The Silver Case 2425, du Suda51 de belle envergure
Non, Suda51 ce n’est pas que No More Heroes ! Ce véritable artiste, très atypique dans un milieu vidéoludique malheureusement entrain de se soumette aux diktats puritains et « normalisants », grand amoureux de catch et de bizarreries en tous genres, s’est aussi illustré dans le Visual novel. Et, ô bonheur, voilà que The Silver Case 2425, rassemblant les deux titres du diptyque, sort sur Switch grâce aux bons soins de NIS America. Et de Koch Media, qui le distribue en version physique, sur Switch, avec tout un tas de bonus !
On retrouve donc l’auteur de Killer7 dans un Visual novel toujours aussi angoissant. Oui, le mot est choisi, pesé, tant l’œuvre nous a scotché à l’époque de sa découverte européenne. Rappelons ici que le premier The Silver Case est paru en 1999 au Japon, et qu’il a fallu attendre 2016 pour le voir débarquer sur PC, puis 2017 afin d’y jouer sur PlayStation 4. Bon, on ne va pas faire la fine bouche : c’est un véritable miracle que de pouvoir parcourir ce diptyque tout en anglais, donc avec une compréhension des évènements tout à fait optimale pour les anglophones. Par contre, attention, le niveau de maitrise de la langue doit aller de bon à très bon : le scénario maboule de Suda51 regorge de subtilités…
La suite, The Silver Case : The 25th Ward, était encore plus inespérée. Sorti en 2005 au Japon, mais exclusivement sur des plateformes mobiles dont les occidentaux n’ont jamais entendu parler (Yahoo Keitai, i-mode), le titre a connu quelques améliorations afin de le rendre jouable sur un véritable écran. Lui aussi a eu droit à une parution chez nous, des années plus tard. Ces sorties individuelles ont peut-être un peu freiné le chaland, envieux d’obtenir une expérience complète et non quasi-épisodique, même si les deux intrigues doivent se vivre séparément. Du coup, la sortie de ce The Silver Case 2425 est pertinente : elle permettra aux plus curieux de parcourir cet univers passionnant d’une traite.
Une ambiance bien plus glauque que les autres jeux du studio
Passionnante, la licence l’est. Ce qu’elle n’est pas, c’est facile d’accès. L’anglais peut déjà un peu calmer les ardeurs de certains mais, entre nous, qui aime le jeu vidéo japonais se doit de maitriser la langue de Shakespeare. Sinon, au travail, et plus vite que ça ! C’est surtout la narration de The Silver Case 2425, oui des deux jeux embarqués, qui rend l’expérience déroutante. Le joueur incarne Akira, un policier dans un monde en proie à la violence généralisée d’une société sur le déclin. Surtout, notre avatar est sur la piste d’un abominable tueur en série, et l’aventure débute alors qu’on survit de justesse à l’une de ses attaques. Sous le choc, Akira va tout de même continuer d’enquêter, quitte à devoir composer avec ses traumatismes.
Le second opus se déroule quelques années après, avec cette fois-ci de la bleusaille rejoignant des enquêteurs plus expérimentés. Lancé dans le grand bain après le meurtre de l’une des collègues, notre avatar va devoir faire ses preuves pour monter en grade. Et ceci avant de laisser la place à deux autres personnages principaux, puisque cette suite, encore moins évidente à bien capter, multiplie les points de vue. Il faut en être conscient avant de vous lancer dans The Silver Case 2425 : vous embarquez pour un trip qui dépasse les frontières du bizarre, et même du glauque. Certes, la direction artistique y est pour beaucoup, mais cette façon qu’a Suda51 et son équipe d’alterner une sorte de drôlerie (via des jeux de mot nombreux), des dialogues très pesants et des moments assez terrorisants fait que l’on reste scotché à l’écran. Et ce malgré un rythme qui prend à contre-pied les conventions actuelles (tant mieux).
Pour les fans de directions artistiques expérimentales
The Silver Case 2425 rassemble deux Visual novel, et ce duo peut être considéré comme jusqu’au-boutiste dans le genre. Ne vous attendez donc pas à des subtilités de gameplay ! On a bien des phases d’énigme, des mouvements pour aller interroger des témoins, et différentes interactions avec l’environnement. Mais rien qui fasse appel au moindre skill du joueur. En fait, on passera beaucoup de temps à trouver le bon protagoniste afin de faire avancer l’intrigue. Le seul bémol vient de The 25th Ward, qui use trop d’allers et retours dans les étages de l’immense tour dans laquelle se déroule l’histoire. C’est assez répétitif, mais heureusement contrecarré par l’ambiance. Pour tout en voir, en prenant en compte les deux titres, il vous faudra une quarantaine d’heures. Avec un peu de contenu à dénicher, des petits trucs cachés, de quoi faire plaisir aux complétistes.
La direction artistique, qui plaira notamment aux fans de David Lynch pour son côté expérimental, est au centre du trip. L’utilisation de divers rendus, du dessiné au modèle 3D, en passant même par le FMV, imprime un caractère constamment inattendu. Il est pourtant indéniable que le studio de Suda51, Grasshopper Manufacture, sait exactement où il va. Les deux histoires qui forment The Silver Case 2425 sont très soignées dans leur écriture, mais le rendu visuel n’est pas étranger à l’impression malsaine qui transpire de chaque minute. Même l’ambiance sonore, son mixage, est utilisé afin d’accentuer ce côté lugubre. Peut-être même un peu trop, cela devient parfois vraiment très pesant. D’ailleurs, c’est un regret que l’on pourra aussi formuler à plus grande échelle : clairement, ce Visual novel ne s’adresse pas à un public en recherche de bonheur et de légèreté. Sachez, enfin, que les problèmes techniques qu’a pu connaître The Silver Case sur PlayStation 4 sont désormais de l’histoire ancienne : tout va pour le mieux.