The Callisto Protocol lance enfin le survival horror sur consoles actuelles
Rares sont les nouvelles licences dont l’engouement est en partie basé sur le passif de son réalisateur. The Callisto Protocol est de ceux-là. Dès son annonce et les premières images tirées de l’univers, les joueurs ont tracé un très clair parallèle avec Dead Space, illustre survival horror sur lequel a œuvré un certain Glen Schofield, fondateur de Striking Distance, le studio qui signe le jeu ici testé. Et, entre nous, j’ai énormément apprécié les deux premières aventures d’Isaac Clarke. J’espérais donc retrouver au moins une partie du feeling. Et c’est bien le cas, même si d’autres éléments viennent parasiter le résultat.
Plus de deux ans après l’avènement de la nouvelle génération de consoles, un constat s’impose : les nouvelles technologies sont avares en expériences horrifiques efficaces. Resident Evil Village fait office de seule itération à la hauteur des attentes, même si l’expérience se dirige plus vers l’action que la terreur, tandis que les petites déceptions scénaristiques s’amassent (n’est-ce pas, The Chant). Bref, ce n’est pas la joie côté frayeur, d’où l’excitation de mise à la moindre sortie d’un jeu du genre. The Callisto Protocol peut déjà se targuer de combler un certain vide, en atteignant un niveau de qualité suffisant pour assurer de un bon niveau d’angoisse. Tout se déroule en 2320, dans un futur aussi sombre qu’attirant tant l’humanité semble avoir parfaitement maitrisé le voyage spatial. Le récit s’intéresse plus particulièrement à Jacob Lee, un capitaine de vaisseau dont la mission marchande le dirige vers la planète Callisto, et sa prison Fer Noir (Black Iron, en version originale, est quand même beaucoup plus classe). Oui, l’ouverture fait furieusement penser à Dead Space et, croyez-moi, cette impression ne s’atténuera que peu tout au long de l’intrigue.
En chemin, le vaisseau de Jacob, le Charon, se fait intercepter par un groupe terroriste, Outer Way, mené par une leader nommée Dani Nakamura. Mais celle-ci perd le contrôle de la situation, et tout ce beau monde se crashe sur Protocol. Les deux personnages cités survivent, mais sont récupéré par Leon Ferris, le dirigeant de la prison, lequel répond aux ordres d’un certain Duncan Cole. Et le duo se voit emprisonné, sans raison véritable. Quand Jacob se réveille, c’est en tant que prisonnier, alors que la situation dégénère : les détenus et autres gardiens semblent être victimes d’un virus inconnu, lequel plonge ses hôtes dans un état physique et mental terrifiant. Dans un premier temps il va falloir survivre, s’enfuir, mais bientôt Jacob devra œuvrer afin de découvrir les origines du mal, le combattre et peut-être même le détruire. Sans aller plus loin, sachez qu’on retrouve le principe du grand méchant ayant déclenché l’apocalypse, vraiment de quoi se remémorer Dead Space. Par contre, la narration me semble moins bien maitrisée, parfois trop présente. L’influence du succès du regrettable succès des jeux ultra-narratif, comme God of War : Ragnarok ou TLOU 2, n’a pas fini de plomber l’industrie. C’est dommage, car l’ambiance de The Callisto Protocol, cette SF bien poisseuse, suffit à créer une foule de sentiments forts. Les dialogues intrusifs dénotent donc un peu.
Un système de combat qui a de l’idée, mais mal équilibré
The Callisto Protocol n’en a pas terminé avec Dead Space : on en retrouve la caméra à l’épaule, la santé affichée sur la combinaison de l’avatar et l’utilisation d’un menu projeté en hologramme. Mais rassurez-vous, cette base est développée et, petit à petit, le jeu ici testé prend ses distances avec son modèle… pas toujours pour le meilleur. Tout d’abord, sachez que l’aventure est on ne peut plus linéaire. Terminées les zones à explorer comme bon nous semble, ici c’est la trame qui nous dicte quand et vers où se diriger. Pas de radar lumineux comme en 2008, de toutes façon le cheminement n’offre que très peu de routes secondaires, et l’avancement se fait par le biais d’arènes remplies de monstres répugnants, ou de puzzles à base de disjoncteur à enclencher. C’est ici un premier regret : même si les environnements se renouvellent plutôt bien, au fond on répète en boucle des situations quasiment identiques. Heureusement, tout un système d’évolution du personnage grâce à l’argent déniché apporte de l’intérêt aux lieux visités. Des stations de commerce sont disposées au fil des salles, et l’on peut non seulement y revendre des objets, mais aussi y activer des plans de construction afin de fabriquer de nouvelles armes, mais aussi améliorer les capacités de celles-ci. Du coup, comme la structure est linéaire, on a tendance à user d’allers et retours, en croisant les doigts pour que le récit ne nous ferment pas l’accès à des zones. Mouais, mais ça reste intéressant.
