La trilogie de Roto prend fin avec un chef-d’œuvre
Après avoir découvert les racines de la légende Dragon Quest, avec deux jeux qui ont imposé des codes devenus cultes, il est temps d’aborder le soft qui a tout bouleversé : Dragon Quest III. Si Dragon Quest I et Dragon Quest II furent déjà de grands succès populaires, la renommée de ce troisième opus les dépasse de loin.
Considéré par les fans de la série comme le meilleur épisode de la saga, ou du moins le plus important, Dragon Quest III est effectivement mémorable à plus d’un titre. Les anecdotes se multiplient autour de ce jeu culte, comme celle, incroyable quand on connait la sociologie japonaise, de l’absentéisme (aussi bien à l’école que dans les entreprises) qu’a provoqué le sortie de ce grand RPG japonais, le jour de sa parution. Plus de trente ans plus tard, on peut enfin y jouer dans de bonnes conditions, sur Nintendo Switch, grâce au travail de Square Enix qui, en ce moment (et notamment l’annonce d’un HD-2D Remake qu’on n’en peut plus d’attendre), exploite admirablement son impressionnant catalogue.
La réussite que représente Dragon Quest III n’est pas anodine. Elle se construit sur plusieurs éléments courageux, dont le premier n’est autre que le scénario. Cet opus clôt la trilogie dite de Roto, mais pas en prenant la suite directe de Dragon Quest II. Le jeu ici abordé opère un bond dans le temps… mais vers le passé. Eh oui, il est grand temps d’incarner le fameux Roto, ou Erdrick dans la traduction anglaise. Du haut de ses seize ans, notre jeune héro va voir s’accumuler la pression autour de lui. En effet, il n’est autre que le fils d’Ortega, héro local mort au champ de bataille devant l’ignoble Baramos. Ce dernier est toujours actif, et déverse ses monstres sur le Royaume d’Aliahan.
Dragon Quest III est une grande épopée
Pour sauver Aliahan, il va falloir partir à l’aventure, une quête qui va se doubler d’une vengeance personnelle. Ce synopsis va prendre une ampleur jamais vue dans la licence jusqu’alors, notamment quand le véritable ennemi va être exposé en plein jour. Mais chut, le reste est une surprise, bien enrobée d’une écriture soignée. Signalons ici que la traduction est uniquement assurée en anglais. Et il vous faudra un niveau de maitrise au moins moyen pour vous en sortir. Sinon, armez-vous d’un traducteur, il sera utile, car Dragon Quest III utilise une grammaire soutenue.
L’histoire de Dragon Quest III se vit comme une grande épopée, et elle est parfaitement soutenue par un gameplay qui, encore aujourd’hui, fait office d’exemple à suivre. Si les habitués de la série retrouveront le système de combat traditionnel, qui ne bouge pas d’un iota, ils ont tout de même droit à la première incursion de la licence dans le système de jobs. Oui, celui-là même que l’on retrouvera notamment dans l’énorme Dragon Quest VII. Ici, il est déjà presque poussé à son paroxysme, preuve irréfutable que le duo formé par Yuji Horii et Koichi Nakamura ne s’embarque jamais dans des modifications pouvant porter atteinte au pur fun.
Un équilibre de gameplay exemplaire
Cette version de Dragon Quest III étant basée sur celle sortie sur smartphone, on retrouve sept classes (guerrier, mage, prêtre, sage, marchand, fou du roi et voleur), en plus de celle du héros, que votre avatar se voit imposer, et lui seul. Ces jobs s’appliquent à vos coéquipiers, jusqu’à trois, que vous pourrez recruter à la taverne. L’équilibre du gameplay s’avère assez fou pour un jeu datant de la fin des années 1980, chacun des métiers étant accompagné de sa propre courbe de progression.
On passe du temps à bien tout expérimenter, afin de trouver la composition d’équipe à même de vous permettre de survivre dans ce monde hostile. Si la difficulté de cette version de Dragon Quest III est moins cruelle que sur Nes, elle reste tout de même bien présente, et surprenante pour qui, par exemple, a retourné l’excellent Dragon Quest XI. Il va falloir passer par des phases de levelling intenses, sous peine de vous voir balayés par le moindre boss. On vous conseille, d’ailleurs, de ne surtout pas tout miser sur la force physique.
Le système de jobs reste d’une solidité hallucinante
Si tout miser sur la puissance peut vous faciliter la vie dans les premières heures, vous comprendrez vite votre erreur quand il faudra faire face à des ennemis bien plus sensibles à la magie. Et le job fou du roi, s’il est d’un intérêt faible pour le combat, mérite que le joueur se penche sur son cas : il permet de gagner des objets très rares. Ainsi, Dragon Quest III est bien plus stratégique que ses prédécesseurs. Et difficile. Le joueur se doit parfois d’accepter le game over, qui apparaîtra plus que de raison, surtout dans la deuxième partie du cheminement.
Dragon Quest III embarque aussi une autre nouveauté qui fait date : le cycle du jour et de la nuit. Et ne pensez surtout pas qu’il est simplement cosmétique : cela implique un changement drastique des monstres présents sur le terrain. Cela peut aussi avoir une incidence dans les villages, avec des dialogues qui changent, ou des endroits accessibles uniquement à certaines heures. Certes, aujourd’hui cela n’est plus rare, mais rappelons qu’on est en 1988 et que, si le procédé n’est pas tout à fait original (il était déjà apparu, notamment dans Castlevania 2), c’est bien la première fois qu’il revêt une telle importance.
Dragon Quest III est toujours culte de A à Z
Si les deux premiers opus étaient impressionnants en terme de contenu, pour des jeux des années 1980, Dragon Quest III va bien, bien plus loin. Enfin, on retrouve les médailles, et les quêtes annexes sont en nombre plus élevé. Cela accouche d’une durée de vie solide (à l’époque, elle était carrément impressionnante), qui montera à plus de trente heures pour celles et ceux qui veulent le compléter jusqu’au moindre recoin. Certes, en 2021 cela peut prêter à sourire, mais il faut se rappeler du choc que cela fut lors de sa sortie.
Comme pour DQ I et II, Dragon Quest III se base sur le portage mobile du titre, à la seule différence d’un écran titre beaucoup plus beau. Aussi, on se doit de souligner que la jouabilité s’avère évidemment sans commune mesure avec celle de la version smartphone, son odieuse prise en mains tactile étant ici remplacée par le pad de la Switch. Techniquement, c’est du pixel tout à fait qualitatif, on se trouve un peu au-dessus de l’édition Super Nintendo, notamment dans le rendu des ennemis. Le travail d’Akira Toriyama sur le character design est au niveau du légendaire auteur de Dragon Ball : ses personnages dégagent du charisme à n’en plus finir. Côté musique, Koichi Sugiyama est en très, très, mais très grande forme. Certains morceaux sont si marquants qu’ils reviendront, de temps en temps, dans la suite de la licence.