Like A Dragon : Ishin tient toutes ses promesses
Je l’écris à longueur d’articles, et en prenant un immense plaisir à chaque fois : si l’époque n’est pas toujours culturellement intéressante, elle a au moins ça de bon que, côté jeux vidéo, on croule sous les sorties ne pouvant que plaire aux plus passionnés et autres nostalgiques. Et pas seulement pour les innombrables remakes et remasters, d’ailleurs le titre abordé ici s’inscrit dans cette lignée, mais parce qu’on vit ce que tout lecteur de Player One ou Joypad a fantasmé. Grâce à certains éditeurs (NIS America, Sega, Square Enix, etc), bien appuyés par d’excellents distributeurs (ici Plaion), on a donc droit à des sorties européennes pour des softs japonais qu’on n’aurait jamais imaginé toucher voilà quelques années. Like A Dragon : Ishin en est l’un des parfaits exemples.
Remontons le temps, un peu moins de dix ans en arrière, donc pas non plus à la préhistoire. Nous sommes en 2014, juste après la sortie de Yakuza 5. Sega vient de restructurer l’entité à l’origine des premiers jeux de la licence, et désormais celle-ci est aux mains du Ryu ga Gotoku Studio. On est juste avant le second souffle de la série (désormais re-baptisée Like A Dragon), celui qui lui permettra de vraiment percer en Occident et d’y atteindre la popularité que l’on connaît aujourd’hui. Cependant, niché entre le cinquième opus et Yakuza Zero, le Japon a eu droit à un épisode resté inédit sous nos latitudes : Yakuza Ishin. Ce n’était pas étonnant à l’époque, d’autres opus sont toujours dans ce cas actuellement (Kenzan, je te salue !). On l’acceptait, et surtout on fantasmait de pouvoir s’y frotter, quand on ne pouvait se les offrir en import. Vous comprenez donc bien mieux l’événement spectaculaire qu’est la sortie de Like A Dragon : Ishin, et tout sous-titrée en français s’il vous plaît ! Un luxe qu’il faut savourer, on ne sait pas combien de temps ça va durer…
Like A Dragon : Ishin prend la formule des Yakuza, et la transpose à la fin de l’ère Édo, alors que le Japon féodal s’ouvre au monde après des centaines d’années d’autarcie maitrisée. Surtout, l’Empereur se voit déshonoré par l’arrivée massive et très intrusive des américains, ce qui créé des troubles au sein de la population de Kyoto. C’est dans cette ambiance entre deux eaux, marquante de par la disparition inévitable de la figure du samouraï, que le récit va plus précisément s’intéresser à un personnage historique ayant réellement existé : Sakamoto Ryoma. Celui-ci, prenant les traits du très regretté Kazuma Kiryu, n’est au départ qu’un résistant parmi tant d’autres, mais il assiste impuissant au cruel meurtre de son père dont il sera accusé. Les tueurs n’auraient pas pu tomber plus mal, car notre avatar a du répondant. Et c’est ainsi que débute son cheminement certes dramatique, mais surtout bourré de rebondissements hypers plaisants, débute. Très bien écrit, rythmé, le scénario est bien appuyé par une mise en scène certes un peu statique dans certains dialogues, mais efficace tout du long. Un vrai plaisir, avec ce qu’il faut de grand spectacle totalement surréaliste et drolatique par moment.
Délicieux retour à la formule classique
S’il est difficile de vraiment parler de changements dans le scénario, n’ayant pas pu jouer au jeu d’origine, je peux tout de même comprendre l’esprit de ce remake. Clairement, Like A Dragon : Ishin ne cherche pas à révolutionner sa base, sa prise en mains, mais plutôt à la rendre visuellement agréable pour les joueurs de 2023. Mais avant d’y venir, il faut aborder ce qui reste tout aussi central : le gameplay. Les fans de ce qui était Yakuza, et ceux qui apprécient aujourd’hui les admirables Judgment, vont immédiatement retrouver leurs marques. On est donc dans un jeu d’action-aventure, plongé non plus à Kamurocho mais dans la cité de Kyo. Celle-ci est certes charmante au possible, surtout quand on en repeint les murs grâce au sabre acéré de l’avatar, mais force est de constater que son level design reste assez daté. Les pérégrinations dans les ruelles peuvent donc s’avérer un peu répétitive au bout de quelques dizaines d’heures, c’est sans doute mon regret le plus affirmé.
