Street Fighter 6 : rien que pour le combat
Comment ne pas débuter ce test autrement qu’en se replongeant dans des souvenirs tous plus précieux les uns que les autres ? Street Fighter 6, son aura déjà énorme, ne sort pas de nulle part. Il est le résultat d’un cheminement débuté en 1987, et jalonné de grands hits qui ont notamment façonné ma passion pour le jeu vidéo. Je me souviendrais toujours, lors de vacances à Saint-Jean-de-Monts au début des années 1990 : la découverte d’une borne d’arcade, avec mon père qui me payait les parties et, voyant ces personnages se mettre sur la tronche, finir par me rejoindre dans des soirées presque sans fin. Ensuite, et sans être un grand pro du genre, « Street » a accompagné toute mon adolescence, que ce soit les Alpha ou l’arc III, en passant par le sous-coté Ex Plus Alpha. Puis, plus rien jusqu’à 2009 et le très bon Street Fighter 4. Je bossais alors à l’usine, et l’on avait organisé une soirée tournoi au sein de la salle de pause avec des collègues, souvenir incroyable. Le cinquième opus marqua un tournant : bordélique avec ses multiples mises à jour, et pas très bien équilibré à sa sortie. Alors, où en est cette énorme licence ?
Tout d’abord, bonne nouvelle : Capcom semble avoir tiré des leçons de la sortie assez chaotique du précédent opus. Le contenu est bien au rendez-vous, notamment l’enrobage scénaristique. Alors, entre nous, je ne suis pas hyper fan des mode scénarisés trop intrusifs dans les jeux de combat, comme ceux des récents Mortal Kombat. Principalement car ça prouve, en général, le peu de talent d’écriture chez certains studios. Est suffisant un petit développement du lore, un peu de délire léger, le reste appartient à la foire d’empoigne. Street Fighter 6 veut aller plus loin en partie à ses risques et périls. Si le mode Arcade reste dans les clous du récit personnalisé pour chaque combattant, cet opus introduit le World Tour qui, sur le papier, est une sorte de développement de ce qu’on voyait sur la map de Street Fighter 2 entre chaque duel. La volonté affichée est de plonger le joueur dans un monde semi-ouvert, au sein duquel il évoluera sous les traits d’un avatar personnalisé. On ne va pas se mentir, l’histoire est bidon, les personnages secondaires mal écrits, et les missions secondaires très répétitives. L’intérêt est ailleurs, dans les innombrables clins d’œil à d’autres licences de Capcom, et surtout dans son gameplay.
Car je dois être franc : toute la surcouche d’écriture et même artistique, me laisse de marbre. On sent qu’il faut désormais plaire aux américains, avec des options de personnalisation assez lunaires sur lesquelles je ne reviendrais pas car, finalement, c’est totalement anecdotique. Personne ne jouera parce qu’on peut créer un personnage gender fluid. Par contre, la prise en mains est incroyable, donc concentrons-nous là-dessus. Je vous conseille de débuter Street Fighter 6 par le World Tour car, après une introduction assez courte, il s’agit de la meilleure manière de faire jouer la courbe de progression. C’est ici que les habitués découvriront les différents modes de gameplay. Ils sont trois. Classique, donc toujours avec les quarts de cercle et autres manipulations. Moderne, qui propose des combinaisons de touches pour lancer le moindre hadoken. Et Dynamique, dont l’existence se destine aux plus débutants tant tous les coups sortent simplement en tapotant au pifomètre. Une ouverture bienvenue, même si je me demande si ça poussera les novices à passer des caps. On verra avec le temps. En tous cas, sachez que le premier chapitre du World Tour vous imposera d’opter pour l’option Moderne… et c’est une bonne chose. Car, contre toute attente pour ma part, cette feature fonctionne remarquablement, en permettant de simplifier la lecture de l’action adverse. Les nouveaux venus pourront un temps mettre de côté les manipulations pour se concentrer sur les frames d’ouverture et de fermeture, c’est très intelligent au fond.
Le World Tour est la grande star du jeu
World Tour vous permettra de défier des PNJ en faisant attention à leur niveau (indiqué sur l’ATH, bien heureusement). Oui, « niveau », car comme un RPG plus vous combattrez, plus vous engrangez de l’XP, et plus vous aurez accès à du contenu de personnalisation qu’il soit cosmétique ou plus fondamental. On pourra aussi atteindre de nouvelles zones, explorer de plus en plus profondément des zones parfois étonnamment vastes pour ce genre de jeu. Au sein de celles-ci, on pourra aussi se confronter à de grands maîtres sous les traits des personnages historiques de la série, dans le but d’en apprendre les mouvements et de les ajouter à notre bon vouloir au panel de l’avatar. Très sympathique. Je vais oser : j’ai même pris plus de plaisir dans le roleplay de Street Fighter 6 que dans celui du pauvre Final Fantasy XVI. Entre le smartphone permettant de récolter moult informations, des défis, des choses à collecter, vous aurez de quoi faire et, surtout, prendre le soin de respirer entre deux combats. Certes, cela manque encore un peu de liant, et la direction artistique très vilaine (j’y reviens un peu plus bas) porte un peu atteinte au trip, mais on ne peut qu’encourager Capcom à se concentrer sur ce contenu à l’avenir. Ce qui sera d’ailleurs le cas puisque, c’est officiel, les futurs DLC auront un impact dans ce mode.
