Rise of the Ronin : le Japon reprend ses esprits
La sortie de Ghost of Tsushima, voilà déjà quatre ans, reste une double réussite assez surprenante. La première, c’est le niveau de qualité chez Sucker Punch, studio que j’apprécie depuis toujours mais que je pensais un peu en-dessous des gros PlayStation Studios. Je me trompais. La seconde, et certainement la plus surprenante, est la maitrise de l’univers japonais par un développeur occidental. Et ça, croyez-moi, ça n’a pas dû passer inaperçu au Pays du Soleil Levant. Et, comme par hasard, voilà que Team Ninja, l’une des entités nipponnes les plus talentueuses en ce moment (Nioh et Wo Long Fallen Dynasty l’attestent), s’empare du concept afin d’en livrer une vision plus « interne ». C’est une bonne chose à mes yeux, mais quelques questions se posaient. Car, en ces temps surchargés en gros jeux, ce Rise of the Ronin devait surtout prouver que l’open world s’adapte bien dans un studio aux moyens moins conséquents. Alors, quel est le verdict ?
C’est avec grand plaisir que Rise of the Ronin nous plonge en plein Japon de l’ère Bakumatsu, plus précisément au milieu du dix-neuvième siècle. Les fins connaisseurs le savent parfaitement : il s’agit d’une époque très chargée en conflits, signant surtout la fin d’une époque d’autarcie exagérée en faveur d’une ouverture quelque peu anxiogène à la modernité. C’est dans ce contexte de guerre civile, entre les pro et anti Shogun, que le titre nous propose d’incarner l’une des Lames Jumelles, deux personnalités sauvées de justesse d’un massacre par un groupuscule anti-shogunat. Après l’avoir personnalisé via un outil de création très complet, allant de la classe au pur physique, un bon point habituel chez Team Ninja. Sans rentrer en détails dans le récit, lequel m’a paru plus sombre et plus détaillé en termes historiques que celui de Ghost of Tsushima, sachez que vous allez devoir vous accrocher pour rester impliquer. Pas que ce soit un mauvais point, car je préfère que l’on ne prenne que peu de pincettes avec le joueur, mais les dix premières heures partent du principe que vous adhériez à l’univers sans trop vous le présenter. Pas de mise en contexte donc, mais heureusement quelques éléments romancés, parfois à la frontière du fantastique, afin de nous garder sous tension. Sachez que persévérer est synonyme de plaisir car, au fur et à mesure, l’on découvre une sacrée liberté de ton, laquelle se cristallise par des prises de décision à effets directs sur l’histoire. Tout cela étant facilité par les sous-titres français et même, pour les amateurs, un doublage français. Confortable !
Le scénario de Rise of the Ronin, sa puissance au final, se mérite. Clairement, Team Ninja a un peu de mal à l’inscrire totalement au sein de son concept. Celui-ci est donc un monde ouvert, avec une forte emprise de la spécialité du studio : l’action-RPG. Je savais exactement ce que ça allait donner, le grand danger planant sur le level design et le côté organique devenu quasiment indispensable après les révolutions The Legend of Zelda : Breath of the Wild et Elden Ring. Et malheureusement, j’avais raison du moins en partie. La structure de l’open world est effectivement datée. Si la map, assez grande, est bien parsemée de points d’intérêt, elle ne réserve pas vraiment de surprises. Elle est découpée en zones, qu’il faudra découvrir, en combattant des tonnes d’ennemis dans des camps. Cela aura l’effet, comme les tours de Final Fantasy VII Rebirth, de dévoiler les activités de la région. Vous l’avez compris, le titre va vous demander de vous concentrer sur la carte afin d’explorer, au détriment de la lisibilité des environnements. Est-ce pour autant que l’expérience en devient désagréable ? Non, car les développeurs parviennent encore une fois à faire coexister les mécaniques RPG et les activités et leur donner du relief par le biais des récompenses. Rechercher les chats, au-delà de la « mignonnitude » de l’acte, est utile pour le build. Car votre personnage va gagner en puissance de par votre skill, certes, mais aussi le gain d’expérience et d’équipements. Une courbe de progression très bien maitrisée, comme d’habitude avec Team Ninja, et surtout un niveau de challenge moins extrême qu’auparavant. Que les non-fans de Souls-like se rassurent : le soft vous propose plusieurs niveaux de difficulté, et chacun y trouvera son compte.
