Like A Dragon : Infinite Wealth, le JRPG tient son nouveau maître
Sorti voilà quatre ans, Yakuza : Like A Dragon est sans doute l’un des plus grands tournants de l’Histoire, pourtant si riche, de Sega. Si Sonic reste évidemment la grande mascotte de l’éditeur, la licence des développeurs du Ryu Ga Gotoku Studio est, particulièrement depuis Yakuza 6, sur la voie royale de la popularisation. C’est, pour ma part, l’une des plus belles satisfactions sur ces dernières années. Souvenons-nous comme nous étions seuls, en 2006, quand Kazuma Kiryu a posé ses pieds de mafieux au grand cœur en Occident ! Quel chemin parcouru jusqu’à, aujourd’hui, cette sortie phénoménale qu’est Like A Dragon : Infinite Wealth qui, n’en doutons pas, figurera très haut sur le podium du jeu de l’année.
Huitième opus de la série principale, Like A Dragon : Infinite Wealth était triplement attendu. Tout d’abord car il devait faire suite à un septième épisode en forme de passage de témoin aussi bien côté personnages que gameplay. Ensuite, il se sera effectivement fait attendre : quatre ans de patience entre deux aventures, c’est rare pour cette licence (cinq ans entre le cinquième et le sixième, mais avec les Yakuza Kiwami entre les deux). Enfin, RGG a intelligemment fait monter notre impatience avec la sortie, voilà quelques mois, de Like a Dragon Gaiden, un trait d’union particulièrement efficace notamment en terme de rythme. L’interrogation, vous l’avez compris, c’est la question autour du scénario du soft : est-il fait pour embarquer à la fois les grands fans et les nouveaux venus ? Je vais être clair : il vaut mieux avoir fait Yakuza : Like A Dragon, ne serait-ce que pour mieux comprendre l’état d’esprit du nouveau héros, Ichiban Kasuga. Et, si possible, faire l’opus Gaiden est conseillé. Soyez d’ailleurs heureux, les deux sont traduits en français. Ensuite, sachez que le soft débute avec la possibilité de découvrir un résumé de la grande histoire. Alors certes, c’est très survolé, mais ça permet tout de même de s’y retrouver un minimum.
Quatre ans de développement, et pas pour rien ! Like A Dragon : Infinite Wealth est l’un des JRPG les plus costauds que j’ai pu découvrir de ma vie (oui, oui), aussi bien en terme d’histoire (toute traduite en français) que de gameplay et de contenu. Je ne veux surtout pas dévoiler des éléments importants de l’intrigue, mais je dois tout de même revenir sur l’excellence de l’écriture… malgré quelques petits défauts inhérents à un tel projet pharaonique. L’aventure, toujours aussi équilibrée entre gros humour, thématiques sociales étonnamment intelligentes, et moments épiques dignes d’un Yakuza Eiga rencontrant le cinéma d’action asiatique, va dans une direction qui va étonner. Sans mettre de côté la partie purement délirante, comme en témoignent les activités annexes (j’y reviens plus bas), on a droit à un développement se dirigeant vers l’émotion, le dramatique. On retrouve donc Ichiban Kasuga, devenu conseillé au France Travail du coin afin d’aider les anciens yakuza à retrouver du travail, alors que les clans sont désormais décimés. Seulement voilà, notre héros à l’indécrottable coupe afro va se retrouver dans la mouise suite à un bon gros reset bien typique de notre époque. C’est ici que d’anciennes connaissances vont lui confier une mission l’intéressant particulièrement : retrouver sa mère, qui aurait été vue à… Honolulu. Direction Hawai donc, où les choses vont évidemment dégénérer, entre complots, gangs locaux, sectes et ambiance crépusculaire. Car nous retrouverons aussi Kazuma Kiryu, et je n’en dirai pas plus mais sachez que sa trajectoire va vous bouleverser dans la seconde partie de l’histoire, et ce jusqu’au générique de fin. Bravo aux équipes, c’est une très grande réussite même si la division de l’action, entre Hawai et Japon, peut parfois freiner le rythme.
