Final Fantasy XVI : un opus trop clivant
Près de sept ans après un FF XV déjà entouré d’une certaine polémique, Square Enix semble vouloir aller encore plus loin dans sa volonté de transformer sa licence culte. En fait, quand on regarde de plus près, celui qui reste l’un des rois du JRPG a fait le choix de restreindre, depuis FF XIII, l’expérience à un cheminement cinématographique. Même le regain de puissance apporté par FF VII Remake est, quand on y regarde bien, éloigné de ce qui a fait l’age d’or de Final Fantasy, il suffit de jouer aux récents FF Pixel Remaster pour s’en rendre compte. Est-ce un mal ? Non, Hironobu Sakaguchi, génial créateur de la licence, a toujours indiqué que les différentes itérations devaient se différencier, apporter du neuf. Alors, même si la direction empruntée n’est pas toujours appréciée, les fans serrent les dents. Mais Final Fantasy XVI ne serait-il pas la couleuvre à avaler de trop ?
Avant d’aller plus loin, sachez que ce test de Final Fantasy XVI ne dévoilera rien de trop avancé. Ni dans l’histoire, ni dans quelques mécaniques qui se justifient par certains rebondissements à préserver. Voilà, vous êtes tranquilles. Au lieu de s’appesantir sur le scénario, je préfère parler des intentions, car c’est bien de leurs côtés que le bât blesse. Clairement, cet épisode veut se différencier du reste de la licence dans sa tonalité. Si je n’ai pas suivi la phase de communication afin de ne rien me spoiler, il était tout de même difficile de passer à côté de cette news : l’équipe de développement a dû regarder la série Game of Thrones dans son entièreté afin d’en comprendre le succès et de s’en inspirer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on le ressent dès les premières secondes. L’ambiance est beaucoup plus sombre, parfois même sanglante (une première dans FF), et l’on remarque une multitude de personnages très inspirés par l’œuvre de G. R. R. Martin. Mais vraiment, c’est même du copié / collé parfois, avec à la clé des doubleurs qui ont aussi travaillé sur la série télévisée. Alors oui, c’est plutôt agréable sur pas mal de points, avec notamment des vilains très réussis (dont la mémorable Benedikta), de la vraie dark fantasy à la tension palpable, mais la narration est tellement problématique que la plupart des bonnes intentions volent en éclat.
Dans Final Fantasy XVI, le joueur incarne le Clive Rosfield, et uniquement lui. Voilà déjà un choix problématique pour le gameplay (on y reviendra plus bas) mais aussi la narration. Son cheminement afin de faire la lumière sur sa condition, mais aussi sur la présumée mort de son petit frère, est malheureusement nivelé vers le bas par deux erreurs fondamentales. La première est l’écriture du personnage, lequel manque cruellement de relief, de charisme. Si son character-design est particulièrement réussit, je ne me suis jamais réellement passionné pour lui et sa quête, à cause principalement d’un manque de profondeur. Cet avatar sans dégradés, sans failles et sans reproches, traverse l’univers sans embûches pour sa vision du monde, sans ne jamais y être confronté. J’aurai pu digérer cette caractérisation, mais elle s’ajoute à une narration pataude, peu inspirée, s’étalant dans des cinématiques si nombreuses et longues que j’ai du mal à estimer mon temps de jeu et mon temps de visionnage. Le pire est que je voulais aimer Valisthéa, un monde certes peu étendu mais me rappelant un peu l’Irlande dans son ambiance. Las, cet univers, que l’on comprendra principalement dans le codex et non sur le terrain, n’est jamais mis en avant par les quêtes secondaires (la plupart étant Fedex au possible), les activités annexes inexistantes, et surtout les découvertes. Car l’exploration est réduite à son strict minimum, les seuls passages un peu cachés menant à des lieux qui ne feront que servir aux missions de chasse. Le peu d’intérêt du Chocobo fait de la peine…
Valisthéa est belle, mais manque de profondeur
Au-delà de tout ça, c’est aussi le manque de diversité des thèmes qui saute aux yeux. Sans groupe de personnages à incarner, ce sont des développements de sujets qui sont absents. Se lancer dans ce jeu après avoir pris son pied avec Octopath Traveler 2 et sa horde de héros, c’est clairement déceptif. Mais tout de même, tout n’est pas négatif. En cherchant à imposer une approche cinématographique, Final Fantasy XVI se rapproche des récents God of War, et plus généralement de la production vidéoludique occidentale. Le calcul me semble contreproductif, mais au moins le grand spectacle est parfois présent. On en reparlera plus bas pour leur pauvreté de gameplay, mais les combats de Primordiaux, en fait les invocations plutôt bien justifiés par le récit, offrent des moments impressionnants. Bon, ils sont traversés de QTE que j’espérais ne plus jamais avoir à subir tant ils sont désuets, mais globalement ça fonctionne dans la volonté de nous scotcher. Par contre, il faut noter une mise en scène beaucoup plus plate dans tout ce qui est contenu annexe. Et ça, c’est assez rageant car celui-ci est si peu riche que j’attendais du peu de cutscenes leur étant liées soient bien soignées. On a droit à des dialogues statiques, des animations simplistes, et le tout est marqué par une certaine lenteur. Enfin, le peu d’intérêt des discussions avec les PNJ des villages m’a marqué. Ces endroits, d’ailleurs, sont totalement inscrits dans ma sensation de parc d’attraction de certains jeux du moment : on les traverse sans pouvoir en approfondir l’exploration, l’accès à la plupart des maisons étant purement et simplement fermé.
