Okinawa Rush rejoint le clan des bonnes surprises de 2021
Après une grosse période d’or en fin de décennie 2000 (un véritable rush, mouahaha), force est de constater que les jeux dits « néo-rétro » ont connu une petite baisse de régime. Le domaine indépendant, ou tout simplement les studios d’humble dimension, se sont engouffrés dans cette voie avec l’essor des plateformes dématérialisées, mais le trop-plein, voire même le systématismes du recours à la 2D, a un peu terni l’exercice. Heureusement, certains jeux nous rappellent à quel point ce style reste bourré d’intérêt, et Okinawa Rush, distribué par Just For Games) fait partie de ces agréables réminiscences.
Dès ses écrans titres (un pour le mode Arcade, l’autre pour le mode Histoire), Okinawa Rush fleure bon l’esprit des années 1990. Ce jeu, passé par la case du financement participatif sur Kickstarter, cherche clairement à rendre hommage à ces bon vieux softs qui allaient droit à l’essentiel, privilégiant certes le gameplay mais n’oubliant pas de donner de la matière scénaristique. Ici, il est question de Hiro, un grand maître des arts martiaux, dont la vie va dramatiquement basculer. Alors qu’il rentre chez lui après une journée passée à pêcher pour nourrir sa famille, il découvre l’horreur absolue : sa femme s’est fait tuer, et ses enfants enlevés. Le diabolique forfait est signé : il s’agit du clan Black Mantis, ennemi juré de notre héro qui, vous l’aurez compris, va se lancer dans une quête vengeresse très prenante.
On est assez étonné par le soin apporté à l’enrobage scénaristique, plus fouillé qu’il n’y paraît de prime abord. Okinawa Rush propose un contexte non seulement pour Hiro, mais aussi ses autres acolytes jouables : Meilin et Shin, que l’on vous laisse découvrir par vous-même et qui se termine par un final à chaque fois dédié. Ils sont certes moins marquants que celui de Hiro, plus ici pour donner au jeu de la matière en terme de choix de gameplay, mais on apprécie l’effort du studio anglais Sokaikan (édité par PixelHeart) pour ne pas faire de leur titre un simple défouloir en 2D. D’ailleurs, rassurez-vous : ce soin se vérifie non seulement dans le mode Histoire, mais aussi dans l’Arcade, avec quelques lignes de textes entre les stages et des rebondissements dignes des classiques de la Shaw Brothers. Si vous aimez Les Cinq Maîtres de Shaolin, et sa suite Cinq Venins Mortels, vous serez servis ! De plus, sachez que les sous-titres sont assurés en français, une bonne chose.
Un game design aussi généreux que la durée de vie
Okinawa Rush se présente donc en deux parties : Arcade et Histoire. Et la grosse idée, c’est de les avoir pensé pour se compléter. Le résultat est clairement le fruit de passionnés de jeux vidéo, ça se sent à chaque seconde. L’Arcade vous envoie donc dans une succession de niveaux en 2D, dans un style de gameplay que l’on place entre le premier Shinobi, Metal Slug et Street Fighter II. En d’autres termes : les ennemis viennent de partout et en nombre, notre avatar est hyper puissant, et les manipulations pour sortir les coups sont issus du versus fighting. C’est hyper simple dans l’esprit : on avance et on castagne, même si vous imaginez bien que les développeurs ont pensé à insuffler l’esprit des jeux japonais dont ils s’inspirent : « easy to play, hard to master ». Cela ne se vérifie pas que dans la difficulté, de haut niveau (différents degrés sont disponibles), mais aussi dans les mécaniques, et ce même si l’on doit passer par une phase d’apprentissage compliquée : il faut du temps pour savoir bien placer les différentes attaques, comprendre aussi le système défensif pas très bien expliqué.
Outre que vous allez sortir des quarts de cercles et autres manipulations bien connues comme la charge ou le « haut-bas » (résultant sur une super attaque), préparez-vous aussi à bien faire attention aux ennemis et à leurs patterns. Certains se contenteront de se ramener en bande, une véritable chair à canon que l’on explosera dans des gerbes de sang si vous avez activé l’option adéquate (ce que l’on recommande fortement, sinon c’est moins drôle). Des vilains vous balanceront des étoiles ninjas, que l’on devra soit stopper nettes, soit éviter en bondissant à des hauteurs peut-être un poil exagérées. D’autres se feront plus résistants. Sachez aussi que l’on peut récupérer ces armes une fois tombées au sol, mais aussi d’autres comme un katana. Okinawa Rush porte bien son titre : il nous met continuellement en tension, pas le temps de véritablement se poser des questions. Sauf quand il est question de faire attention au contenu des niveaux, avec des otages à délivrer, et pas mal d’objets à récupérer pour les dépenser dans le mode Histoire. Notons aussi des boss bien vicelards, toujours une bonne chose pour l’envie de se surpasser.
Très plaisant à jouer… et à regarder
Okinawa Rush propose donc un mode Histoire, en fait un endroit où faire évoluer son avatar, insufflant aussi une petite saveur RPG. On peut s’y entrainer au dojo, donc bien assimiler les différents coups. Un passage à ne surtout pas prendre à la légère, tant le soft regorge de petites subtilités. Surtout, on peut y gagner en statistiques, notamment en se lançant dans des katas, des épreuves en QTE vraiment sympathiques, dans plusieurs styles. Aussi, l’argent récolté pendant les stages pourra être dépensé dans une échoppe, afin de s’acheter des éléments purement cosmétiques, mais aussi d’autres beaucoup plus utiles. En effet, il est question de personnaliser un dojo, et ce n’est pas uniquement pour faire joli. En expérimentant le placement de tel ou tel objet, avec une certaine logique, vous allez gagner des bonus d’attaque, de défense, d’énergie et autres, indispensables pour s’en tirer à haut niveau. Tous ces à-côtés forment un gameplay hyper agréable, précis et plus touffu que ce qu’on attendait. Une véritable bonne surprise.
Et ce n’est par terminé ! Car Okinawa Rush peut aussi se targuer d’une très bonne durée de vie. Il vous faudra six bonnes heures pour terminer l’aventure de Hiro (en cinq stages), mais ajoutez à cela une rejouabilité carrément excellente. Avec deux autres personnages, des modes de difficulté à foison, des secrets de partout, des activités annexes. Bref, c’est très solide, pas uniquement du délire arcade. Techniquement, on est sur du joli résultat : la 2D fonctionne à merveille, les sprites s’avèrent tout à fait précis et bien animés. Surtout, les décors se font très charmants, impriment bien la mémoire. Et pas un pet de ralentissement malgré la tonne d’ennemis à l’écran ! Par contre, et c’est là notre seul vrai regret sur ce soft, l’affichage est trop éloigné de l’action. Outre que cela se répercute immédiatement sur la petitesse des personnages, ça a aussi un impact sur une lisibilité que l’on qualifiera de perfectible. Enfin, les mélomanes adeptes des bips bips des anciens micros-ordinateurs vont se régaler : l’OST, signée Brassica, est tout simplement sublime.