Live A Live, un bijou rétro rehaussé par la HD-2D
Qui a dit que les éditeurs japonais ne font que peu de sentiments concernant leurs ludothèques du passé ? Si cette affirmation a toujours été plus ou moins fausse (certains jeux ont disparu, mais plus pour des raisons logicielles que de préservation), aujourd’hui elle apparaît comme ubuesque. Et c’est sans aucun doute Square Enix qui se place au mieux dans cette volonté quasi-archéologique de proposer au plus grand nombre de véritables pépites en passe d’être oubliées. Après la sorties des Final Fantasy en 2D dans une collection Pixel Remaster du plus bel effet, ou encore celle des différents SaGa et autres Seiken Densetsu, voilà que l’éditeur vole au secours d’un certain Live A Live. Pas le J-RPG le plus connu par chez nous, mais clairement une découverte à ne louper sous aucun prétexte.
Si l’annonce de ce Live A Live version HD-2D a pu surprendre, elle a aussi le mérite de faire la lumière sur un bijou de Square Enix… et tout un pan de son histoire. Fut un temps, ici 1994, où l’éditeur ne voyait pas sorties européennes de ses J-RPG comme quelque chose d’indispensable. alors que nous autres pauvres français bavions sur les pages de nos Player One à la moindre image d’un Dragon Quest, les équipes de développement et de production estimaient que le genre ne percerait pas en Occident. Une erreur à mon humble avis, mais n’y revenons pas. Il est plus intéressant de replacer le contexte de la sortie. Première moitié des années 1990 donc, et cette année 1994 se révéla vertigineuse pour Square. Imaginez que le soft que j’aborde aujourd’hui sortait quelques mois seulement après l’immense Final Fantasy VI. C’est d’ailleurs un fait important, car comme on va le voir le gameplay, ou plutôt la multiplication des personnages à spécificités fait écho dans Live A Live. Et ce n’est pas tout, car le nom du réalisateur et scénariste de ce dernier va de suite parler aux plus fins connaisseurs du J-RPG : Takashi Tokita. Oui, celui qui signera, en 1995, un certain Chrono Trigger. Et là encore, on retrouve une certaine marque de fabrique. Aller, rentrons dans le vif du sujet.
Aborder le scénario de Live A Live n’est pas chose aisée, car il se constitue de plusieurs chapitres pouvant être découverts dans l’ordre que le joueur souhaite appliquer. Chacun de ces scénarios, sept pour être précis, se déroulent dans des époques différentes (allant de la préhistoire au futur éloigné, je n’en dirai pas plus), avec des avatars différents. Et si les connexions se font d’abord minimes, voire carrément inexistantes, deux derniers chapitres viennent tisser un lien qui va bouleverser notre lecture des événements. C’est hyper courageux, car chacun de ces petits récits n’ont tout d’abord pas la force d’un J-RPG post-FFVI, même si les scénarios restent tout à fait agréables. Mais par la suite, grâce à ces deux éclairages « post-pseudo-endings », la globalité gagne nettement en fond et en intensité. Le rythme est plutôt correct dans son ensemble, avec un cheminement nous engageant sur deux à trois heures pour chacun des chapitres. Du coup, il faut tout de même que j’émette un bémol : on n’a parfois pas assez de temps pour s’attacher à un personnage. Ce qui, d’ailleurs, a été réglé avec la formule d’un Octopath Traveler 2. Sachez enfin que l’intégralité des textes est proposée en français, un véritable luxe.
Sept scénarios qui renouvellent idéalement l’expérience
Avant de découvrir les deux derniers chapitres, donc ce qui unifie toutes ces histoires, le seul lien entre chacune d’entre elles n’est autre que le système de combat. Live A Live propose du tour par tour dans un style tactique. On n’est pas non plus dans un Tactics Ogre : le champ de batailles s’étend sur un damier de sept case sur sept. C’est plus ramassé certes, et pas de gestion de la verticalité, par contre les possibilités sont quand même multiples, et le système agréable à maitriser. Je pense notamment à tout ce qui demande des techniques puissantes, comme des sorts. Ici, pas de mana ni d’éther à utiliser, mais plutôt une mécanique de temps de charge. Concrètement, les attaques les plus dévastatrices demanderont plus de temps afin d’être lancées. On peut aussi piéger des cases, se déplacer en ayant un impact direct sur la jauge de temps, etc. Le jeu se fait étonnamment complexe par moment, avec des statistiques de personnages hyper importantes. Par contre, le joueur un peu rusé pourra trouver une routine si efficace qu’il pourra la répéter sur chaque combat avec la quasi-promesse de réussir. Oui, le soft date de 1994, et ce genre de petit défaut nous le rappelle, tout comme les phases de levelling parfois bien longues.
Au-delà des combats, chaque époque traversée propose sa petite idée de gameplay. Par exemple, la préhistoire vous propose de créer des objets en les associant, ou encore d’utiliser l’odorat de l’avatar afin de sentir les ennemis alentours. L’époque du Japon d’Edo utilise les capacités ninjas du personnage afin de proposer des phases d’infiltration très amusantes. Le plus étonnant reste le futur lointain, mais je ne vous en dirai pas plus tant le gameplay et l’histoire sont connectés. Du coup, si le jeu peut parfois être un peu redondant dans ses combats, il se relance parfaitement grâce à cette profusion d’idées. Et la quête du 100%, demandant près de trente heures, n’en est que plus satisfaisante. Tout comme la technique d’ailleurs : Live A Live s’inscrit dans la veine du HD-2D à la Triangle Strategy, et c’est toujours aussi saisissant de beauté. Tant et si bien que l’on peut parler de remake purement visuel. Aucun bug, toute l’expérience est stable. Un véritable enchantement artistique qui se poursuit jusque dans le domaine sonore, avec des doublages anglais ou japonais de qualité, et les superbes musiques de Yoko Shimomura toujours aussi inoubliables.