L’environnement proposé par Like A Dragon : Ishin change, et pas qu’un peu, mais ce qu’on y accompli reste dans la droite lignée. Tant et si bien que le gameplay est immédiatement digéré, une bonne chose. C’est surtout le cas du très classique et efficace système de combat divisé en quatre styles (bretteur, bagarreur, tireur et danseur endiablé), que l’on peut changer en temps réel et tous accompagnés de compétences dédiées. Donc plus on utilise un style, plus il se perfectionne, et plus on ressent sa puissance et son intérêt face à des ennemis plus ou moins sensibles à leurs effets. Et de toutes manières, ils finiront par succomber tant les combos, et toujours aussi savoureuses actions contextuelles font mouche. Une dimension très A-RPG toujours aussi passionnante et, entre nous, j’en préfère la réactivité à celle moins affirmée du tour par tour initié par le septième opus canonique. J’ajoute tout un système de craft et d’amélioration des armes, certes superficiel mais utile pur qui veut avancer dans l’intrigue sans trop de mal, et l’on obtient bien ces sensations si appréciées.
Gros contenu, et belle refonte technique dans l’ensemble
Les fans de la licence le savent bien : quand on débute un opus, on doit s’attendre à une durée de vie énorme. Like A Dragon : Ishin n’échappe pas à la règle, même si le trip est un peu plus court qu’à l’accoutumée. L’histoire principale se boucle en une vingtaine d’heures, lais bien entendu vous ne vous en contenterez pas. Et vous vous plongerez dans les nombreuses activités annexes, avec bien entendu des quêtes secondaires pour la plupart bien écrites, mais d’autres belles choses sont au menu. Utile pour ses bonus dans les combat, le jeu de cartes à collectionner, en fait un système de compagnons dématérialisés, apporte grandement à l’implication. Toutes les trouver, et les faire évoluer (puis bien les disposer afin de profiter des meilleurs effets), en découvrir les histoires, ça va vous demander du temps. On a aussi droit à toutes sortes d’activités, comme le toujours bienvenu karaoké, des jeux d’argent etc. Enfin, le contenu intitulé Une Autre Vie propose un peu d’accalmie en demandant au joueur de s’occuper d’une maison, avec au programme du jardinage, de la pêche et d’autres choses que je vous laisse découvrir. Les complétistes pourront donc s’investir pendant une cinquantaine d’heures, ce qui reste tout à fait satisfaisant.
Like A Dragon : Ishin se devait de se présenter aux joueurs dans une meilleure forme visuelle qu’en 2014. Mission accomplie grâce à la refonte via l’Unreal Engine 4. Attention, il ne faut pas non plus s’attendre à une claque, c’est beau mais pas non plus impressionnant. Les différents modèles 3D ont fait un bond en avant, c’est indéniable, et les différents effets de lumière n’ont plus rien à voir avec le soft d’origine. Par contre, les textures sont certes rehaussées mais elles ont du mal à s’afficher, et la structure à l’ancienne se ressent un peu trop dans les différentes zones de chargement. Aussi, Kyo fait moins vivant que Kamurocho, moins d’animations dans les décors. Toujours est-il que l’expérience est largement acceptable aujourd’hui, et c’est le résultat qu’on attendait. Surtout que la direction artistique est envoutante au possible, surtout pour qui est passionné par le Japon féodal. Enfin, la musique joue un rôle certain dans l’efficacité de l’ambiance, et le doublage japonais reste l’une des grandes satisfactions de cette expérience.