Le scénario fait intervenir une grande partie des personnages ancrés dans la licence, mais aussi les nouveaux venus. J’étais inquiet de ce côté all-stars, car il fallait garder une cohérence du gameplay. Rassurez-vous : non seulement la prise en mains est optimale, mais surtout l’ensemble des systèmes forme un résultat purement jouissif. Like A Dragon : Infinite Wealth est un véritable bijou, que ce soit dans les combats, le suivi des missions et l’exploration. Tout est organique, tout a de l’intérêt pour le joueur, à tel point qu’il est même difficile de prioriser quoi que ce soit. La base, elle, est installée depuis le précédent opus : des combats certes au tour par tour mais hyper nerveux, un modèle du genre. Il faut toujours faire attention aux forces et faiblesses des ennemis, tenter des attaques directes ou zonales, se déplacer afin de tenter une attaque dans le dos, calculer la possibilité d’envoyer valser l’ennemi sur d’autres afin de créer des dégâts à la chaine, etc. On retrouve aussi le concept de jobs, toujours aussi efficaces et bien diversifiés, permettant d’apprendre de nouvelles capacités. Tout le système d’armes à crafter, à améliorer, est aussi de retour, tout comme le focus sur la personnalité d’Ichiban (et de Kiryu) afin de maximiser les statistiques, sans oublier les liens d’amitié à développer. Si le socle est clairement de l’ordre du déjà installé, il faut aussi s’attendre à de très belles surprises, surtout du côté d’un Kiryu parfaitement équilibré entre tour par tour et action, notamment grâce à une spécificité que l’on débloque assez tard pour que ce soit surprenant et renversant. Je n’en dis pas plus, mais c’est là encore jouissif au possible. Surtout que les développeurs ont particulièrement travaillé sur la courbe de difficulté : c’est lisible, certes avec des moments dédiés au levelling mais surtout bourré d’infos concernant la force des ennemis et des avertissements afin de préparer les joueurs à un gros challenge à venir. Bon sang, comme c’est agréable !
Un contenu d’une richesse hallucinante
Mais ne pensez pas que RGG n’ait mis le paquet que sur le système de combat. Car Like A Dragon : Infinite Wealth est surtout l’un des (le ?) JRPG les plus impressionnants en terme de contenu. Entre Japon et Hawai, les lieux sont remplis d’activités à découvrir, parfois avec autant de temps à investir qu’un véritable jeu. Oui, on retrouve tout ce qui est jeux de cartes, fléchettes, karaoké (pas terrible dans la précision, surtout en sortant d’un Theatrythm Final Bar Line), baseball, etc. On a aussi les jeux d’arcade, peu nombreux cette fois-ci mais bien sélectionnés (Virtua Fighter 3tb, Sega Bass Fishing et Spike Out). Entre nous, vous n’y jouerez pas beaucoup. Les quêtes annexes sont hypers bien écrites et nombreuses, mais ce sont surtout d’autres activités qui m’ont fait halluciner Tout d’abord, vous avez évidemment droit à un smartphone, sur lequel on retrouve la possibilité de prendre des photos précises dans les différents quartiers afin de remporter des récompenses, appeler un taxi, ou encore retrouver le Sujidex. Aussi, on peut développer un réseau social en rencontrant des passants, ce qui « humanise » d’ailleurs la foule, une très bonne idée. C’est à partir de là que ça devient monstrueux. Le concept de Sujimon, né avec le septième opus, prend une dimension dingo : on a carrément tout un système se rapprochant clairement de Pokémon, avec des adversaires à capturer, faire évoluer puis combattre dans une ligue développant sa propre histoire. On a aussi une activité de drague, l’hilarant Miss Match, sorte de Meetic sauce Yakuza où l’on pourra collectionner des photos un brin sexys. Mais ce n’est pas tout, oh que non ! Vous pourrez aussi vous lancer dans une sorte de Crazy Taxi hyper bien troussé, ou un Pokémon Snap totalement maboule avec des exhibitionnistes à immortaliser sur pellicule. Tout ça est déjà ubuesque, mais il faut encore ajouter l’un des contenus annexes les plus gargantuesques jamais découverts : Dondoko Island. Pour faire simple et ne pas trop vous spoiler, il s’agit d’une sorte de mélange entre Animal Crossing et un Sim City japonisant. De la folie pure.
Like A Dragon : Infinite Wealth fait date, il démontre que laisser du temps aux développeurs est la meilleure manière d’obtenir un jeu solide au possible. La durée de vie est sensationnelle. Si l’histoire principale se termine en soixante heures, ajoutez cent de plus afin de presque tout voir. Oui, vous avez bien lu. Par contre, et c’est sans doute ce qui m’empêche de terminer ce test par une note parfaite, le new game plus n’est disponible qu’en DLC. Quel dommage, alors que tout jusqu’ici démontrait une générosité sans faille ! Mais pas le temps de s’appesantir sur ce regret, car la technique vient me replonger dans les félicitations. Le Dragon Engine donne des résultats presque parfaits, même si j’ai rencontré quelques petites baisses de framerate. Hawai est bourré de détails, et l’on a même droit, pour la première fois, à des conditions climatiques changeantes. Oui, de la pluie, et prise en compte par la population. Les animations, les visages rendant idéalement les sentiments, les textures riches au possible, tout m’a séduit. Enfin, l’ambiance sonore reste à un niveau stratosphérique, avec une belle spatialisation (jouez au casque !), la possibilité d’une playlist à garnir selon nos découvertes de CD sur le terrain, et un doublage japonais particulièrement soigné. Bref, c’est une merveille, et le temps passé sur ce grand hit figurera clairement comme l’un des meilleurs moments ludiques de cette année 2024.