Il y a 35 ans, Billy et Jimmy Lee faisaient régner l’ordre dans Double Dragon
Saga mythique ayant fortement popularisé le genre du beat’em up, Double Dragon fait partie de ces nombreuses franchises à avoir marqué l’année 1987 par ses innovations de gameplay. Améliorant fortement la formule de son prédécesseur Renegade, elle a fortement marqué la fin des années 80 sur borne d’arcade, mais aussi avec ses adaptations sur consoles, notamment avec l’excellent Double Dragon II sur NES.
Date de sortie : 7 août 1987 (Arcade), 8 avril 1988 (NES), 1er oct 1988 (MS)
Développeur : Technōs Japan
Concepteur : Yoshihisa Kishimoto
Genre : Beat’em Up
Nationalité : Japonaise
Compositeur : Kazunaka Yamane
Support : Arcade
Danse du dragon : déplacez deux dragons !
L’Arcade dans tous ses états
Digne successeur de classiques comme Kung-Fu Master et de Renegade, Double Dragon est la première grande saga de beat’em up à voir le jour le 7 août 1987 (le 22 avril 1987 selon certaines sources) et à en populariser le genre en permettant notamment à deux joueurs de coopérer simultanément. Assez proche de son prédécesseur, le premier Double Dragon a surtout un level design de meilleure qualité et un gameplay plus riche. Le scénario reste dans une veine très classique : les joueurs incarnent les deux frères Billy et Jimmy Lee qui vont taper du poing dans les rues pour sauver Marian, la petite amie de Billy qui s’est fait enlever par le gang des Black Warriors. La narration se résume essentiellement à une scène d’introduction assez très kitsch où un des loubards donne un gros coup de poing dans le ventre de la fille avant de l’emporter comme un vulgaire objet. Un style qui annonce d’emblée la couleur avec un thème musical très entraînant qui retentit dès l’écran d’accueil.
Comme dans tous les beat’em up de l’époque (ce sera aussi le cas de Vigilante l’année suivante), le jeu comporte peu de niveaux mais demande une grande maîtrise du gameplay pour avancer sans trop prendre de dégâts. Outre le classique coup de poing et le coup de pied vers le haut, il est possible de donner un coup de boule en avançant deux fois de suite, d’effectuer une manchette arrière, un coup de pied sauté, un uppercut en fin de combo et une choppe enchaînant les coups de genou en frappant de près. La jouabilité reste perfectible et le framerate peut vite chuter selon le nombre de sprites à l’écran à deux joueurs, mais un grand pas a été fait depuis Renegade.
Le jeu est assez beau et comporte surtout des musiques mémorables, entre celle du premier niveau qui s’émancipe tout en suivant le thème principal et la deuxième déjà plus sérieuse mais qui conserve le même esprit entraînant. La troisième se veut beaucoup plus posée avec quelques sons stridents pour marquer le pic de difficulté qui survient, et la quatrième s’avère joliment décalée dans le contraste qu’elle dégage entre la joyeuseté de sa mélodie et l’atmosphère légèrement glauque des lieux bourrés de pièges et d’hommes à abattre. Ajoutés à cela les sympathiques jingles d’intermission et de victoire après un niveau ainsi qu’une musique de boss qui met une certaine pression, et on obtient une bande son des plus efficaces malgré son petit nombre de pistes.
Les deux premiers niveaux se déroulent classiquement dans la rue puis dans une usine : les héros combattent des gangsters aux différents looks et peuvent ramasser des objets comme des caisses ou des barils et leur lancer. Il est aussi possible de les pousser afin qu’ils roulent sur les ennemis et de désarmer ces derniers pour ramasser leur couteau, leur batte, leur matraque ou leur dynamite afin de les réutiliser contre eux. Certains ennemis puissants et résistants commencent à faire leur apparition et chaque niveau se termine toujours par un boss, que l’on retrouve sous forme de gros ennemis dans les niveaux suivants : apparaissent ainsi des adversaires emblématiques comme Abobo et Chin Taimei.
