Session : Skate Sim, pour les jusqu’au-boutistes de ce sport
Une fois n’est pas coutume, je vais un peu faire l’ancien, le nostalgique, et vous parler d’un temps que les moins de… etc. Oui, je regrette de plus en plus amèrement les années 1990, et la première décennie 2000, pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles était cette incroyable propension à nous proposer de plus en plus de genres, de ne pas nous enfermer dans celui qui vend le plus, ou fait le plus de vues chez un random streamer. À cause de cette ambiance pesante, des game designs ont disparu, purement et simplement. Le jeu de skate est l’un d’entre eux. Et s’il continue de parfois se rappeler à notre bon souvenir (le retour de Tony Hawk, ou même des trucs plus arcade comme OlliOlli World), je reste tout de même sur ma faim. Alors, quand un soft aussi ambitieux que Session : Skate Sim apparaît, c’est avec entrain que je m’y colle.
Au moment de lancer Session : Skate Sim, je remarquais une sorte d’impression de déjà-vu. Certain d’avoir déjà croisé ce titre auparavant, le jeu sur pause, je vérifie sur les Internets. Et là, « Bon Dieu mais c’est bien sûr » : ce titre ne sort absolument pas de nulle part. Il est même correct que d’écrire à son sujet comme d’une version définitive, puisqu’il est rentré en early access Steam voilà trois ans, en 2019. L’œuvre est celle d’un studio montréalais, Crea-ture Studios, fondé en 2014 par des vétérans de l’industrie vidéoludique. Ce que j’avais loupé, c’est le rachat, acté en 2021, par l’éditeur Nacon. Du coup, il est vrai que le projet, pourtant bien vivace et créant un bel engouement (plus de 85% d’opinions positives sur Steam pendant l’early access, c’est très encourageant), était sorti de mes radars. Avec la filiale de Bigben dans l’affaire, le projet prend une autre envergure.
La dernière fois que j’ai croisé Session : Skate Sim, les retours étaient tout de même assez centrés sur le gameplay. C’est clairement la grande spécificité du titre, lequel se place comme une simulation jusqu’au-boutiste de ce sport urbain. Maintenant que l’expérience est définitive, je peux écrire que tout part d’une intention excellente, et les idées donnent autant de bonnes sensations que de choses à améliorer avec, je l’espère, une suite. Tout d’abord, il est clair que le résultat se destine aux purs passionnés de skate. Si vous ne l’êtes pas, vous allez galérer, soyez-en assurés. Le grand principe de la prise en mains, c’est le contrôle en dual stick : chacun d’entre eux représente un pied. Oui, le principe est d’une efficacité redoutable, surtout quand il est question de devoir gérer chaque angle de déplacement, à l’aide non seulement de la direction mais aussi du transfert de masse (gestion du poids appliqué sur la planche, donc). Tout le reste découle de ce concept très intelligent, et efficace en terme de profondeur.
Un apprentissage long et fastidieux
Au-delà même de son genre, Session : Skate Sim est passionnant pour les choix de gamplay opérés par Crea-ture. Certains sont un peu maladroits, comme cette caméra trop au cœur de l’action (on peut l’éloigner, mais on sent bien que le studio a pensé le tout avec la vue rapprochée), ou le manque d’informations plus précises sur certaines missions compliquées. Mais à chaque fois, le fan de jeu vidéo se dit que le travail des développeurs fut une sacrée aventure. Par exemple, ça n’a l’air de rien mais la configuration des touches est exemplaire, tout en étant d’un grand courage. Pour accélérer, ce sera Croix, tourner se fait avec les gâchettes. Les figures se rapprochent donc des sticks, avec des combinaisons qui mettront beaucoup de temps à se digérer. C’est d’ailleurs un vrai avertissement : le soft va vous demander des heures de dure adaptation. Cette première quinzaine (oui, c’est long) sera le grand juge pour beaucoup, car c’est une fois ce stade dépassé que l’on commence à vraiment s’amuser en plaçant un simple kickflip, ou en maitrisant le moteur physique se voulant réaliste (parfois tout de même un peu aléatoire).
Session : Skate Sim organise le reste de son contenu sur cette philosophie jusqu’au-boutiste : les lieux sont ouverts, réels, soumis à un cycle jour / nuit, et même reproduits à l’échelle 1:1. Les purs passionnés reconnaitront donc le moindre bout de trottoir des différents endroits à arpenter, comme Black Hubbas (situé à New-York) ou China Banks (San Francisco). Comme vous l’imaginez, en terme de level design c’est carrément bluffant, et l’on comprend l’engouement des amateurs de ce sport pour ces spots bourrés d’endroits où placer un heelflip, et de marches à affronter dignement (ou pas). En mode campagne, il sera question d’y enchainer des missions dans le but d’amasser de l’argent. Un pactole servant avant tout à débloquer du gros matos de marques officielles, dans des skates shops. On y retrouve pas moins de deux cents articles pour bien personnaliser notre avatar, avec par exemple du Fallen Zero, No-Compty ou encore Antilanta. D’ailleurs, sachez que seize skaters pros sont modélisés. Voici la liste, car je sais que certains sont particulièrement attentifs au casting.
- Annie Guglia
- Antiferg
- Beagle
- Billy Marks
- Daewon Song
- Dane Burman
- Donovan Strain
- Jahmir Brown
- Louie Barletta
- Manny Santiago
- Mark Appleyard
- Nora Vasconsellos
- Ribsman
- Ryan Thompson
- Samarria Brevard
- Torey Pudwill
Mais, ensuite, beaucoup de plaisir
Aussi, on peut évidemment customiser la planche, avec deux-cent-cinquante pièces disponibles, là encore de marques officielles comme GrindKing ou Thankyou. C’est d’ailleurs une manière d’influencer sur la qualité du skate. Pas d’expérience, pas de côté RPG. Session : Skate Sim ne propose pas de système de points. Encore une fois, il faut appuyer sur l’aspect simulation de ce titre : seule l’envie de sortir la meilleure figure, le meilleur enchainement, doit vous motiver. Et vous savez ce qu’on dit : si ce n’est pas sur bande, alors ça n’existe pas. Il faut donc garder une trace de vos exploits, et pour ce faire le soft propose un outil vidéo étonnamment complet. On peut tout garder, faire son propre montage, appliquer des filtres, opter pour différentes vues dont un fisheye, puis partager l’œuvre. On a même une option aussi surprenante que plaisante, le Filmer mode. Il s’agit de revivre une phase que l’on estime bien classe, mais dans le rôle du caméraman. Vraiment excellent.
Côté durée de vie, Session : Skate Sim propose un gros contenu, avec des quêtes principales (une cinquantaine), mais aussi des secondaires et d’autres à effectuer en duo (plus de cent cinquante, au total). Pour tout voir, il va déjà vous falloir du temps. Mais les passionnés ne s’arrêteront pas à là, et reviendront souvent et longtemps sur le soft, à la seule condition d’avoir digéré ce début d’expérience vraiment ardu. Techniquement, le résultat se tient plutôt bien, même si les textures peuvent parfois un peu baver, et quelques bugs d’affichage ou de collision se rencontrent ici ou là. Mais le vrai reproche se situe au niveau de la vie dans les lieux parcourus : c’est vide, ça manque clairement d’animations. La musique, clairement orientée pop/rock, est un point fort du titre, c’est tout à fait à-propos, et style 90’s. La meilleure époque, donc.