Mais le sujet le plus discutable, c’est bien celui des combats. Au moins, The Callisto Protocol fait preuve d’audace de ce côté… même si j’ai particulièrement ragé devant le résultat sur certains passages. Contrairement aux autres survival horror, ce soft met l’accent sur le corps à corps, avec tout un concept basé sur des réflexes proches de la boxe. Oui, vous avez bien lu. Il va falloir se concentrer sur les mouvements des monstres, leurs spécificités, et c’est une très, très bonne idée sur le papier. Ça me rappelle un peu cette phase d’observation des patterns que l’on connait dans les hits de FromSoftware. Donc l’ennemi attaque, et l’on esquive avec le stick (ou l’on bloque, avec l’expérience), avant de filer des bourres-pifs avec les gâchettes. Cette base s’approfondit au fil du jeu, notamment en ajoutant au combo un tir à l’arme pour continuer celui-ci. Cette mécanique offre des sensations grandioses, avant que le soft ne la plombe en balançant beaucoup trop d’adversaires en même temps. La boxe, c’est du un contre un. Sinon, ça devient la bordélique foire, et c’est ce qu’il se passe ici. On se prend des coups sans savoir d’où ils viennent, la caméra trop proche est handicapante. Et, surtout, l’avatar est incapable de se retourner rapidement, donc de gérer plusieurs monstres à la fois. Cela accouche de phases parmi les plus frustrantes que j’ai pu vivre dans ma longue vie de joueur, surtout que les ennemis sont hypers résistants.
Techniquement, l’un des plus beaux jeux disponibles sur consoles
Et pourtant, malgré ces retenues et les nombreux hurlements de douleur que j’ai pu pousser, The Callisto Protocol parvient à tenir en haleine. J’ai aimé utiliser le gant GRP, un élément (rechargeable au fil du temps, à la manière d’une stamina) permettant des pouvoirs télékinétiques bien funs. Ainsi, on peut balancer des monstres dans tous les sens, et les envoyer valdinguer sur des éléments du décors qui ne manqueront pas de les déchiqueter de manières bien gores. Elle peut aussi aider à freezer un monstre lors de phases trop complexes, ce qui prouve d’ailleurs que les développeurs ont conscience des vagues trop fournies à la longue. Les flingues sont vraiment secondaires, tant il faut un nombre abusé de munitions pour venir à bout d’une menace, même en tirant en pleine tête. La menace, justement, s’étend dans un bestiaire plutôt réussit, proposant plusieurs approches. On a même une race se basant sur la reconnaissance auditive, donc poussant à la discrétion, même si celle-ci reste basique. Les phases de boss sont par contre trop peu nombreuses et inventives, alors que l’univers permettait plus d’ampleur et de spectacle à ce niveau.
Tout cela forme un contenu plutôt satisfaisant, avec une douzaine d’heures pour en venir à bout en mode Normal avec le 100% à la clé (moitié moins pour les joueurs les plus pressés). Par contre, sachez que des DLC massifs sont prévus, et ils permettront d’aller plus loin dans le lore. Je n’arriverai jamais à me faire à ce genre de choses, ayant connu une époque où les jeu sortaient terminés, avec parfois des choses à débloquer mais toutes embarquées dans l’œuvre finie. Au-delà de ce constat, pas de véritable rejouabilité pour le moment. Techniquement, The Callisto Protocol se tient très bien en mode Performance. Je vous le conseille vivement, car la fluidité presque constante du 60fps est éminemment utile pour profiter un tant soit peu du système de combat. Au-delà de ça, les décors sont hypers fouillés, c’est délicieusement gore, et je suis particulièrement sous le charme de la gestion des sources de lumière. Les animations sont aussi une régalade. L’un des plus beaux jeux à être sortis sur génération actuelle, assurément. Je note aussi un certain soin dans l’utilisation de la Dual Sense, avec de bonnes vibrations haptiques à la clé. C’est assez rare pour être souligné. L’ambiance sonore, elle, n’est pas aussi flippante que dans un Dead Space, la spatialisation se révélant moins utile au final. La VF, d’ailleurs, est largement en-deçà de la VO, privilégiez donc l’anglais et ce malgré des sous-titres qui ont tendance à prendre un peu de retard à l’affichage.