Un open world un peu daté, mais un gameplay jouissif
J’ai donc particulièrement apprécié cette sensation de puissance progressive. Elle est l’une des très belles conséquences d’un gameplay tout bonnement jouissif. C’est la très grande réussite de ce Rise of the Ronin, ce qui fait sortir le jeu de l’ordinaire : sa prise en mains est aussi agréable que complexe, avec une méga tonne de subtilités rendant le grand tout profond au possible. Tout d’abord, sachez que vous pourrez tout autant foncer dans le tas que jouer la carte de l’infiltration, même si cette dernière demande plus d’implication. Traverser la carte est un bonheur, c’est fluidifié notamment grâce à un grappin d’une efficacité redoutable. Bien entendu, on a aussi un cheval, et même un planeur très utile. Mais c’est bien entendu le système de combat qui m’a soufflé. On est clairement dans du Souls-like rendu abordable, acceptable pour qui ne veux pas passer dix plombes sur le moindre mob. La barre de ki, en fait l’endurance, permet tous les mouvements habituels d’attaque et de défense. Cela, mis en parallèle avec le besoin de lire les patterns ennemis, fait que l’on ne se sent jamais trop surpuissant, provoque le besoin de jouer sur la contre-attaque ultra efficace. Et cela sans non plus trop nous punir en cas d’échec. L’avatar va aussi pouvoir adopter une posture parmi une multitude pour chacune des armes, et il faudra jongler entre chacune pour bien évoluer notamment dans des combats de boss particulièrement mémorables. De quoi aussi bien nous aider dans les mission principales proposées dans des niveaux linéaires et en compagnie d’alliés précédemment recruté dans votre gang. Tout cela facilité donc par un équipement de plus en plus puissant… et trop nombreux à mes yeux. Le loot est abusivement présent, prenant d’assaut un inventaire à rallonge bourré de statistiques pas toujours lisible. C’est une manifestation de générosité, mais pour le coup c’est un peu trop.
En parlant de générosité, le contenu de Rise of the Ronin s’inscrit dans cette qualité. La gestion du gang, par exemple, propose tout un pan de gameplay à elle toute seule. Maintenir des liens d’amitié est bien entendu récompensé comme il se doit,avec une meilleur efficacité dans les missions. L’histoire principale demande une vingtaine d’heures pour être complétée, mais viser le 100% nous situe plus vers… la cinquantaine. Et beaucoup plus si affinité. En effet, la rejouabilité est assez impressionnante, avec un mode de difficulté bien corsé au menu. Il reste à aborder la technique. Il s’agit clairement du point faible du titre, même si ce n’est pas aussi catastrophique que ce que certains ont pu dire. Les environnements ne sont pas tous impressionnants, même si l’on ne peut que souligner l’énorme distance d’affichage (non sans clipping). On a bien de véritables moments de contemplation, surtout à partir de la seconde partie de l’aventure, mais je trouve que la direction artistique très sombre ne permet pas assez l’émerveillement dans un premier temps. Aussi, les animations se font un peu raides, mais l’énormité du move set fait oublier ce léger désagrément. Si je peux vous donner un conseil, c’est d’opter immédiatement pour le mode Performance, qui propose une fluidité constante à 60fps. Enfin, l’ambiance sonore vogue entre l’impressionnant et le plus délicat. Le doublage japonais est fabuleux, évitez donc le français et l’anglais. Seulement, le sound design est un peu incertain, avec même des bugs de déclenchement de certains bruitages, surtout au sein des lieux habités. Bon, ça n’arrive pas souvent, donc on oublie. Et les musiques remplissent parfaitement leur rôle, avec des sonorités hypers riches, font de l’OST signée Inon Zur (connu pour Starfield ou plusieurs Fallout) l’une des plus belles depuis un certain temps.