mort, mais possiblement emprisonné à Svartalfheim, le territoire des Nains. C’est le point de départ d’une aventure qui, au moins, a le don de nous faire voir du pays.
L’univers plus impressionnant que jamais
Le voyage proposé par God of War : Ragnarök est grandiose, et l’écriture de tous les personnages suit le mouvement. Même le ventripotent Thor, dont le design reste franchement abominable, est finalement mémorable. Par contre, le cheminement est plus que jamais dirigiste. Le soft propose des à-côtés, des missions annexes, une multitude de détails sur l’univers pour qui veut les découvrir. Mais l’histoire principale, elle, est tracée comme un circuit dont il est impossible de s’échapper. Les PlayStation Studios sont désormais à fond dans cette politique de liberté très cadrée, et cela se sent plus que jamais ici. On nous rappelle en permanence où aller, et si vous aviez la moindre difficulté pour trouver la route, le chemin est indiqué encore plus grossièrement que les fameuses crottes de pigeon sur les falaises d’Uncharted 4. Enfin, s’il est évidemment impossible d’aborder la fin, sachez qu’elle termine de faire de Kratos une sorte de good guy inoffensif. Un cauchemar, même si tout était joué d’avance. Il ne me restait donc qu’à accepter, ce qui était rendu aisé par la dimension imposante de l’action. Pour faire plus simple : c’est contre-nature, mais au moins on est impressionné par le déluge de grand-spectacle.
J’attendais surtout de God of War : Ragnarök qu’il aille encore plus loin dans le gameplay initié par le précédent opus. Je rappelle qu’il s’agit dorénavant d’un TPS, mais tellement furieux qu’on peut parfois y retrouver le feeling des premiers épisodes. On retrouve tout ce qui a fait le succès de la recette, et ici avec d’office l’armement glané auparavant. Donc oui, les enflammées Lame du Chaos sont bien là, ainsi que la hache Leviathan. Les sensations restent grisantes, surtout grâce à un bestiaire encore plus fourni, à l’intelligence artificielle remarquable. On a même de nouveaux pouvoirs qui viendront proposer un peu de nouveauté, ce qui n’est pas de refus. Je pense surtout à cette attaque plongée, hyper bien exploitée et qui donne un vrai intérêt à la verticalité. Le côté RPG fait lui aussi son grand retour, avec un triple arbre de compétences bien costaud, et une amélioration globale grâce aux armures et autres compléments d’armes. J’ai aussi particulièrement apprécié le système de modules, et de perfectionnement des coups par l’utilisation de ceux-ci. Oui, comme les magies dans Secret of Mana.
Les limites du concept plus marquantes que ses qualités ?
Je pourrais donc crier au génie, mais finalement ce ne sera pas vraiment le cas. On l’a vu cette année avec un Elden Ring (dont le GOTY est amplement mérité) : je donne un accessit au gameplay, à sa patate, et surtout il me faut du viscéral. God of War : Ragnarök ne cesse de me décevoir à ce niveau, avec sa volonté de toujours garder l’accessibilité comme point d’orgue. C’est beaucoup trop assisté donc, comme je l’ai écrit plus haut, et parfois j’ai même eu l’impression de subir une sorte de film interactif. Certaines phases ne demande rien d’autre que d’avancer, tel un walking simulator médiocre. Alors oui, cela se justifie par le besoin de développer le récit, mais j’ose l’écrire : c’est totalement contre-productif pour qui aime jouer, et non pas regarder. Aussi, cette aisance se caractérise par une encore plus grande présence d’Atreus, carrément intrusif et qui va venir sans cesse vous filer les solutions aux énigmes, vous rappeler où aller etc. Santa Monica, comme beaucoup d’autres studios occidentaux, ne fait plus confiance au joueur, à sa capacité à apprendre. Et c’est fatigant, tout comme ces allers et retours dans l’inventaire, toujours aussi bordélique. Enfin, je fulmine contre ces QTE un peu partout, et ce dès l’ouverture du jeu.
Si God of War : Ragnarök peut émerveiller, c’est avant tout grâce à son univers plus titanesque que jamais. Les missions secondaires viennent hisser le titre hors de l’habituelle train-train des jeux occidentaux, et double carrément la durée de vie. Si vous voulez tout voir, il faudra miser sur au moins une quarantaine d’heures. En sachant que le endgame est vraiment bien développé, avec un boss ultime encore plus énervé que dans le jeu de 2018, ou encore des quêtes annexes qui ne peuvent se compléter qu’après avoir vu la fin. Le contenu est sans aucun doute une grande force du titre, Santa Monica gâte les joueurs, c’est indéniable. Enfin, la technique est évidemment exemplaire, même si j’ai une réserve. Oui, c’est ultra-beau, bien plus que par le passé. Mais sent-on vraiment un gap générationnel ? Je ne cesse de l’écrire, cette génération tarde à vraiment impressionner, et ce n’est pas ici qu’elle y arrivera totalement. La 4K décoiffe, oui, mais animations et effets de lumière restent encore peu surprenantes. D’ailleurs, un Ratchet And Clank : Rift Apart tire finalement bien plus profit des spécificités de la console (dont le SSD). Est-ce dû à la sortie sur PlayStation 4 ? Sans aucun doute… Enfin, la bande originale est magistrale d’un bout à l’autre, et le doublage parfaitement interprété.