Dragon Quest Treasures, un spin-off aussi fun qu’addictif
Sorti à la rentrée 2018, Dragon Quest XI s’est, à mes yeux, imposé comme l’un des meilleurs opus de cette licence culte du J-RPG. Vaste, hyper bien rythmé, bourré d’une saine nostalgie, le jeu reste tant dans les mémoires que j’ai bien du mal à réaliser qu’il date de presque cinq ans. Heureusement, il est fort à parier que 2023 sera une année d’annonces pour « Draque », avec pas mal de jeux déjà dévoilés sur le feu (DQ III HD-2D, DQ : The Adventure of Dai et bien sûre DQ XII). En attendant, voilà que Square Enix nous sort Dragon Quest Treasures, un spin-off exclusif à la Nintendo Switch, dont le rôle va bien plus loin que le simple remplissage.
Annoncé en 2021, et pas mal repoussé, Dragon Quest Treasures est enfin disponible. « Enfin », car les spin-off de DQ ont l’excellente habitude de proposer des expériences de qualité. Cela ne date pas d’hier, les spécialistes de l’import se rappelleront amoureusement des Slime MoriMori ou des Torneko. Depuis, on a même eu des softs inspirés par Pokémon (les DQ Monsters), Minecraft (DQ Builders), et même Dynasty Warriors (DQ Heroes). L’itération qui nous intéresse aujourd’hui s’éloigne de ce genre de muse, et prend le pari d’inventer un nouveau game design. Étonnant au premier abord, surtout que le studio de développement, le très solide Tose (qui a récemment co-signé Crisis Core : FF VII Reunion), a plutôt l’habitude de faire dans le portage ou la suite. Ce n’est pas le cas ici, même si l’on peut remarquer une véritable répercussion du phénomène gacha.
L’histoire de Dragon Quest Treasures sert clairement de prétexte au concept, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle est négligeable. C’est avec grand plaisir qu’on retrouve Erik, l’un des personnages emblématiques de DQ XI, et sa sœur Mia. C’est dans leur enfance que le récit s’ancre, alors que ce duo de chasseurs de trésors sont au service d’une troupe de vikings, voguant joyeusement sur leur drakkar. Mais la fratrie espère un avenir plus clinquant, et une nuit leur rêve prend vie, sous la forme de deux dieux à l’apparence tout aussi adorable que celle des deux avatars : Porcellus le cochon, et Persiana le chat. Ensemble, ils s’échappent et atterrissent en plein Draconia, un monde clairement inspiré par le level design des Xenoblade Chronicles, dominé par les carcasses de dragons légendaires. Et, surtout, ce territoire regorge non seulement de trésors, mais renferme aussi un secret basé sur l’existence de sept pierres draconiques sacrées à retrouver. Tout cela se suit sans aucun mal, est mignon au possible, bien aidé par une traduction française très soignée. Le seul petit regret que je formule est la quasi-absence de véritables références au monde de DQ XI, mais c’est aussi une chance pour ceux qui n’y aurait pas joué.
La licence a pour habitude de proposer des débuts d’aventure étirées, visant tout autant à installer l’intrigue qu’à replacer le gameplay. C’est même parfois exagéré, je me souviens encore de l’ouverture interminable de DQ VII (heureusement allégé dans la version 3DS), ou du pic de difficulté de DQ VIII. Dragon Quest Treasures nous lâche la main assez vite, et c’est une bonne chose pour un soft misant presque tout sur l’exploration, donc la débrouillardise. Avant d’aller plus en avant, il faut préciser qu’on fait face à un Action-RPG, donc pas de tour par tour mais des combats en temps réel. Tout va se centrer autour d’un hub, une gare dévastée et désertée, encore tenue par Monsieur Edgare. Celui-ci vous propose d’en faire votre base, dans laquelle le joueur viendra tout faire : estimer les trésors, recruter des monstres, avoir accès à différents magasins, exposer les meilleurs trouvailles, expédier des équipes à la recherche de ressources, gérer les fonctionnalités en ligne, repousser des assauts ennemis, découvrir des quêtes quotidiennes, changer d’avatar, découvrir le Dédale. C’est très riche oui, mais pas de panique : tout se dévoile en temps voulu, on ne se sent jamais submergé.
