Yomawari : Lost in the Dark, un troisième opus toujours aussi effrayant
Je me souviens avoir particulièrement apprécié la sortie, en 2018, de Yomawari : The Long Night Collection. Cette compilation, regroupant Yomawari : Night Alone et Yomawari : Midnight Shadows, était l’une des nombreuses occasions de prendre conscience de la bonne santé créative chez NIS America, et plus globalement dans le jeu vidéo japonais. Ainsi, le joueur pouvait découvrir deux Survival horror atypiques, aux mécaniques simples mais se complexifiant dans des puzzles pas toujours évident. Surtout, la direction artistique me séduisait grandement, avec ce mélange de chara-design chibi très mignon, d’environnements typiques de la petite ville de campagne japonaise pouvant s’avérer assez glauque à la nuit tombée, et des ennemis très clairement inspirés des yokais. Certes, c’était imparfait, mais le résultat a assez convaincu pour que l’éditeur appuie un troisième opus intitulé Yomawari : Lost in the Dark.
Yomawari : Lost in the Dark met en place son univers avec une séquence choc, une ouverture des plus réussies tant elle nous plonge de suite dans l’ambiance. Et ceci en abordant même un véritable sujet de société. Le joueur fait la connaissance de Yuzu, une jeune file subissant un harcèlement scolaire traumatisant. Si bien qu’un jour ses bourreaux la poussent à l’irréparable : le suicide, depuis le toit de son établissement. Alors qu’on la croyait morte, elle se réveille gisant sur le sol d’une forêt lugubre, et amnésique qui plus est. Comment a-t-elle atterri là, et pourquoi ? Pas trop le temps de se poser des questions, puisqu’une dame, visiblement au courant de ce qui est entrain de se passer, nous confie l’horrible vérité : Yuzu est maudite, et elle a jusqu’à l’aube pour retrouver ses souvenirs. Du moins, si elle veut sauver sa vie. Pour ce faire, elle va devoir parcourir la ville, laquelle est plongée dans une obscurité renfermant des yokais terrifiants desquels l’avatar pourra se défendre qu’en tentant de ne pas les observer.
Le scénario de Yomawari : Lost in the Dark se développe par la suite, avec quelques rebondissements bien sentis, jusqu’à une fin qui m’a tant marqué que j’ose en écrire qu’elle est l’une des plus mémorables que j’ai pu découvrir ces derniers mois. Il est seulement dommage que l’éditeur n’ait pas trouvé indispensable de sous-titrer le jeu en français. Certes, l’anglais est largement compréhensible, mais cela limite tout de même l’aventure à l’habituelle niche, alors que cet opus aurait pu signer son explosion. Car, au-delà de son ambiance très forte, on découvre aussi un gameplay plutôt convaincant. Les spécificités du récit provoquent des mécaniques en toute logique, avec cette lampe torche à manipuler précieusement. Et, grosse nouveauté de cet opus, le besoin de fermer les yeux en maintenant l’appui sur les gâchettes. Cela plonge l’écran en partie dans le noir, et surtout donne une importance capitale au son. Car, les yeux clos, on capte le danger par un effet d’aura rouge, mais aussi un rythme cardiaque évolutif. Du coup, on comprend mieux pourquoi le soft nous conseille, avant même que l’histoire ne débute, l’utilisation d’un casque.
La direction artistique construit une ambiance flippante
Yomawari : Lost in the Dark ne vous donne aucun moyen de tuer les ennemis, il faut les éviter au mieux. On retrouve d’ailleurs l’utilité des cailloux, à lancer pour détourner l’attention des yokais. Autre retour, celui de la barre de stamina se vidant rapidement quand on court. Mais aussi celui des boss, et avec lui quelques défauts récurrents pour la licence. Oui, on est toujours dans du bon gros Die & retry, et je trouve le concept, autrefois très à la mode dans le jeu vidéo indépendant, de moins en moins agréable. Il y a une certaine facilité dans l’envie de nous faire perdre sans pouvoir contourner le danger ni le voir venir, et c’est même un peu contre-productif une fois le level design bien digéré. Au bout de quelques heures, le joueur voit venir le game over sans pouvoir le repousser, ce qui amoindri la frousse pourtant recherchée, au profit d’une certaine frustration. Et les boss culminent dans ce domaine, avec des patterns poussant obligatoirement à l’échec. L’apprentissage fonctionne tout de même et, à l’image d’un jeu FromSoftware, réessayer c’est vaincre, mais ici sans carotte au bous du bâton.
Mais serrer les dents face à la difficulté, c’est découvrir un soft tout à fait agréable dans son exploration. Comme dans un Ys, Yomawari : Lost in the Dark nous demande de cartographier les lieux, et Yuzu pourra ainsi découvrir des objets à ramener chez elle. C’est là qu’on pourra en tirer les souvenirs indispensables pour nous sauver la mise. C’est aussi en pleine ville qu’on déniche des points de sauvegarde qui, comme dans un ancien Resident Evil, ne s’active que grâce à l’utilisation d’un objet en quantité limitée. On peut aussi se servir de ces points comme autant de lieux de téléportation, et c’est une excellente chose. Car le soft a la bonne idée de nous laisser maitre de nos pérégrinations : on peut découvrir tel ou tel objet avant un autre, sans pour autant que à n’influe le rythme de l’histoire. Du coup, le sentiment de liberté est puissant. Seul passage obligé, les donjons que l’on découvre dans des lieux de vie comme une école. C’est là que le joueur devra faire face aux plus difficiles puzzles, parfois bien torturés.
Yomawari : Lost in the Dark peut se boucler en une douzaine d’heures, et le 100% s’empare après huit de plus. C’est amplement suffisant, clairement l’expérience ne devait pas aller plus loin. Techniquement, le soft se tient admirablement bien. Cette 2D isométrique offre une bonne visibilité, des textures détaillées, tout en assurant une fluidité constante. Tout cela a un rôle dans l’efficacité de la mise en scène ingame, laquelle provoque bien des sursauts et des coups de frousse. La direction artistique est dans la droite lignée des deux autres opus : les artistes créent un sentiment paradoxal très à-propos, faisant irrémédiablement ressentir de la peur pour la survie de notre si mignonne Yuzu. Enfin, la gestion du son est là aussi très bonne, sans recours démesuré à la musique. La priorité est donné aux bruitages, et cela termine de provoquer bien des frayeurs.