SaGa Frontier pose enfin ses valises en Europe
C’est parti pour un exercice fascinant : remonter le temps, direction une époque où Twitter n’existait pas encore. Le paradis sur Terre, avec à la clé une liberté créative aujourd’hui vacillante. Nous sommes en 1997 et, en France, l’on s’apprête à découvrir l’immense Final Fantasy VII. Une révolution à venir donc, tandis qu’au Japon le J-RPG est évidemment bien plus installé. D’ailleurs, cette même année, le territoire nippon accueille un autre septième épisode, mais cette fois-ci d’une licence toujours signée Square (pas encore devenu Square Enix, en ces temps reculés), bien moins populaire en-dehors de ses frontières : SaGa. Après trois premiers opus parus sur Game Boy, et disponibles sur Switch dans une collection particulièrement recommandée pour les purs archéologues du jeu vidéo, la série s’est ensuite transportée vers la Super Famicom. Puis, avec SaGa Frontier, sur la PlayStation première du nom.
Retour en 2021. Une pandémie mondiale, le PSG qui risque bien de gagner une Coupe d’Europe. Le cauchemar. Heureusement, quelques bonnes nouvelles viennent tout de même égayer nos journées. Parmi elles, la sortie de SaGa Frontier Remastered est du genre à attirer l’attention des puristes du J-RPG. Avant d’aller plus loin, il faut préciser que votre humble serviteur découvre ce titre à l’occasion de cette nouvelle édition, non sans avoir longtemps fantasmé sur les pages imports des magazine d’alors. Pour ce qui est de la pure comparaison, on repassera, cependant on a quand même potassé le sujet, regardé pas mal de vidéos, évidemment bouclé cette déclinaison en long et en large. Ainsi, on peut avancer que l’ensemble, s’il propose quelques nouveautés ou améliorations, sauvegarde cette volonté jusqu’au-boutiste qui caractérise la licence. N’attendez pas un soft facile d’accès, vous êtes prévenus : la prise en mains est abrupte, aucune trace d’un quelconque tutoriel.
SaGa Frontier Remastered s’ouvre sur un écran de sélection du protagoniste. Pas d’une équipe, comme pour l’excellent Trials Of Mana : d’un seul personnage principal, parmi sept contant tous leur propre destin. Oui, sept c’est beaucoup, mais les cheminements se révèlent bien plus courts que ceux que l’on est habitué à découvrir chez Dragon Quest, par exemple. Pas de panique donc, mais choisissez bien votre premier voyage dans « The Regions », le monde ce cet épisode. Précisons que vous pouvez vous engager sans crainte : un novice total pourra s’y retrouver sans avoir peur du moindre clin d’œil aux précédents opus, il s’agit d’un bon gros one shot, pas de héros ici de retour. Vous voilà donc embarqués dans un univers entre science-fiction et fantasy, que vous pourrez visiter à l’envie, sur chacun des runs. C’est l’une des caractéristiques de SaGa : si le monde est morcelé, découpé en différents lieux, le sentiment de liberté est bien plus renforcé que dans un Final Fantasy.
Un scénario totalement inédit
Les huit histoires qui habitent SaGa Frontier Remastered sont toutes très différentes, d’où la très, très grosse rejouabilité du jeu. De Red, un adolescent devenu super-héros suite au meurtre de sa famille par le cartel Black X, à Emilia, une ancienne top model devenue agent secret et lancée à la poursuite d’un vilain surnommé Joker (ces deux histoires font évidemment référence à un certain comics), on a droit à des récits qui, sans trop rentrer dans le fond, avec parfois une tendance au survol dans les dialogues (uniquement sous-titrés en anglais), se diffèrent assez pour relancer l’intérêt de belle manière. Les fans absolus auront remarqué que l’on parle dorénavant de huit personnages, alors que le soft d’origine n’en proposait que sept, ainsi que l’écran de sélection de base. Eh bien c’est parce que ce remaster embarque un sacré bonus, lequel sera à découvrir uniquement après avoir bouclé l’ensemble du casting initial. C’est ainsi que l’on pourra incarner Fuse, un employé de l’InterRegional Police Organization, dont l’aventure permet d’apporter des précisions à la globalité des scénarios.
SaGa Frontier Remastered propose donc quelques nouveaux contenus et quelques améliorations bienvenues. Outre le nouveau personnage jouable, on a aussi droit à de nouvelles séquences pour la courageuse Asellus (notre segment préféré). Et l’on enchaine avec la présence d’un New game +, aussi neuf que particulièrement utile. En fait, on se demande même comme l’expérience s’en sortait sans cette avancée, c’est dire si elle nous paraît indispensable au confort du joueur. Ainsi, on pourra donc retrouver des équipiers aux statistiques préservées (ouf !), et l’on a droit à tout un tas de choix-bonus afin d’embarquer, par exemple, l’argent amassé. Les amateurs d’expériences pas trop difficiles auront aussi la possibilité de ne pas accoler le niveau des ennemis à celui du joueur, ce qui fait baisser l’intensité du challenge d’un cran. Mais qu’on ne s’y trompe pas, vous allez tout de même avoir du répondant dans les combats, et pas qu’un peu.
Gros challenge, malgré une meilleure accessibilité
SaGa Frontier, comme tout autre opus de la licence, se démarquait des autres jeux de Square par sa difficulté plus exacerbée. De plus, il n’était pas rare que le Director attitré de la série, Akitoshi Kawazu (que vous connaissez aussi pour The Last Remnant), cherche à se démarquer dans les codes du JRPG. Ici, pas de niveaux pour votre personnage, mais des statistiques qui peuvent évoluer à chaque combat (au tour par tour), et des skills qui se gagnent sans grande logique (le point faible du soft, on n’y comprend pas grand chose). Dès lors, on comprend que les joutes soient tout sauf anecdotiques, et qu’elles fassent l’objet de quelques rénovations de la part de ce remaster. L’auto save en fin de bataille est une bénédiction, les mots sont pesés. La vitesse peut être accélérée, et ça change la vie pour les phases de levelling. On peut aussi se servir de combos afin d’encore gagner du temps. Enfin, une autre grosse amélioration concerne les équipements, dont on peut enfin voir les statistiques précises. Bref, on gagne là encore en accessibilité, mais que les fans hardcores se rassurent une fois de plus : on galère toujours, notamment face à des boss particulièrement retors.
SaGa Frontier Remastered est aussi du genre à revoir la copie visuelle, mais sans dénaturer cette personnalité si propre à la première PlayStation. Ce style, à base de décors pré-calculés, fixes, finement colorés, fait toujours mouche. Et c’est aussi car les développeurs ont pris soin de lisser tout ça, à l’aide d‘une haute résolution salvatrice. Certes on pourra trouver les environnements de combat en-dessous du reste, assez vides et parfois un peu contre-productifs en terme de lisibilité de l’action. Mais, globalement, on est en terrain conquis pour les amateurs de direction artistique très nineties. D’ailleurs, sachez que l’on peut aussi admirer des artworks sublimes. Enfin, Kenji Ito livre l’une de ses meilleures bandes originales, inspiré qu’il devait être par une ambiance aussi noire qu’évocatrice.