Le récit se fait léger et agréable à suivre
Autour de ce hub, le monde de Dragon Quest Treasures est divisé en cinq grandes zones, que l’on peut rejoindre en train. D’ailleurs, Monsieur Edgare vous supplie, à juste titre, de partir en quête de nouvelles gares à ouvrir grâce à de la draconite, lesquelles faciliteront grandement les déplacements au sein de territoires certes loin d’être titanesques mais tout de même bien imposants. C’est dans ces différentes contrées, toutes dominées par un contexte assez classique (on a le monde de la glace, celui du feu, etc) que nos héros vont chercher à se remplir les poches. Mais pour ce faire, ils devront s’entourer d’une équipe de monstres, afin de tirer avantage de leur flair. En battant un ennemi, on pourra parfois le séduire, et il rejoindra la liste de recrutement de Micheline. Il ne reste plus qu’à s’acquitter d’une liste d’objets afin de payer le transfert, et tout est réglé. Les Gluants autres Smilodon seront donc de la partie, on peut embarquer jusqu’à trois avec nous et en stocker des dizaines d’autres à la base. L’intérêt d’en posséder plusieurs est certain : ils sont bien plus efficace qu’Erik et Mia au combat, et propose des capacités spéciales comme le vol plané, le rebond, la discrétion, l’analyse du terrain etc. Tout cela permet d’accéder à des zones autrement inaccessibles, et donc de gagner en efficacité.
Autre spécificité, les monstres portent les butins, et non les avatars. Certain en embarque beaucoup, tandis que d’autres auront plus tendance à en perdre au cours des combats. Tout cela est à prendre en compte lors du casting, qui doit être tout sauf laissé au hasard. Une fois bien accompagné, on peut réellement passé à l’exploration. Erik a comme pouvoir de détecter la présence de trésors, une boussole indique alors la direction à suivre. Celle-ci s’emballe alors que la proximité se fait forte. On se voit alors proposé autant d’indice sur la localisation précise que l’on a de monstres avec nous. Et chacune de ces visions est différente selon le type de compagnon, ce qui apporte un niveau de détail vraiment amusant. Par exemple, certains ont la vue brouillée, d’autres en noir et blanc, encore d’autres obstruée par leur armure, etc. Voilà le genre d’éléments qui me fait écrire que Dragon Quest Treasures, sous ses allures de spin-off léger, est carré au possible dans ses mécaniques. Une fois la cache du trésor détectée, celui-ci est signalé par un effet de lumière colorée, et différent selon s’il s’agit d’une grosse trouvaille ou d’une babiole. Ne reste plus qu’à creuser en maintenant un bouton, et voilà le travail… en attendant de rentrer au hub pour en découvrir la valeur et la teneur. Sachez que les butins sont tous des sortes de souvenirs d’anciens DQ, et que leurs descriptions sont disponibles dans un codex approprié, avec des détails qui régaleront les fans. Et il y en a des centaines !
La licence a pour habitude de proposer un gameplay simple à la découverte, mais gagnant en profondeur pour qui a envie de vraiment s’y intéresser. C’est encore le cas ici. Ainsi, tout les éléments précédemment décrits vont encore plus loin, comme le recrutement de monstres qui s’organise autour de la qualité de ceux-ci. Qualité signalée par un code couleur allant de bronze à arc-en-ciel, cela notamment dû à l’affinité du partenaire avec des styles de butin bien précis. Aussi, certains trésors se découvriront au sein de mini-donjons à cinq étages. C’est une chose, mais sachez que parvenir à leur fin le plus vite possible vous vaudra des récompenses de plus grande qualité. Dragon Quest Treasures a le bon goût de donner de l’importance à vos actes vidéoludiques. Ainsi, le hub évoluera avec le temps et la valeur de votre butin globale. Car vos personnages ne sont pas les seuls à avoir un niveau évolutif, votre base en a un aussi, et à chaque level up on gagne en possibilités. côté équipements, élément clé de tout J-RPG, Tose a imaginé un système de médailles, ce qui a un écho particulier pour les fans de DQ. Celles-ci se récupèrent en battant des monstres, et propose des bonus différents selon la qualité de la médaille (bronze, argent, or, arc-en-ciel). C’est pas mal, et l’option d’équipement automatique selon l’envie (priorité donnée à l’attaque, la défense, les PV, etc) est salvatrice.