Au-delà de ce World Tour bien agréable pour tout fan de la licence et de Capcom, Street Fighter 6 livre un contenu solo plus qu’honorable. Réunis dans le Fighting Ground, les modes Arcade et Entrainement, sont deux gros, gros passages obligés. Le premier, c’est un peu le rendez-vous classique du versus fighting, un tournoi propre à chacun des combattants avec une petite histoire légère pour chacun. Avec pas mal de surprises à la clé, si vous aviez aimé les phases de destruction de bagnole dans SF2 vous serez autrement servis. L’Entrainement est certainement le plus abouti à ce jour, il est exemplaire en tous points. On apprend les spécificités de chacun des personnages, leurs meilleures manières d’aborder d’adversaire, grâce à des actions à réaliser mais aussi des textes très bien écrits, drôle et complets. Et ne pensez pas que seuls les novices en auront besoin, car il existe trois niveaux de difficulté et même l’expérimenté pourra apprendre. C’est aussi dans le Fighting Ground que l’on trouve le multi classique en local ou en ligne, des défis etc. Enfin, il reste un troisième domaine : le Battle Hub. Une sorte de salle d’arcade intégrée, où l’avatar du mode World Tour pourra découvrir d’autres joueurs, d’autres parties, comme s’il attendait sa place à la borne. Le but ici est de mettre en avant l’aspect social : on peut communiquer par le biais d’animations, obtenir de nouveaux objets cosmétiques dans des boutiques, se lancer dans des tournois organisés, et même avoir accès à des jeux de Capcom parfaitement émulés comme Final Fight. Certes, c’est un peu triste de se dire qu’on doive lancer un jeu pour retrouver l’ambiance de l’arcade, ça tourne presque définitivement la page et ouvre celle du métavers. Mais bon, il faut vivre avec son temps… malheureusement.
Gameplay hyper agréable, mais direction artistique clivante
Reste évidemment à aborder le gameplay de Street Fighter 6. Sans trop entrer dans des détails qui intéresseront surtout les plus pointus d’entre nous (et je n’en suis pas), il faut tout d’abord préciser que le roster embarque pour le moment dix-huit combattants que voici :
- Ryu
- Ken
- Chun-Li
- Cammy
- Luke
- Jamie
- Manon
- Kimberly
- Marisa
- Lily
- JP
- Juri
- Dee Jay
- E. Honda
- Blanka
- Guile
- Zangief
- Dhalsim
Ce n’est pas le casting le plus nombreux jamais vu dans un versus fighting, mais au moins on ne compte pas de copié/collé avec skin différente, n’est-ce pas Dragon Ball FighterZ. Et côté petits nouveaux, j’ai adoré le style ninja de Kimberly. On retrouve pas mal de sensations nées avec les deux précédents opus, on se remémore assez vite les différentes force des coups, les supers arts, les prise etc. Là où Street Fighter 6 propose de la nouveauté, c’est dans la jauge de Drive, divisée six barres. Celle-ci peut déclencher cinq Drive différents : Rush, Reversal, Impact, Overdrive et Parry. Chacun offre une intensité plus puissante selon le besoin du joueur face à une situation. Par exemple, lancer un Rush permet de se rapprocher presque instantanément de l’adversaire. Comme la jauge se remplie automatiquement, on aurait pu redouter un gros déséquilibre et des combats en forme de bordel généralisé. Heureusement ce n’est pas le cas car, intelligemment, Capcom a pensé à un malus quand le joueur vide totalement la jauge. L’avatar passe alors en Burnout pendant lequel il est beaucoup plus sensible aux coups. Globalement, cet épisode garde la philosophie du « chaque match peut tourner à n’importe quel moment », et c’est à féliciter.
Jusqu’ici, tout va bien. Mais il va falloir aborder la direction artistique de Street Fighter 6, la seule véritable ombre à ce tableau bien reluisant. Avant de lâcher les chevaux, il est nécessaire de préciser que le RE Engine permet une pure technique irréprochable. Pas de ralentissements, de belles animations, des textures détaillées, des effets de lumière impressionnants.Tout cela est indéniable. Par contre, les designs des combattants sont, à mes yeux, assez hideux. On est dans du mauvais goût sur toute la ligne, assumé, et clairement je me demande si l’emprise du public américain ne porte pas atteinte à cet univers. Les couleurs agressent les rétines, on se croirait dans un des nouveaux magasin Lacoste ou un Desigual, c’est vulgaire et parfois handicapant tant on se prend à soupirer devant la laideur à l’écran. Ce reproche se prolonge dans l’OST très embarrassante. Alors que tout le monde peut toujours siffloter les anciens et très cultes thèmes, le virage vers le rap dans ce qu’il a de plus immonde forcera certains à couper le son. Vraiment, je regrette la magnifique 2D d’un Street III 3rd Strike, certes déjà fofolle dans le chara design mais autrement plus inspirée et classe.