Stranger of Paradise : Final Fantasy, bien plus qu’un Souls-like
On ne peut pas dire que l’E3 2021 fut un grand moment pour l’industrie du jeu vidéo : le COVID a forcé l’événement à se dématérialiser, et les différentes conférences nous ont poliment ennuyées. Et pourtant, quelques annonces semblaient surnager dans cette édition austère. C’est le cas de Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin, dont les premières images ne promettaient certes pas une énorme claque technique, mais diffusaient assez d’audace pour captiver notre curiosité. Alors, que donne ce spin-off de l’une des licences phares de Square Enix ? Loin du simple Souls-like, ou même du Nioh-like puisque le soft est signé par la Team Ninja, on découvre un titre imparfait sur quelques points, mais surtout bourré de charmes.
Oui, la mode est aux Souls-like, d’autant plus que l’énorme Elden Ring est entrain de donner un second souffle au genre. Dès lors, il était tentant de résumer Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin comme un simple ersatz. Mais les faits sont bien plus subtils. Tout d’abord, il faut s’arrêter sur l’emballage scénaristique. Ici, pas de minimalisme à la Demon’s Souls, mais un véritable background, pensé pour les fans de la licence (n’oublions pas qu’elle fête ses tente-cinq ans cette année !). Et des personnages très écrits, caractérisés parfois à la truelle mais au moins mémorables. Le soft se déroule dans le monde du tout premier opus, ce qui est à la fois courageux et très intelligent. Ce dernier, que nous avons testé dans sa version Pixel Remaster, allait droit au but dans son récit, sans trop développer son univers. On avait les Guerriers de la Lumière, l’ennemi Chaos, et globalement pas grand chose afin d’étayer tout cela. Eh bien, on pourra désormais combler les vides, et avec un soin surprenant.
Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin nous présente un trio de personnages (rejoint assez vite par un quatrième larron), des soldats de haute puissance, mais aussi à la provenance mystérieuse. Jack (notre avatar), Ash et Jed débarquent dans la ville de Cornélia, afin de discuter avec le roi. Le but, obtenir l’autorisation d’aller combattre Chaos, lequel menace d’envahir tout le Royaume. Si l’obsession de Jack, qui cache évidemment une motivation que l’on ne vous dévoilera surtout pas dans ces lignes, pousse déjà le souverain à répondre positivement, un autre fait l’emmène à considérer la requête. En effet, la princesse Cordelia s’inquiète grandement pour Garland, un homme qu’elle a envoyé combattre voilà dix ans, armé d’un cristal sombre, et qui n’est jamais revenu. Bien entendu, le cheminement nous permettra de faire la lumière sur cette disparition, mais aussi la personnalité de notre avatar, dont la provenance est d’un autre monde…
Si Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin ne brille pas par sa méthode de narration, très classique dans l’ensemble avec des cinématiques intervenant à rythme régulier, l’on est tout de même emballé par l’idée directrice qui traverse le jeu. Oui, la promesse de revisiter certains des lieux du premier FF est tenue, et même plus que ça. On ne vous en dit pas plus, mais les clins d’œil aux autres épisodes sont aussi de la partie. Et ce même s’il faudra se contenter des donjons, puisque ce spin-off ne permet pas de se balader dans les villes. C’est d’ailleurs le principal regret que nous émettons face à cette expérience, qui feint de proposer un peu de J-RPG via des dialogues insipides à déclencher dans un menu. Et non en parlant directement avec les habitants ou les marchands. Triste, mais plus ou moins cohérent avec le genre très action dans lequel le soft s’inscrit. Toujours est-il qu’il nous plaît de parcourir ce monde avec plus de détails qu’auparavant, et même une sorte de tonalité entre le méta et l’humour grinçant parfois déroutante. Le tout sous-titré en français bien entendu, avec quelques soucis de timing à la clé. Espérons qu’un patch vienne corriger ce léger désagrément.
Les fans aimeront le soin apporté au background
C’est donc avec surprise qu’on a plutôt bien dégusté l’histoire de Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin, et le gameplay suit le même destin. Avant toute chose, et parce que le sujet fait grand bruit chez beaucoup de joueurs avec le choc Elden Ring, il faut parler de la difficulté. Non, on n’est pas sur du FromSoftware brut de décoffrage à la Sekiro. Loin de là. D’ailleurs, Team Ninja et Square Enix ont pris soin de proposer quatre niveaux de difficulté, histoire de pouvoir être pratiqué par un grand prisme de joueurs, aussi bien novices que confirmés. Tout en sachant que l’on peut changer de mode en cours de cheminement, ce qui permettra d’ailleurs d’obtenir un meilleur loot au passage. On a donc les modes Sureté, Flegme, Frénésie et Furie. Le premier étant clairement imaginé pour suivre avant tout l’histoire, sans aucun challenge dans les combats. Et le dernier se situant à peu près dans ce que le second Nioh faisait. Entre les deux, chacun pourra donc trouver sa voie, et c’est une bonne chose.
Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin se rapproche des Nioh de par l’exigence demandée pour la préparation des attaques, et la connaissance des patterns. D’ailleurs, l’on peut décrire le socle de gameplay comme ceci : un jeu d’action rythmé, difficile mais pas insurmontable, parsemé d’éléments issus de FF. On retrouve aussi des sortes de feux de camp, permettant non seulement de se ressourcer mais aussi de faire réapparaître les ennemis, les potions limités Mais le soft prend tout de même ses distances avec Nioh et consorts, en se séparant de mécaniques bien installées comme l’endurance et la posture. En fait, le titre de Team Ninja va à l’essentiel dans son game design, comme pour s’accorder de petites originalité dans ce qui est un peu plus superflu. Une bonne idée, car cela a comme effet de donner de la personnalité à l’ensemble, exactement comme ce que fait Omega Force en appliquant la recette Dynasty Warriors sur d’autres licences (notamment Dragon Quest et Zelda).
Ainsi, l’on découvre un système de job (coucou Final Fantasy III), vingt-sept au total, tous accompagnés de leur propre arbre de compétence. C’est vraiment conséquent, et cela apporte d’ailleurs à la rejouabilité de Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin. Le système est assez complexe, il aurait pu gagner en prise en mains mais, décidément, Team Ninja a des progrès à faire de ce côté, un reproche que l’on formule à chacun de leur jeu. Mais tout de même, qui s’implique découvrira un ensemble de mécaniques bien complémentaires. Complémentarité étant un maître mot ici, puisque l’on peut sélectionner deux classes, lesquelles n’auront de cesse d’évoluer et même de gagner en niveau avec trois formes globales : Classique, Supérieur et Ultime. Bien entendu, tout cela est accompagné de différentes compétences propres aux différents jobs, qu’elles soient passives ou actives. Et, entre nous, l’on continue de préférer l’équilibrage de Team Ninja à celle de FromSoftware, avec une sorte de refus du refuge-cheat que sont les classes magiciennes. Ici, le combat est privilégié, ce qui nous semble pertinent avec le game design en lui-même.
Pas hyper beau, mais très tranchant dans son gameplay
Pour ce qui est des batailles, là aussi Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin nous satisfait. Comme nous l’écrivions, pas de jauge d’endurance, ni de posture. Cela accouche de sensations très tournées vers l’action, et jouer en mode Flegme rapproche même l’expérience vers le Beat’em all. Mais tout de même, l’efficacité de la rupture, ce moment où la garde ennemie explose en le laissant sonné, nous pousse à bien comprendre cette mécanique et à l’utiliser intelligemment. Ainsi, l’on a recours aux Illuminations, en faits des attaques spéciales propres aux différents jobs, utilisant des PM via une jauge qui se remplit de deux manières. Tout d’abord en exécutant un adversaire à l’aide d’une Explosion d’âme, sorte de finish him bien éructant à déclencher via un QTE, mais aussi en utilisant l’Égide spirituelle, en fait une garde qui absorbe l’attaque ennemie si le tempo est bon. Tout cela forme un gameplay bien nerveux, poussant à l’activité plutôt qu’à la subir. Par contre, on apprécie un peu moins la gestion des coéquipiers, dont l’intelligence artificielle manque de panache.
Un univers traité avec intérêt, un gameplay tranchant, il ne manquait plus qu’une exploration au niveau pour parfaire le tout. Malheureusement, Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin ne propose pas d’occasions de sortir des sentiers battus. Pire, le level design est globalement très plat, et même très linéaire à l’occasion. C’est vraiment notre principal regret concernant cette expérience qui, au-delà de cet élément, mérite votre attention (contrairement à d’autres gros titres sortis récemment, soit écrit en passant). On aurait adoré pouvoir se balader dans une Cornélia toute en 3D, et ce ne sera jamais le cas. Que le soft ne soit pas un monde ouvert ne nous déçoit pas, c’est plutôt ce refus de nous laisser vagabonder dans d’autres zones qui nous étonne. On a donc un enchainement de niveaux, tous à refaire pour qui looter pépère. Mais clairement, Team Ninja n’a pas voulu jouer la carte des à-côtés. Une décision soulignée par l’absence d’une mini-map, plutôt une bonne chose pour le sentiment de se perdre, mais intenable dans un titre laissant un semblant de liberté.
Cela n’impacte pas vraiment la durée de vie de Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin, plutôt dans la moyenne haute pour un jeu de ce genre. Comptez bien vingt heures pour terminer l’histoire principale, et une quarantaine pour tout voir dans un run. En sachant, donc, que la rejouabilité est excellente. De plus, le soft peut compter sur un endgame bien costaud, surtout grâce au renfort du mode Chaos, pensé pour les joueurs désirant se faire du mal bien. Enfin, l’aspect visuel confirme nos premières impressions, lors de l’E3 2021. La technique est donc assez datée, surtout dans les textures. Cela ressort encore plus lors de certaines cutscenes, avec en plus des animations raides lors de celles-ci. Par contre, l’ensemble est hyper fluide, et c’est d’une importance capitale pour le genre dans lequel le titre s’inscrit. La direction artistique, elle, se révèle assez dark, ce qui pourra surprendre… et nous préparer à un Final Fantasy XVI promettant de l’être lui aussi. Enfin, la musique est signée Naoshi Mizuta, un nom que l’on a retenu depuis son excellent travail sur Parasite Eve II. Cet habitué des Final Fantasy (et surtout des épisodes en ligne) signe une BO aux notes rock-sombre d’un bel effet.