Le contenu est impressionnant !
Autre très grosse force de Dragon Quest Treasures, sa structure donnant la priorité à la liberté d’explorer, au plaisir de découvrir. Ce qui ne fait que bonifier une durée de vie impressionnante si vous accrochez à la collectionnite. Bien sûr, vous pouvez foncer vers les missions principales et rusher le jeu en maximum trente heures. Mais je ne vois pas l’intérêt d’une telle ligne droite dans un soft qui, au contraire, vous propose un tel plaisir dans la recherche et l’exploration. J’ai longtemps mis de côté l’aventure pour m’atteler aux différentes missions secondaires, pas vraiment scénarisés mais ultra intéressantes pour le 100% de trésors trouvés. Trouver et tirer sur tous les ballons cachés dans les décors, par exemple, n’est pas de tout repos. J’ajoute un end game costaud, même s’il manque de relief face à un épisode canonique (ah, les quêtes draconiennes…), et l’on obtient une durée de vie dépassant les cent heures. Pour ceux qui ont peur de la répétitivité, certes présente au bout d’un moment, sachez que les Ailes de Chimère, permettant un retour rapide à la base, sont bien plus faciles d’accès après la fin.
Ajoutons quelques activités en ligne gratuites, sans avoir besoin d’abonnement, comme une sorte de chasse au trésor avec la possibilité d’en cacher dans un endroit de notre choix, et vous comprendrez que le jeu propose un contenu gargantuesque. Est-ce à écrire que Dragon Quest Treasures est parfait ? Comme toute chose en ce monde, c’est non, et quelques pistes d’améliorations sont à suivre pour Tose et Square Enix, s’ils ont un jour la bonne idée de penser à une suite. La première est l’utilisation du lance-pierre, vraiment bordélique. Comme notre avatar n’est pas aussi puissant que ses monstres, les développeurs ont eu la bonne idée de lui proposer un outil pour agir à distance, avec des différentes billes à effet (percussion, élémentaire, gain de santé, facilité à recruter, etc). Elles peuvent se gagner sur le terrain, dans des coffres simples, ou à fabriquer en récupérant les livres (proposant aussi des recettes de cuisine pour le recrutement). Seulement voilà, il est compliqué de garder une cible dans le viseur, pas de lock disponible et ça se sent encore plus quand il faut viser les alliés. Car vous vous rendrez vite compte de leurs mouvements pour le moins chaotiques. Le cycle jour / nuit est aussi un peu sous-exploité, avec seulement des monstres plus agressifs et certaines missions secondaires qui ne se déclenche que selon l’astre. On pourrait imaginer mieux.
Aussi, j’ai un sentiment très partagé concernant la technique de Dragon Quest Treasures. La direction artistique est à la hauteur de ce qu’on attend d’un DQ : on est dans de l’ultra-agréable à l’œil avec le style toujours efficace d’Akira Toriyama. C’est mignon, coloré, il y a ce côté doudou en retrouvant des motifs bien ancrée dans la licence, comme les monstres bien évidemment. C’est chaleureux, j’aime profondément. Par contre, le fait d’être une exclusivité Switch porte un peu atteindre à la pure technique. On l’a vu avec le récent Pokémon Écarlate / Violet, la console de Nintendo peut parfois être larguée en terme de distance d’affichage. C’est moins marqué ici, mais ça reste insuffisant. Heureusement, ce problème n’affecte pas certains éléments importants, comme les ballons gonflable à trouver. La fluidité est aussi mise à mal, et le crénelage peut parfois être présent. Quant à la musique, c’est difficile de se prononcer. Le décès de Koichi Sugiyama, le compositeur historique de Draque, positionne la musique dans une sorte de transition. Ici, le choix de Tose et Square Enix a été de réutiliser des thèmes déjà existants, comme celui de la map de Dragon Quest VIII, toujours aussi épique. Donc il y a un côté best of plutôt sympathique, même si j’aurais aimé des versions orchestrales.