Mato Anomalies, l’élève (un peu trop) appliqué
Ce début d’année 2023 est décidément bien fourni en terme de sorties J-RPG. Entre Octopath Traveler 2, Atelier Ryza 3, ou encore l’énorme compilation Final Fantasy Pixel Remaster (et en attendant FF XVI), les fans ont de quoi faire. Et c’est au milieu de cette saine agitation que nous vient Mato Anomalies, dont l’existence était clairement passée sous mes radars. Et il nous provient d’une contrée très en vogue en ce moment dans l’industrie du jeu vidéo : la Chine, Shanghai plus précisément. Alors, le studio Arrowitz, qui bénéficie ici d’une belle édition signée Prime Matter, est-il capable de se hisser au rang des bonnes surprises ? Oui, c’est encourageant, même s’il y a encore du travail pour atteindre le niveau supérieur.
Le studio Arrowitz s’est lancé en 2016 dans le but de créer des expériences en réalité virtuelle, avec un certain Beats Fever passé inaperçu. Depuis, l’entité a modifié son approche, et s’est recentré sur la volonté de réaliser des softs à l’histoire importante. Et vu l’échec stratosphérique du PlayStation VR 2, signant d’après moi la mort inévitable de cette technologie trop chère et peu amusante, on peut dire que ces développeurs ont eu le nez creux. Aujourd’hui, les voilà aux commandes d’un J-RPG dont l’univers se situe quelque part entre Shin Megami Tensei III et Soul Hackers 2, le tout nappé de visual novel. Première bonne nouvelle, l’histoire fonctionne très bien, avec certes un classicisme assumé mais surtout une écriture soignée. Le joueur incarne le détective privé Doe, dans un univers alternatif et futuriste. La ville de Mato est en proie à un étrange mal, la Neuromatière, et nous voilà sur la piste de ce phénomène. Tout converge vers un gros container, mais l’ouvrir ne sera pas la solution : cela projette notre personnage dans l’Antre, une dimension parallèle peuplée de monstres et dans laquelle les Chaman essaient de combattre. Tout cela va fort bien se développer, c’est clairement la plus grande des satisfactions de ce Mato Anomalies. Surtout que, seconde bonne nouvelle, les sous-titres sont proposés en français. Un luxe qui en encouragera plus d’un à tenter cette aventure très textuelle.
Mato anomalies est certes un visual novel dans sa narration, il n’en reste pas moins un vrai J-RPG avec un gameplay bien typique de ce genre de production. La prise en mains se divise en deux parties distinctes : celle du monde normal, et celles des Antres, ce qui signifie aussi un monde semi-ouvert, donc proposant plusieurs zones plus ou moins grandes à parcourir. Dans Mato, Doe est un pur détective, et il va devoir récolter des informations auprès de PNJ. Cela se fera en les persuadant de vous confier leurs secrets, et c’est ainsi que débute une activité certes tout à fait efficace mais un peu redondante à la longue. Il s’agit d’un mini-jeu de carte très simple dans l’esprit : on a un deck et il va falloir réduire la défense ennemi à zéro. Attention cependant à ne pas sous-estimer les sortes de bestioles qui accompagnent les adversaires, ceux-ci leurs apportent des bonus que l’on peut donc annuler en les battant. Cela manque un peu de profondeur, et surtout la décision de nous proposer de « passer » le combat au bout de trois tentatives infructueuse dénote un manque de confiance en son propre concept. Dommage, car dans les faits la mécanique fonctionne et aurait mérité un peu plus de développement.
L’univers est la grande qualité de ce RPG généreux
Une fois dans les Antres, en fait des donjons à la superficie un peu limitée, Mato Anomalies récite ses leçons avec un peu trop d’exactitude. On est alors accompagné d’autres personnages, tout d’abord un certain Gram puis d’autres venants apporter des spécificités. Oui, c’est une sorte de système de classes, impliquant par exemple des forces purement offensives, une tendance aux soins, etc. Aussi, chacun d’eux dispose de deux armes, chacune ayant évidemment leurs utilité selon les adversaires. Le système est un tour par tour, avec temps de recharge et, seule véritable originalité, des points de vie partagés. Notre équipe n’a donc qu’une seule jauge, et c’est une idée intéressante tant cela créé du stress notamment dans les phases de boss. Par contre, la difficulté assez légère (le mode Hard règle ce souci, bon challenge) ne met pas vraiment tout cela à l’épreuve. D’autant plus qu’avec le temps, on débloquera des bonus grâce à deux arbres de compétences (pour chaque personnage). D’ailleurs, l’impression d’évolution est un autre bon point du soft : j’ai aimé les talents de chaque arme à débloquer selon notre utilisation, sur le modèle de ce que faisait, en son temps, un Secret of Mana. Tout cela assure du fun, mais j’aurai aimé une feature un peu plus folle afin de rendre l’expérience unique.
On sent, tout du long et malgré le classicisme ambiant, un générosité marquée. Mato Anomalies propose un joli contenu, entre son histoire principale, ses quêtes annexes (parfois importantes pour la bonne compréhension de l’univers), ses donjons aléatoires. Tout cela assure une durée de vie d’une quarantaine d’heures pour qui veut tout voir. Ce n’est certes pas le résultat le plus long pour le genre, mais c’est suffisant pour ce cas précis. Techniquement, le titre est plutôt agréable pour une production à humble budget. La ville profite d’une excellente direction artistique, et j’ai été charmé par les cutscenes stylées bande-dessinée. Par contre, on ne peut pas échapper à un certain vide des environnements, des textures un peu datées, et des animation raides. Mais rien de vraiment choquant, à vrai dire, tant l’ambiance du jeu est une grosse satisfaction. Quant à la musique, elle souligne cette atmosphère cyberpunk de bien jolie manière. Enfin, sachez que les voix sont disponibles en anglais, japonais et chinois. Et c’est bien cette dernière solution qui m’a paru la plus juste.