Kamiwaza : Way of the Thief, une relique pleine d’idées
Peu de chance que le soft fasse les choux gras de Twitch et autres réseaux sociaux et pourtant la sortie de Kamiwaza : Way of the Thief est un authentique événement. Je l’écris dès que l’occasion me le permet : si la production vidéoludique contemporaine ne me convient pas toujours (excepté côté japonais), il serait injuste de ne pas souligner l’excellente tenue de tout ce qui a un rapport avec l’histoire du jeu vidéo. Square Enix est à la pointe en ce moment, avec une série de sorties récentes assez hallucinante, relançant notamment le T-RPG de fort belle manière. Mais ils ne sont pas les seuls : l’éditeur NIS America a lui aussi pris conscience qu’il est assis sur un véritable filon. Les Prinny Presents NIS Classics sont un bon exemple, et aujourd’hui c’est un titre encore plus obscur, mais assez populaire au Japon pour que son titre soit familier aux plus passionnés d’entre nous, qui se lance dans un voyage vers l’Ouest.
Si Kamiwaza : Way of the Thief était resté cantonné au Japon lors de sa sortie initiale (2006, exclusivement sur PlayStation 2), beaucoup de fans de Tenchu lorgnaient le titre dans les magasins (et sites !) d’import. Pour cause, le titre était l’oeuvre du studio Acquire, non seulement à l’origine de la licence précédemment citée, mais aussi de deux autres licences que j’apprécie particulièrement : Way of the Samurai (jouez à Katana Kami !) et Shinobido. Bon, et depuis ils ont aussi signé les plaisirs coupables Akiba’s Trip 1&2 (mais si, ce soft où l’on doit déshabiller des vampires pour en venir à bout) et Akiba’s Beat, mais surtout le très bon Octopath Traveler. Bref, le studio, s’il n’est pas le plus au centre des attentions, fait parti de ces entités sûres dont il faut surveiller de près le travail. Et ce même quand celui-ci remonte à 2006.
Surtout que Kamiwaza : Way of the Thief propose une véritable alternative aux autres travaux d’Acquire dans le domaine de l’infiltration. L’histoire (traduite en anglais) se fait certes classique, mais elle provoque une autre voie, celle du voleur (coucou le sous-titre), et donc une sensation plus proche d’un Robin des Bois japonais. On prend donc la direction de l’ère d’Edo, une période médiévale s’étendant sur plus de deux-cents ans (1603 à 1868, pour être précis). Les temps sont alors très troublés politiquement, le pouvoir se dispute et, alors que les inégalités sociales augmentent, le pouvoir interdit les signes extérieurs de richesse. Je ne replace pas ce véritable contexte pour en mettre plein la vue, c’est un élément important pour comprendre l’écho qu’a la destinée de notre avatar : Ebizo est tout d’abord un apprenti voleur, dans une troupe de cambrioleurs aux méthodes expéditives. Trop, d’ailleurs, puisque la situation dégénère totalement, nous rendant témoin d’un massacre contraires aux idéaux prônés. Désormais père adoptif d’une petite fille heureusement sauvée, et retiré de la société, Ebizo va pourtant devoir reprendre du service. Car sa fille est mourante, mais il existe un moyen onéreux de la soigner.
Un pur jeu d’infiltration aux mécaniques grisantes
Petite parenthèse : c’est dingue comme il est agréable de parfois renouer avec la narration d’un jeu PlayStation 2. Kamiwaza : Way of the Thief se met vite en place, et ne nous gonfle pas toutes les cinq minutes avec des dialogues ineptes, n’est-ce pas Kratos. Par contre, Acquire prend plus de temps afin d’installer son game design, et l’on peut le comprendre tant il reste, même encore aujourd’hui, à la fois original et courageux. On est donc aux commande d’un as du cambriolage, qui va devoir passer inaperçu mais aussi remplir son sac de larcins bien pensés. Après un début assez balisé, on est plongé dans un hub, la ville de Mikado, au sein de laquelle on se rapproche de la Guilde des Voleurs, là où l’on acceptera les missions. On devra donc aller choper des objets de valeur dans des endroits très surveillés par des gardes au cône de vision un peu difficile à bien capter, et il faudra vraiment tout faire pour ne pas éveiller leurs soupçons. Car dans ce jeu, impossible de tuer, Ebizo peut tout au plus les assommer quelques secondes. Tout est fait pour que le joueur préfère les tenir éloigner, comme avec cette sorte d’esquive à déclencher au tout dernier moment, permettant de ralentir le temps et surtout de rester incognito.
Autour de ce concept, Acquire brode des mécaniques hypers surprenantes et grisantes, donnant à Kamiwaza : Way of the Thief des accents assez proches d’un jeu d’arcade. Il faudra faire attention à la contenance du sac, elle est limitée et peut attirer l’attention des gens. Car l’environnement joue un vrai rôle : plus on vole, plus on est sous les feux des projecteurs avec des avis de recherche dans toute la ville. Heureusement, on peut les arracher, et rendre service à des habitants pour qu’ils ressentent moins l’envie de vous balancer aux autorités. Mais le cœur de l’expérience, c’est le vol. Différentes techniques sont à disposition, et même le sac peut devenir une sorte d’arme pour calmer les ardeurs d’un garde. C’est peut-être là un excès du soft, tant on a de possibilités à disposition : le joueur peut parfois perdre le fil. Par exemple, j’ai redécouvert assez tard la mécanique du tir dans un objet, ou du coup de pied dans un mur. Et pourtant, c’est utile afin de décrocher des cibles en hauteur.
La technique, la grande oubliée de ce remaster
Kamiwaza : Way of the Thief est clairement daté dans l’intelligence artificielle, et le concept du chat et de la souris en prend un petit coup. Cependant, j’ai adoré la structure du titre. On doit donc voler non seulement dans des missions, mais aussi en-dehors, au sein de la ville de Mikado. Car remplir son sac sert non seulement à payer le traitement de la fille de l’avatar, mais aussi diverses améliorations. Ainsi, on ressent une bonne courbe de progression, faisant vite passer l’Ebizo du début pour un incapable. Bien sûr, ce concept forme une boucle de gameplay assez répétitive, mais l’utilité de celle-ci est assez multiple pour nous pousser à recommencer encore et encore. Par exemple, on se pose souvent la question : revendre les larcins pour se payer une nouvelle capacité, un nouvel outil ou pour redistribuer l’argent aux habitant afin qu’ils nous soutiennent de plus en plus ? Alors certes, les missions se ressemblent toutes, mais on s’y plonge tout de même avec intérêt.
D’autres petites idées viennent gonfler le gameplay, comme le pickpocket ou la valeur évolutive des objets. Kamiwaza : Way of the Thief est un jeu généreux, et cela se reflète dans sa durée de vie, solide sans être excessive. Il faut une quinzaine d’heures pour voir le bout de l’histoire, mais quasiment le double si l’on vise le 100%. Aussi, sachez qu’il existe plusieurs fins à découvrir, donc une petite rejouabilité à la clé. Techniquement, le soft fait le strict minimum, et c’est la seule vraie déception concernant cette sortie. Je n’attendais aucune révolution visuelle, donc tout ce qui est textures datées (elles ont été un peu lissées) et le manque d’animations dans les environnements ne gênent pas. Par contre, je note des bugs de collision parfois très frustrants, je me souviens notamment d’un objet de grande valeur que j’allais choper… avant de le voir s’enfoncer dans le sol pour ne jamais réapparaître. Quant à l’ambiance sonore, elle est minimaliste mais ça correspond au trip.