Octopath Traveler 2, une perle du J-RPG
Rares sont les acteurs de l’industrie vidéoludiques comme Square Enix à avoir aussi bien compris l’importance d’un équilibre entre la modernité et la tradition. Depuis quelques années, l’éditeur-phare du RPG à la japonaise varie entre grosses productions très typées « AAA » (Forspoken, Final Fantasy VII Remake), les softs un peu plus confidentiels mais toujours en 3D (NieR Automata, Star Ocean : The Divine Force), et les jeux carrément rétro. Bien entendu, on retrouve une tonne de remasters, et c’est une bonne chose : la ludothèque de Square Enix est l’une des plus passionnantes au monde. Et, depuis peu, l’entreprise a aussi lancé la HD-2D, avec des titres originaux baignés de cette direction artistique ayant fait l’âge d’or du J-RPG. Octopath Traveler 2 en est d’ailleurs le plus beau des représentants, comme on va le voir dans ce test.
Avant de survoler, sans spoilers, le récit d’Octopath Traveler 2, il est bon de signaler que cette suite n’a absolument aucun lien scénaristique avec le premier opus. Ce chiffre second est uniquement motivé par le besoin d’ancrer l’expérience au sein d’une licence déjà connue, même si jusqu’ici exclusive à la Nintendo Switch. Désormais disponible aussi sur consoles PlayStation, le titre renouvelle non seulement son univers mais aussi ses personnages, tout cela n’a plus rien à voir avec le soft initial. Donc que les nouveaux venus se rassurent : ils font partie de la cible. Ils pourront eux aussi découvrir le monde de Celestia, et les huit personnages dont on se doit de découvrir les différentes destinées. Ces dernières, sachez-le, sont proposées entièrement avec des sous-titres français très soignés, respectant les différentes personnalités formant le groupe.
L’une des spécificités d’Octopath Traveler 2 est donc de projeter le joueur dans une histoire habilement morcelée, organisée en chapitres pour chacun des personnages, mais non sans un fil rouge prégnant. Celui-ci n’est autre que le protagoniste que vous aurez sélectionné en premier, et dont les aventures resteront centrales tout du long. Personnellement, j’ai opté pour Hikari, clairvoyant prince d’un Royaume autrefois belligérant mais aujourd’hui en proie à une guerre fraternelle de succession. Pourchassé par son odieux frère, et pourtant désigné par son propre père, l’avatar prend la fuite et doit organiser son retour qu’il espère triomphal. Eh oui, en allant chercher les sept autres personnages du casting. Mais bien entendu, si vous sélectionnez l’un des autres en premier, c’est bien ce cheminement qui prendra le dessus, avec là encore une motivation exemplaire afin de retrouver les autres, disséminés sur la map.
Huit scénarios exemplairement travaillés
L’un des exploits d’Octopath Traveler 2 est de ne surtout pas réduire les personnages non-sélectionnés à de simples faire-valoir. Certes ils rejoignent l’équipe autour du premier avatar, mais pas pour faire de la figuration. Le joueur pourra donc en découvrir là aussi les profondes motivations, avec un flashback initial afin d’en découvrir le premier chapitre. Les développeurs de chez Acquire (que l’on connait surtout pour la licence Tenchu) ont eu la divine idée de laisser le choix de lancer ou pas cette phase. Si vous désirez aller droit au but vous pourrez rejouer ce segment à l’auberge, quand bon vous semble. Mais les conflits sont si bien écrits que je vous conseille de les vivre au moment du recrutement. Le marchand Partitio, l’érudit Osvald, la danseuse Agnéa, la chasseuse Ochette, l’apothicaire Castti, le prêtre Temenos et la voleuse Throné : tous ont une raison profonde de quitter leur quotidien, de voyager dans le très beau monde de Celestia. Surtout, vous découvrirez que, si les différentes destinées n’ont pas d’anicroches au premier abord, tout cela changera au fur et à mesure.
Octopath Traveler 2 a donc tout du J-RPG scénaristiquement passionnant, mais il fallait encore que cette forme trouve un écho dans le fond. Celui-ci, évidemment, est le gameplay. Et pas de suspens : c’est là aussi une grande réussite. Le jeu s’organise autour de deux piliers : l’exploration et le système de combat. Le premier se fait par le biais de plusieurs écrans symbolisés sur la carte par des points d’intérêt. Comprendre par là qu’il ne s’agit nullement d’un monde ouvert mais d’une succession de zones de petites tailles. Ce qui ne veut pas dire qu’on y serait à l’étroit : les joueurs désirant farfouiller seront récompensés par des coffres, parfois bien cachés. On a aussi des villages un peu partout, et l’on pourra bien sûr y discuter et obtenir de meilleurs équipements. Mais ce n’est pas tout, car chaque personnage est accompagnés de compétences à utiliser directement sur les PNJ. On pourra en découvrir le background par exemple, ce qui aura parfois des effets gratifiants (remise à l’auberge, nouveaux équipements dans les magasins, ou objets à découvrir), mais aussi les provoquer en duel afin d’obtenir des compétences, ou encore les endormir, les guider d’un point à l’autre, les recruter, etc. Les possibilités sont énormes, et il faudra bien construire votre groupe (uniquement à l’auberge) afin de profiter des meilleurs effets.