Si je peux comprendre qu’on les apprécie pour la simplicité de l’ensemble, l’histoire et l’univers de Final Fantasy XVI m’ont déçu, et c’est aussi le cas pour le gameplay. Je m’attendais à être bousculé de ce côté, surtout après les propos surprenants de Naoki Yoshida concernant le JRPG, un genre qu’il ne comprend plus visiblement. Pour la première fois dans l’histoire de cette licence, le système de combat se dirige vers le pur Action-RPG en monde semi-ouvert -comprendre par là qu’un voyage rapide permet d’atteindre différentes zones plus ou moins étendues) Ce n’est pas un souci à mes yeux, j’aime particulièrement ce genre. Surtout, la présence de Ryôta Suzuki au design des combats était pour moi un gage de très grande qualité : l’homme a notamment bossé sur Devil May Cry 5 et Dragon’s Dogma, deux hits que j’ai particulièrement apprécié. Seulement voilà, la volonté de simplifier l’expérience a aussi un impact sur la prise en mains. La couche RPG étant réduite à sa plus basique expression, il était impératif de donner de la profondeur aux combats. Hélas ce n’est pas le cas, et l’on se retrouve face à un Beat’em All simpliste, avec un enchainement tout juste complété par des attaques spéciales à lancer en pressant une gâchette, un saut, une esquive, et une forme améliorée pour Clive lui valant des bonus. Cette base efficace n’est malheureusement pas élevée par les mécaniques RPG : le gain de niveaux est déséquilibré (le peu d’XP glané avec les missions secondaires s’avère problématique), les arbres de compétences sans grand intérêt (j’ai même parcouru la première moitié de l’aventure sans m’y intéresser tant l’adversité n’exige en rien de s’y plonger). Autre déception, l’équipement est clairement sans relief : on acquiert les meilleures armes en suivant le scénario. Pire, la mécanique de la forge se révèle totalement disloquée car il est possible d’acheter les lames à construire, même s’il faudra ensuite passer par la collecte d’ingrédient pour appliquer des bonus (peu utiles).
Une aventure longue mais répétitive
Symbole de l’échec de l’aspect JRPG, l’absence totale de la logique élémentaire est sans doute ce qui m’a le plus choqué. Vous pouvez attaquer des ennemis utilisant le feu avec n’importe quel élément, ça provoque les mêmes dégâts. C’est une décision incompréhensible, même si elle est logique avec l’approche très simplifiée de l’expérience. Approche symbolisée par les anneaux vous permettant de réduire le gameplay à sa plus simple expression. Final Fantasy XVI fait le choix de ne pas privilégier le skill, mais plutôt l’aspect spectaculaire, ce qui résulte sur la sensation de jouer à une sorte d’Asura’s Wrath en moins foufou. Oui, certaines magies sont impressionnantes, mais c’est tellement chaotique à l’écran que les lancer se fait au petit bonheur la chance. Ajoutez à cela un bestiaire limité, ne poussant pas vraiment à maitriser le système dans ses détails, et un cheminement en forme d’arènes successives, et l’on obtient un périple parfois difficile à savourer. Une certaine lassitude pointe le bout de son nez après dix heures de jeu, et elle ne m’a pas vraiment quitté par la suite. Surtout après avoir compris ce fait : que vous vous investissiez dans le système, en maitrisant par exemple la mécanique de Choc, ou pas… vous avancerez, vous réussirez. Ce ne sont pas les combats de primordiaux qui ont changé la donne car, au-delà de la majesté de certaines mises en scène, il s’agit surtout de marteler les boutons frénétiquement et de répondre à des QTE. Et ne comptez pas sur les donjons pour effacer tout ça : ils s’inscrivent totalement dans le principe de l’enchainement d’arènes.
Vous l’aurez compris : si vous espériez de Final Fantasy XVI une expérience profonde… c’est loupé. Par contre, accrocher à l’histoire est synonyme d’expérience assez longue : l’aventure vous demandera une quarantaine d’heures. Il existe un gros new game plus, et pour atteindre le 100% il faudra doubler ce chiffre, notamment grâce à de nouveaux sacs à PV monstres. Reste à aborder l’aspect technique, et là encore je ne peux passer outre une certaine déception, même si tout n’est pas à jeter. Je me souviendrais longtemps de certains panorama, baignés d’une belle lumière. Bon, ils sont malheureusement sous-traités par le manque d’intérêt de l’exploration (et le mode photo incroyablement pauvre en options), mais personne ne peut nier que les décors marquent la rétine. Tout comme les différents effets accompagnant les combats, indéniablement impressionnants. Le jeu est aujourd’hui assez stable, c’est aussi une bonne chose. Par contre, certaines animations sont raides, les visages pendant les cutscenes ne font pas vraiment current gen. Maius surtout, surtout, j’ai eu droit à deux plantages de la PlayStation 5 pour cause de surchauffe. Oui, la période chaude n’arrange pas les choses, mais ça m’a inquiété à tel point que j’ai dû réduire mes sessions. Apparemment, le problème est connu par Square Enix, et pour le moment l’éditeur conseille de passer le jeu en option Performance. Pour finir, la musique a terminé de valider mon sentiment très mitigé concernant ce soft. Masayoshi Soken est un compositeur doué, son énorme travail sur FF XIV l’atteste. Mais ici, son rendu non-orchestrale fait un peu cheap, et son utilisation par la réalisation ne la met pas en valeur. Il faut aller dans les options pour en augmenter le volume si l’on désire vraiment l’entendre, c’est un indice sur son importance. J’ajoute des environnements parfois plongés dans des nappes sonores peu à-propos, et l’on obtient une OST moyenne. Par contre, les doublages japonais et anglais sont de grande qualité, c’est à souligner.