Pour le J-RPG, tout commence avec Dragon Quest I
Quelques mois après la sortie de Dragon Quest 11 S, Square Enix a décidé de faire plaisir aux fans de la licence la plus importante du RPG japonais. Et c’est encore la console de Nintendo qui est mise à l’honneur, avec la sortie des trois premiers opus de la série, que les amateurs connaissent mieux sous l’appellation de « Trilogie de Roto ». C’est un gros morceau que nous tenons là, tant il définit à lui seul tout le genre, mais aussi le jeu vidéo japonais. Et nous allons voir que Dragon Quest I est déjà séminal…
Remontons le temps, jusqu’à ce que les moins de vingt ans appellent la préhistoire : 1986. Netflix n’existait pas, rendez-vous compte ! Votre humble serviteur n’avait que trois ans et, pendant ce temps, une partie du Japon (plus de deux millions de personnes, tout de même) découvrait ce qui allait devenir l’un de ses doudous : Dragon Quest, dont on vient de fêter les 35 ans avec une succession d’annonces prometteuses. Si ces débuts ne furent pas de suite reconnus par la presse (Famitsu, un monument du magazine consacré au jeu vidéo, lui a accordé seulement 30/40 !), la masse populaire ne s’est pas trompée, en faisant un triomphe au jeu développé par Enix.
Eh oui, à l’époque Square n’était pas encore de la partie. Par contre, tous les grands noms répondaient déjà : Yuji Horii au design, Akira Toriyama à la direction artistique, et Koichi Sugiyama aux compositions musicales. Ajoutons une personne moins sous les feux des projecteurs mais au moins tout aussi brillante : Koichi Nakamura (désormais à la tête de Spike Chunsoft), qui œuvrera au game design jusqu’au cinquième épisode. Quand on rassemble autant de pointures, ça ne peut que bien se passer. Dragon Quest I en est la preuve.
Une version largement rehaussée de l’original
Signalons ici que la version de Dragon Quest I utilisée pour cette version Nintendo Switch est celle parue sur mobile, en 2014 (celle-là même qui a servi de base à la version PlayStation 4, jamais atterrie en Europe, snif). C’est une information plus intéressante qu’il n’y paraît, car cette édition s’appuyait sur le remake sorti sur Super Nintendo. Du coup, on garde quelques petits bonus de contenu, comme les graines à dénicher ici ou là pour augmenter plus rapidement les statistiques. Bien entendu, le principal atout de cette édition est d’embarquer une sauvegarde temporaire, histoire de quitter la partie quand on veut. Rappelons qu’en 1986, il fallait noter un long, très long code (des dizaines et des dizaines de signes !) avant de sortir du soft.
Donc oui, Dragon Quest I est une expérience rétro, mais pas sauvage non plus, et c’est tant mieux. Certes, les habitués au confort actuel vont halluciner face à un cheminement tout sauf friendly, sans trop d’indices sur la prochaine étape. Mais ça fait partie du trip à l’ancienne. Enfin, l’aspect visuel a été rehaussé, mais en cherchant à préserver ce bon vieux pixel. Le résultat est satisfaisant, surtout dans les artworks des monstres, tous retravaillés avec grand soin. Quant à la merveilleuse bande originale, elle a totalement été ré-orchestrée, pour un résultat qui nous a totalement séduit.
La traduction anglaise est très soutenue
Malgré tout, on pourra aussi regretter que la sortie de Dragon Quest I sur Nintendo Switch ne soit pas plus développée côté bonus. Il est dommage que Square Enix n’ait pas profité de l’occasion pour nous livrer un musée d’artworks, ni les autres versions, que ce soit le remake sorti sur Super Nintendo, ou celui de la Game boy Color (ah, son introduction animée). C’est un choix, mais on ne l’approuve pas spécialement. En effet, beaucoup de joueurs intéressés par cette sortie sont des fans de la licence, et ils auraient pu être encore plus motivés par du contenu spécialement pensé pour eux.
Signalons le grand soin apporté à la traduction en anglais. Un fait à double tranchant, car c’est un langage très soutenu qui est utilisé, et il va vous falloir le maitriser si vous désirez comprendre les quelques répliques des villageois. C’est important, car Dragon Quest I donne beaucoup d’indices par le biais de ces rencontres avec les PNJ. Jouer à cet illustre ancêtre du RPG japonais, c’est aussi se plier à son grand âge : n’espérez pas que la map vous dise exactement où aller. Et ne ne comptez pas non plus sur un carnet de quêtes afin de vous orienter vers le prochain événement. Non, il faut s’en sortir seul, et c’est justifié.
Une aventure old school, qui va droit au but
Dragon Quest I va vous faire vivre une aventure scénaristiquement sommaire. Et entièrement en solo. Pas d’équipiers : vous incarnez un héro, descendant de la glorieuse lignée Roto. Alors que le peuple d’Alfegard pensait vivre une époque paisible, le maléfique Dragonlord attaque le château de Tantegel afin de dérober la Boule de Lumière. Vous êtes immédiatement missionné par le roi Lorik afin de mettre fin à cette crise, tout d’abord en allant délivrer la princesse Gwaelin. Voilà, ça tient en quelques mots, mais ceux-ci vont accoucher non seulement de ce jeu, mais aussi d’une trilogie.
Pas besoin d’un récit qui multiplie les détails : on a assez de matière pour imaginer tout un univers, et cela se vérifiera dans les deux suites. La simplicité est la sophistication suprême, on ne cessera de le répéter. Aussi, on trouve déjà une envie de ne pas se contenter d’une aventure sans surprises, et c malgré les limitations techniques. Non, délivrer la princesse n’est pas l’objectif final. On retrouvera cette figure de style tout au long de la série, d’où ce caractère séminal qui domine dans Dragon Quest I.
Dragon Quest I installe un grand nombre de codes du J-RPG
Et c’est pareil pour le gameplay : une partie de ce qui fait le succès gigantesque de cette licence se trouve déjà dans Dragon Quest I. Et pas qu’à l’état embryonnaire. L’exemple le plus frappant est, bien entendu, les batailles. On se souvient du tollé créé par le redesign des combats qu’on a bien failli obtenir avec DQ IX. Le phénomène n’est pas venu de nulle part, les codes de la licence sont installés, et ce depuis toujours. On a donc un système de combat certes rudimentaire (attaque, objets, fuir, magie…) mais si efficace qu’aujourd’hui encore il nous passionne.
Du reste, l’épopée du héros se résume surtout à des voyages entre des lieux, parfois une énigme sommaire (comme éclairer une grotte), et surtout une bonne dose de levelling. Spécialement dans les tous premiers instants. On vous conseille de prendre du temps afin d’atteindre le niveau 8, et d’acheter au plus vite l’iron axe, l’iron armour et le leather shield. Avec ça, vous ne vous ferez plus rosser par le premier gluant venu. La durée de vie de Dragon Quest I, elle, est assez courte à la vue de nos standards actuels : comptez huit heures. Par contre, c’était incroyable pour l’époque, ne l’oubliez pas.