Alone In The Dark signe un retour satisfaisant
Si, pour la plupart des joueurs, le premier grand survival horror console fut Resident Evil, il faut bien admettre que la première itération culte du genre remonte à un peu plus loin. Et, plus précisément, à Alone In The Dark. Cocorico, un jeu français, datant de 1992, et clairement l’un des jeux les plus influents de l’histoire des jeux vidéo. Le soft, signé notamment par le passionné (et passionnant, pour l’avoir rencontré plusieurs fois) Frédérick Raynal, a immédiatement marqué les esprits, de par plusieurs codes qui seront plus tard non seulement repris par Capcom, mais aussi d’autres acteurs de l’industrie. Les plans fixes, le vieux manoir, et d’autres choses viennent directement de cette licence, laquelle plongeait tout de même plus vers l’ambiance lovecraftienne que le film de zombie. Seulement voilà, la série n’est jamais devenue pérenne, à cause de dissension internes assez grave entre l’auteur et le studio. Des suites peu convaincantes, ainsi que deux premiers reboots très discutables (surtout le second, une authentique purge), ont terminé de creuser la tombe d’Edward Carnby. C’était sans compter sur l’éditeur THQ Nordic qui, en 2018, a racheté les droits de la série et nous livre aujourd’hui sa version.
C’est donc le studio de développement suédois Pieces Interactive, jusqu’ici surtout connu pour le peu convaincant Magicka 2, qui s’attaque à l’immense tâche de remettre au goût du jour Alone In The Dark. Entre nous, c’est une mission que je trouvais, et trouve toujours, d’utilité publique. Non seulement pour le patrimoine vidéoludique, mais aussi et surtout car ce début d’année 2024 me semble trop pris d’assaut par des expériences interminables. Personnellement, je sors par exemple de Like A Dragon : Infinite Wealth, Persona 3 Reload, Final Fantasy VII Rebirth, et je commence à en avoir assez de ces titres me demandant plus de cent heures. Du coup, première qualité du soft ici abordé : il s’agit d’un survival horror et, en conséquence, il livre une histoire sans développements alambiqués. D’ailleurs, sachez que le scénario (évidemment sous-titré en français) m’a bien plu, entre respect du hit d’origine et relecture assez finaude.
On retrouve donc Edward Carnby, détective privé engagé par une Emily Hartwood désormais jouable. Le duo, plongé dans les années 1920, prend la direction de la Louisiane, et plus particulièrement du manoir Derceto, afin de retrouver la trace de Jeremy Hartwood, oncle d’Emily. Arrivés sur place, les enquêteurs vont découvrir une ambiance très lourde, glauque, à base de secte et d’entités lovecraftiennes. Je n’irai pas plus loin dans la description du scénario, tant Alone In The Dark propose un bon nombre d’événements importants. La relecture ici réalisée modifie avec soin quelques éléments, surtout autour du personnage de Jeremy Hartwood, et surtout j’ai particulièrement apprécié le camp ennemi, très convaincant et imprimant une véritable terreur au travers de ses apparitions. Aussi, la petite touche Silent Hill-esque, avec ces environnements entre deux dimensions, a de quoi séduire. C’est clairement la grosse réussite de cette nouvelle version : la narration est réussie, et cela faisait longtemps que je n’avais pas vécu, manette en mains, une telle atmosphère.
Gros travail sur l’ambiance et le récit
Alone In The Dark a donc aucun mal à vous plonger dans son univers, et le gameplay, s’il est un peu plat, est heureusement sur la même ligne, sans pour autant ne jamais viser l’originalité. On se trouve donc dans un survival horror à la troisième personne, avec des phases d’exploration habitée par des énigmes jamais réellement surprenantes, et des combats sans grand génie. Mais voilà, si je n’ai jamais ressenti d’excitation, ce ne fut pas non plus mauvais, et c’est déjà ça de pris, surtout en se remémorant ce que la licence a pu livrer voilà quelques années. Les armes à feu, nombreuses (pistolet, fusil à pompe, automatiques, etc), ainsi que les armes blanches jouent leur rôle, au sein d’un level design pas toujours lisible mais au moins cohérent. L’intrigue nous fait traverser le manoir Derceto, puis rejoindre des zones faisant avancer le récit, avec à la clé des phases de casse-tête un peu répétitive et classique. Oui, j’ai eu parfois des gros moments de lassitude, surtout dans le dernier quart du soft et des courses poursuites bordéliques, mais ça fonctionne un minimum. Le vrai point noir, c’est la caméra qui, parfois, a tendance à bloquer le champ visuel. Je n’ai pas non plus beaucoup apprécié l’utilisation des objets de jet, comme les briques, dont les effets sont même contreproductifs à l’occasion.
Le contenu d’Alone In The Dark est amplement satisfaisant, avec une dizaine d’heures pour en venir à bout en ayant découvert la plupart des objets à collecter. C’est largement suffisant, et c’est même très agréable après la série de jeux précédemment cités. Mon seul regret, c’est l’absence d’intérêt à la rejouabilité, et même avec un second personnage jouable. Lequel n’apporte que très, très peu d’éléments nouveaux. Côté technique, le résultat ne cache pas sa production de type « AA ». Il ne faut donc pas attendre de ce titre une chaque visuel, et cela se ressent notamment dans les textures et quelques baisses de framerate. Comme l’avatar navigue la plupart du temps dans les environnements clos d’un manoir, cela se remarque. Mais, grâce à une direction artistique très stylée, qui me rappelle fortement l’excellent film Angel Heart, j’ai tout de même pris grand plaisir à découvrir non seulement les endroits mais aussi le bestiaire lovevraftien. D’ailleurs, notez que les avatars sont interprétés par deux acteurs bien connus et modélisés : David Harbour (Stranger Things) et Jodie Comer (Killing Eve). Enfin, l’ambiance sonore est certes très à-propos avec l’atmosphère, mais elle manque d’un thème vraiment marquant. Cependant, entre les bruitages flippants et le bon travail sur les voix, on est là encore dans du qualitatif.