The Chant, le survival horror qui sort des sentiers battus
Pas mal mis au placard depuis quelques années, le survival horror revient doucement, mais sûrement, d’entre les presque-morts. Resident Evil Village a certes fait le choix de l’action (avec un certain brio), d’autres recherchent un peu plus les sensations d’antan. Malgré ses imperfections, The Callisto Protocol est de ceux là, tout comme Signalis ou Tormented Souls. Derrière ses apparences de jeu un peu « intello », The Chant vient gonfler ces rangs, avec plus de réussite qu’espéré.
Annoncé lors de l’officialisation du label Prime Matter, The Chant tente de sortir des sentiers battus du survival horror. Enfin ça, c’est pour les joueurs qui n’ont que peu d’expérience avec le genre. Car les vétérans, eux, vous diront que le recours au spirituel en a toujours fait partie intégrante, comme avec les Silenth Hill ou Eternal Darkness. Mais tout de même, il est vrai que le jeu ne reste pas cantonné à l’invasion zombie (laquelle, d’ailleurs, n’est plus utilisée depuis un bout de temps si l’on regarde bien). Ici, il est question d’une retraite spirituelle qui tourne mal, très mal. Le joueur incarne Jess Briars, une jeune femme en plein syndrome post-traumatique depuis la mort violente de sa sœur. Totalement dépassée par ce qu’elle ressent, lassée de son job dans une entreprise dans la biomédecine, elle est au bord du chaos quand elle reçoit une invitation de Kim, sa meilleure amie qui a rejoint une communauté se rapprochant pas mal des mouvements post-1968.
Donc voilà notre avatar prenant la route de l’île de la Gloire, un nom qui ne passe pas inaperçu. Sur place, Jess aura à peine le temps de faire connaissance avec les quelques habitants, certes sympathiques mais tout de même bien perchés. Dès le soir venu, elle est conviée par Tyler, le gourou de l’endroit, à participer à un rituel bien flippant, à base de thé, de cristaux, de substances hallucinogènes, et de rondes qu’il ne faut surtout pas briser. Bien évidemment, Jess brise la farandole, ce qui a pour fâcheux effet d’ouvrir un portail vers une dimension parallèle, l’Obscurité, d’où sortent des démons. Ni une, ni deux, la jeune femme prend ses jambes à son cou et part à travers l’île afin de retrouver d’autres survivants qui pourront l’aider à refermer la brèche. The Chant part donc au quart de tour, ce qui n’est pas un mal. Par contre, ça a un effet secondaire : la suspension consentie de l’incrédulité ne fonctionne pas à plein régime, et je me suis trop souvent demandé « mais comment mon personnage peut partir à l’aveugle sur cette île, alors que tous les signaux de la secte sont au vert ? ». Du coup, même si l’ambiance est bonne, le récit est freiné par son personnage principal. L’écriture en elle-même est plutôt bonne, les dialogues (sous-titrés en français) aussi, et les personnages profondément détaillés. Du coup, l’envie de dépasser le constat pas folichon du début est présente, et c’est une bonne chose car l’histoire se développe plutôt finement.
Une ambiance pesante, mais pas terrifiante
The Chant fait le choix de ne pas trop miser sur l’horreur, mais va plus du côté de la psyché de ses personnages. Ce qui en fait un survival horror plus intimiste que spectaculaire. Et ce malgré les passages dans l’Obscurité rappelant forcément Eternal Darkness dans la mécanique de sanité. Chaque événement troublant affecte la perception de l’héroïne, ce qui non seulement a un impact sur l’action à l’écran, mais peut aussi mener au game over. Il faudra donc continuellement faire attention à trois jauges (Mental, Santé et Spiritualité) que l’on peut compléter en avalant des denrées naturelles. Cette mécanique a du bon, car elle permet au joueur de ressentir une certaine notion de découverte de l’environnement, et cela justifie un peu de sortir de la linéarité pourtant appuyée de l’intrigue. Tout comme la quêtes aux différents documents afin de découvrir plus en détail l’univers. Tout cela fonctionne plutôt bien même si, du coup, on n’est pas dans de la tension permanente.
Autre bonne idée, celle d’un gain d’expérience permettant d’activer des bonus dans un arbre de compétence, lui, très classique. N’espérez pas pour autant faire de Jess un véritable tank, car les améliorations se font légères. Le but, clairement, était de ne pas trop porter atteinte aux combats. Seulement voilà, les bastons sont sans aucun doute le véritable point faible de The Chant. On peut crafter trois types d’armes, toutes ayant une efficacité différente sur les différents monstres d’un bestiaire assez diversifié et parfaitement détaillé dans un codex brillant. C’est là encore une bonne idée, mais les sensations ne sont pas folichonnes. On a l’impression de taper dans des sacs de sable, et les deux types d’attaque, légère et forte, ne font pas bon ménage tant l’animation de la dernière la rend presque inutilisable. Et cerise sur le gâteau trop cuit, les armes sont destructibles. Alors oui, ça peut favoriser l’impression de survival. Mais dans un jeu de ce genre, ça me paraît trop lourd à gérer.
La direction artistique joue un grand rôle dans les sensations
The Chant se termine en une dizaine d’heures, et propose trois fins différentes donc une bonne rejouabilité. Un contenu bien solide, surtout qu’il faut prendre en compte la très humble dimension du studio de développement, Tinto Brass Token, dont il s’agit du premier jeu. Certes, ils sont chapeautés par les cadors de Plaion, mais tout de même le résultat force le respect. Techniquement aussi, il faut prendre cet aspect en compte. Certes, les animations ne sont pas de première fraicheur, malgré de la motion capture soignée. Par contre, la direction artistique est très marquante, que ce soit dans le design des créatures ou l’ambiance qui donne de l’importance aux superbes effets de lumière. L’île est aussi un lieu qui se renouvelle pas mal, une bonne idée qui aide à un peu à sortir du train-train d’un cheminement trop linéaire. Enfin, le domaine sonore est lui aussi remarquable, je recommande chaudement l’utilisation d’un casque afin de profiter de bruitages très troublants.