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[Critique] HP Lovecraft et le jeu vidéo – Carlos Gomez Gurpegui

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Lovecraft au cœur d’un essai carrément indispensable

H.P. Lovecraft et le jeu vidéo, voilà un titre qui ne peut qu’attirer l’attention des amateurs de frissons. Mais l’intérêt de ce livre, paru chez Ynnis Editions, se trouve ailleurs : là où l’indicible devient dicible, l’analyse. Voici notre avis sur cette ouvrage important.

Le jeu vidéo sait utiliser des visuels pour le moins lovecraftiens.

H.P. Lovecraft et le jeu vidéo est l’occasion d’aborder un sujet des plus passionnants. Les gamers expérimentés, ceux qui ont connu les débuts de ce divertissement, ont longtemps fantasmé une époque où le medium vidéoludique serait enfin reconnu comme de prime importance. Et comment reconnaît-on ce genre de changement de dimension ? La réponse est simple : quand les essais et autres beaux livres se multiplient. Tous les arts sont passés par cette étape, et le jeu vidéo est entrain d’emprunter le même chemin. Quelques maisons d’édition sont à la pointe de ce mouvement, on pense notamment à Mana Books, mais aussi à Ynnis Editions dont la collection Paper Sword figure parmi les plus précieuses. Son but ? Revenir sur certains succès en abordant tout autant la création et les mécaniques de gameplay. Après Zelda, Animal Crossing et d’autres, c’est le sujet Lovecraft qui fait l’objet d’une excellente itération.

« H.P. Lovecraft et le jeu vidéo », voilà un titre qui a le mérite de tout dire du contenu auquel il faut s’attendre. La couverture, d’ailleurs, est magnifique : l’auteur maudit se trouve pixelisé, autant pour signifier la traduction vidéoludique que le mystère qui peut s’en dégager, le pointeur d’une souris en paradoxe avec les écrits du fond continuant de créer une accroche très à-propos. Cela n’est sans doute qu’un détail pour la plupart des lecteurs, mais la maison d’édition peut se targuer de créer une envie immédiate de se plonger dans la lecture. La bonne tenue de celle-ci est assurée par un auteur qui, s’il n’est pas connu du grand public, jouit d’une bonne réputation dans le milieu journalistique : Carlos Gomez Gurpegui signe des papiers pour IGN Espagne, et ses études l’on porté vers l’analyse de la narration horrifique. Parfait pour le sujet qui s’étale dans les 363 pages qui vous attendent.

Derrière un sommaire assez universitaire, H.P. Lovecraft et le jeu vidéo cache une lecture des plus agréables. Le cheminement du lecteur se fait sans encombres, même si l’on conseille tout de même d’avoir exploré quelques nouvelles de Lovecraft, voire de s’être un peu intéressé à ce personnage aussi intéressant qu’austère. Celui qui a élevé l’indicible au rang de terreur est résumé dans une première partie biographique convaincante. Elle pourra aider les novices, notamment en citant et en développant les références littéraires de cet auteur diablement doué. Bien entendu, sa mythologie, Cthulhu en tête, est aussi analysée, certes en surface mais avec assez de précision pour que l’on ait tous les éléments en tête afin de mieux se lancer dans ce qui vient ensuite. On peut réellement parler d’une contextualisation forte, puisque plus de la moitié de l’ouvrage lui est consacré, ce qui est une excellente chose dans le but d’atteindre l’objectif du livre : comprendre cette icône de la pop culture par le biais du jeu vidéo.

La collection Paper Sword prend tout son sens

H.P. Lovecraft et le jeu vidéo rentre réellement dans le sujet du jeu en page 193… avec le jeu de rôle papier comme moyen de s’y insérer. Là encore, c’est une très bonne intention de la part de l’auteur, car il est indéniable que L’Appel de Cthulhu, par exemple, a joué un rôle majeur dans la traduction vidéoludique de l’œuvre lovecraftienne (comme un témoigne l’adaptation signée Cyanide). Vient ensuite l’influence spécifiquement sur le jeu vidéo, laquelle intervient bien plus tôt que ce qu’on pensait. Sans aller trop loin dans la description du contenu, sachez tout de même que l’on en est sorti avec l’impression durable d’avoir beaucoup appris sur le sujet, par le biais de titres que l’on ne connaissait pas, et des éclairages admirables sur le pur thème du gameplay. La collection Paper Sword prend ici tout son sens. L’un des doutes qui se pose inlassablement, quand on aborde Lovecraft dans le jeu vidéo, c’est la pertinence des mécaniques avec l’univers d’un auteur qui base presque tout sur l’indescriptible. Le lecteur découvrira que cette problématique pousse les développeurs dans des retranchements parfois judicieux (le rapport santé/mental d’Eternal Darkness), mais aussi vers quelques échecs.

L’édition originale de H.P. Lovecraft et le jeu vidéo est parue en 2018 et, depuis, d’autres jeux s’inspirant de l’œuvre de l’auteur sont arrivés sur le marché, on pense notamment à The Sinking City. Cette sortie permet à l’auteur de signer une postface intéressante, afin de tout de même coucher quelques mots à propos de certains jeux parus entre temps. C’est là encore signe d’un soin très pointu de la part d’Ynnis Editions. Et cela se vérifie aussi dans la présence de quelques screenshots (en noir et blanc) que l’on apprécie particulièrement tant certains softs restent mystérieux. Une lecture agréable donc, utile pour mieux comprendre le grand rôle qu’a joué Lovecraft dans le domaine de la terreur vidéoludique.

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