Le système de combat est l’un des plus agréables à ce jour
Grosse nouveauté d’Octopath Traveler 2, le cycle jour / nuit est là aussi un succès, doublé d’un bel exploit technique et ayant un impact direct sur le gameplay. On peut donc passer de l’un à l’autre à la volée, d’une simple pression de gâchette. L’effet est saisissant, l’environnement change du tout au tout, que ce soit en apparence ou dans la présence des PNJ. En dehors des villes, cette feature a aussi le don de modifier le bestiaire, celui-ci devenant plus puissant quand l’obscurité prend place. Les combats, justement, abordons-les. Ils sont, pour moi, le grand exploit de ce jeu qui n’en manque pas. On fait face à un bon vieux système en tour par tour, avec la possibilité de voir sur une frise quand les différents personnages et ennemis vont agir. Cela, bien entendu, afin de pouvoir agir en conséquence, et faire en sorte de retarder le plus possible les attaques adverses. Vous pensez que c’est classique ? Attendez un peu.
Tout comme dans les Persona, Octopath Traveler 2 met le paquet sur le principe de faiblesses ennemies. Chacun des adversaire est accompagné par un chiffre, et celui-ci sera diminué, ou brisé selon la terminologie du soft, si l’on frappe avec une arme ou une magie adéquate. Tout cela pourra être découvert en expérimentant, ou en ayant recours aux spécificités de l’érudit, dont l’une des capacités est de dévoiler un point faible à chaque combat (et d’autres à l’aide d’une compétence). Ah, et le jeu enregistre tout cela, on retrouve ces faiblesses indiquées sous l’ennemi une fois découvertes. Quand le chiffre est réduit à zéro, le monstre est sonné pendant un ou plusieurs tours, annulant au passage l’action en cours, ce qui est particulièrement utile quand les boss (tous homériques) préparent leurs énormes offensives. Autre gros élément : les points de boost. Si un personnage attaque, il en gagne un, et peut les cumuler jusqu’à six. L’intérêt étant de les déclencher afin de frapper plusieurs fois, jusqu’à quatre. Vous comprenez de suite l’intérêt pour le système de faiblesses. J’ajoute les spécificités de chacun des combattants, tous ayant une attaque spéciale bien distinctes, et des capacités propres. Par exemple, et pour bien comprendre la profondeur du gameplay, Ochette peut recruter des monstres pour qu’ils attaquent à sa place. Oui, comme dans un Pokémon. Tout cela accouche de batailles jouissives, et l’on peut alors se lancer dans du leveling avec un grand plaisir.
Une énorme durée de vie, et une technique éblouissante
J’ajoute des PC à glaner en fin de combat (tout comme de l’expérience et de l’argent), à dépenser dans un arbre pour chacun des personnages, avec à la clé des compétences actives ou passives. Vous en voulez plus ? OK, attendez de débloquer le deuxième job, permettant non seulement de s’octroyer de nouveaux types d’armes mais aussi de nouvelles compétences. La folie, et ce n’est pas tout. Octopath Traveler 2 offre non seulement des quêtes principales, mais aussi annexes, et pas qu’un peu. Elles sont pour la plupart plutôt bien écrites, même si vraiment courtes, et sont récompensées avec équilibres. Et la rejouabilité se veut évidemment énorme. Tout cela forme une durée de vie très conséquente : le premier run demandera au moins soixante-dix heures, et au moins une centaine pour qui veut tout compléter.
Pour terminer ce tour de tableau déjà dithyrambique, impossible de ne pas se passionner pour la technique d’Octopath Traveler 2, mais aussi sa direction artistique. Le soft est parfaitement fluide sur PlayStation 5, et la magie du changement d’horaire sans aucun temps de chargement (idem pour les voyages rapides) opère à fond les ballons. Aucun bug, ergonomie des menus, Acquire rend une copie d’une propreté admirable. Tout cela, donc, complété d’une DA grandiose. La HD-2D, qui vise donc à élever la 2D grâce à de fins éléments en 3D, atteint ici des sommets. Les avatars, leurs expressions clairement en forme d’hommage aux J-RPG d’antan (quand il ne fallait pas des expressions faciales pour un oui ou pour un non), sont parfaitement proportionnés, cela dans un univers au pixel art grandiose. Je ne compte plus les panoramas impressionnants, faisant naitre autant d’émotions inoubliables. Et la musique n’est pas en reste, grâce à une bande originale sublime signée Yasunori Nishiki. Des thèmes qui deviendront cultes, c’est certain, surtout qu’ils sont travaillés pour coller au cycle jour / nuit, avec donc des variations selon l’heure. Enfin, je vous conseille fortement d’opter pour le doublage en japonais, interprété avec une justesse indéniable.