Apollo Justice : Ace Attorney Trilogy ne connait aucune objection
Si le jeu vidéo japonais n’a pas toujours été très porté sur la préservation des œuvres, on peut tout de même se réjouir d’une véritable volte-face depuis quelques années. Parmi les acteurs les plus actifs dans ce domaine, Capcom tient une place de choix, sans doute même la plus forte actuellement. Entre les re-sorties des innombrables Mega Man, des Street Fighter d’arcade, d’Onimusha (à quand la suite ?), ou encore le récent remaster de Ghost Trick, l’éditeur cajole notre nostalgie tout en se risquant même à des remakes de haute qualité. Ils marchent actuellement sur l’eau donc, et c’est encore le cas avec cet Apollo Justice : Ace Attorney Trilogy, représentant l’un des sommets du visual novel.
Avant d’aborder les très nombreuses qualités d’Apollo Justice : Ace Attorney Trilogy, impossible de ne pas replacer un minimum la licence. Ace Attorney, donc, a beau être sorti en 2001 sur Game Boy Advance, et uniquement au Japon, c’est bien en 2006 que j’ai pu en découvrir le tout premier opus. Pour moi, ce titre est indissociable de la Nintendo DS, de par son exploitation des spécificités de la console. Et ce fut une véritable révolution à mes yeux : non seulement une expérience riche en sensations, mais aussi mon tout premier visual novel. On y lisait des tonnes de textes dans des séquences hyper rythmées, au sein d’un tribunal pour le moins bien original. Car le principe est d’incarner un avocat, donc d’être aux prises avec des témoins, des accusés, des procureurs, un juge totalement perché. Et tout ce monde se démène dans des affaires criminelles fondamentalement dramatiques, mais surtout baignées dans un humour très, très efficace. Le succès aidant, Capcom a lancé de multiples suites, et ici nous abordons les quatrième, cinquième et sixième jeux.
La question qui se pose de suite concerne évidemment la possibilité de débuter cette licence avec cet Apollo Justice : Ace Attorney Trilogy. Est-ce possible ? La réponse est positive, par contre ce n’est pas souhaitable. Si les trois jeux peuvent bel et bien être joué sans qu’on ait connaissance des particularités de l’univers, les différents scénarios proposent tout de même plus que des clins d’œil à la trilogie initiale. C’est particulièrement le cas avec le premier qui, s’il se déroule bien après Trials and Tribulations, contient tout de même des éléments dont la puissance ne peut se comprendre qu’en connaissance de cause. Pour faire simple, Phoenix Wright : Ace Attorney Trilogy est disponible depuis quelques temps et vous n’avez aucune excuse pour ne pas foncer dessus avant de vous lancer dans les suites. Si vous êtes à jour dans la série, alors cette sortie est encore plus un évènement à ne surtout pas louper. Car tous les épisodes sont enfin proposés en français, ce qui n’était pas le cas lors de leurs sorties originelles. Un véritable luxe pour les nouveaux venus, et un fantasme devenu réalité pour les fans. Surtout que la traduction se révèle d’une qualité exemplaire, réussissant le tour de force de localiser tout en sauvegardant l’esprit de la licence. C’est bourré de jeux de mot, d’un humour absurde à s’en décrocher la mâchoire, et c’est surtout très respectueux des histoires contées.
Le très haut du panier du visual novel
Apollo Justice : Ace Attorney Trilogy contient donc trois opus de la licence. Si je ne reviendrai pas sur les histoires en elles-mêmes, il faut tout de même appuyer sur un fait : il s’agit très clairement des épisodes les plus sous-cotés par la fanbase. Les trois premiers sont cultes, si bien que la suite était attendue au tournant. Et le changement de personnage principal, passant de Phoenix Wright au jeunot Apollo Justice, a pu déstabiliser. Avec le recul, il est dommage que cette prise de risque n’ait pas été comprise à sa hauteur car, sans même encore aborder les nouveautés du gameplay, cela apporte indéniablement un vent de fraicheur à la série, tout en rendant aussi possible un approfondissement de Wright. Ce dernier revient aux commandes avec Dual Destinies, un peu comme un constat de semi-échec, mais j’insiste : Apollo Justice est à réhabiliter d’urgence, notamment pour sa dernière affaire qui propose un cheminement certes toujours linéaire mais osant éclater la temporalité. Je n’en dirai pas plus, mais même les thèmes comme la justesse de la justice sont traités de manière très intelligente, sans non plus en faire un brûlot politique. Spirit of Justice, le dernier jeu quant à lui, fut très apprécié et propose toujours l’une des enquêtes les plus folles de la série. Clairement, si vous êtes ouvert à l’univers cette compilation va vous faire passer des dizaines d’heures de folie. La durée de vie, d’ailleurs, s’avère totalement folle, approchant la centaine d’heures…
Côté gameplay, Apollo Justice : Ace Attorney Trilogy marque une évolution assez nette avec les précédents épisodes… du moins pour un visual novel. Je rappelle que le cheminement s’organise en deux phases : l’enquête et le procès. Dans la première, on se balade dans différents décors fixes, on recueille des preuves, etc. Dans la seconde, c’est le grand spectacle du débat, avec des objections de partout à accompagner de justifications, des témoignages et contre-témoignages. Ces grandes lignes sont désormais complétées par des mécaniques associées aux différents personnages. Phoenix Wright a toujours ses verrous-psychés, mais ils semblent datés face à ce que réservent Apollo Justice et Athena Cykes. Le premier peut lancer une sorte de scan du témoin, à la recherche visuelle d’un tic qui trahirait un mensonge ou, du moins, une vérité cachée. La seconde utilise une sorte d’application permettant de lire les sentiments des mêmes témoins, ce qui fait sortir des contradictions évidentes. Tout cela est accompagné par des avancées, surtout dans la phase d’enquête qui, il faut l’avouer, est bien celle qui avait le plus besoin d’évoluer. Si la linéarité reste indéniable, il faut tout de même souligner que la montagne de détails fait passer cette pilule.
En tant que compilation, Apollo Justice : Ace Attorney Trilogy fait le job jusque dans ses bonus. Bien évidemment les trois épisodes sont proposés en totalité, et même plus : les enquêtes spéciales, qui furent des DLC à l’époque de leurs sorties, sont inclus. Aussi, les fans pourront se régaler du Musée, dans lequel ils retrouveront un grand nombre d’artworks, des musiques à ne plus savoir qu’en faire, mais aussi des costumes bonus, mais aussi une sorte de studio d’animation dans lequel on peut créer nos propres petites scènes. Enfin, la technique est bel et bien mise à niveau, surtout l’opus Apollo Justice qui gagne largement en propreté. Les deux autres offrent des modèles 3D (pour les objets) plus dignes d’une pratique actuelle, même si cela reste très rétro bien entendu. Mon seul petit bémol concerne la musique, ou plutôt l’absence d’une OST rehaussée comme on peut parfois la découvrir dans certains remaster. M’enfin c’est pour chipoter car, à mes yeux, on tient là l’un des sommets intemporels du visual novel.