Le troisième niveau se passe sur la terre ferme non loin de la grotte menant au repaire du gang et la difficulté augmente sensiblement. La plateforme est assez présente dans le jeu car il arrive que Billy et Jimmy doivent sauter sur des buttes, grimper à des échelles et sauter par-dessus des trous, et c’est peu dire qu’il est très vite fait de perdre une vie si le joueur saute un peu trop tard ou s’il va un peu trop bas sur l’écran quand il y a du vide. Le dernier niveau comporte même des pièges comme les parties du mur qui frappent les héros et les statues de démons donnant des coups de lance. Le final aboutit à un ring où de nombreux adversaires les attendent, parmi lesquels se trouvent le grand méchant qui est bien trop lâche pour venir sans sa mitraillette, avec laquelle il peut tuer les joueurs en un seul coup. La difficulté a de quoi en faire baver mais comme les continues sont infinis tant qu’on a une pièce à mettre dans la machine, elle ne pose pas de problème particulier.
De nombreuses versions console
Fort de son succès en salle, Double Dragon est porté sur un grand nombre de consoles, à commencer par la NES dès l’année suivante, dans une conversion assez jolie et très agréable à jouer bien qu’un peu moins fluide. L’édition française a la particularité de n’être sortie qu’en 1991, soit plus d’un an après celle de Double Dragon II, Sega ayant eu une exclusivité temporaire pour le portage du jeu. Cette version NES innove surtout par l’obtention de nouvelles techniques grâce aux points d’expérience acquis pour chaque coup porté sur un ennemi. En effet, tous les mille points, une étoile s’ajoute à la première dans un maximum de sept pour faire obtenir plusieurs coups aux personnages.
Billy et Jimmy peuvent ainsi effectuer un uppercut quand ils sont baissés, un coup de pied sauté, une prise donnant des coups de genou, un coup inédit permettant de frapper un adversaire à terre avec les poings, une manchette arrière puis un puissant coup de pied dans la figure en se tenant tout près d’un adversaire. Cette version a aussi la particularité de proposer un mode combat à un contre un face à l’ordinateur ou à un autre joueur, avec cinq ennemis jouables contre leur double pour accompagner Billy : Will, Rowper (en clin d’œil au film Opération Dragon avec Bruce Lee), Linda, Chin et Abobo.
Si la jouabilité est améliorée, le jeu est amputé de son mode coopératif, chaque joueur pouvant simplement prendre la manette chacun son tour comme dans Super Mario Bros. Cette version se veut aussi excessivement difficile sur la fin étant donné qu’on ne dispose que de trois vies et d’aucun continue, et ce malgré les limitations techniques qui permettent à la NES de n’afficher que deux ennemis identiques à la fois. Le level design se montre différent lors du troisième niveau, qui devient infini si on continue toujours tout droit sans rentrer dans une des cavernes et enchaîne les phases de plates-formes retorses.
La même année, une version Master System voit le jour avec les mêmes types de décor et un level design beaucoup plus plat et très peu inspiré, donnant ainsi des niveaux vraiment banals, bien plus courts et avec des ennemis très peu variés. Les graphismes comportent des couleurs trop fluorescentes et la jouabilité est un vrai désastre à cause de bugs de collision de haut niveau qui font que les joueurs s’en prennent plein la figure. Malgré une très mauvaise réactivité des touches, on arrive à trouver la bonne distance pour frapper les ennemis mais cette adaptation a tout à envier aux précédentes, surtout face à des classiques de la console comme My Hero, Black Belt et Kung Fu Kid.
Toujours aussi populaire des années plus tard, Double Dragon est également porté sur Mega Drive en 1992 dans une version très proche de l’Arcade, si ce n’est que la jouabilité est très moyenne à cause d’un rythme saccadé qui n’arrange pas les affrontements contre de nombreux ennemis. Les musiques n’ont pas été retravaillées avec le plus grand soin et le sound design rend l’impact des coups beaucoup moins percutant. Très tardive et assez méconnue, cette version n’est d’ailleurs jamais sortie en Europe, ce qui n’est pas vraiment un mal tellement son intérêt est limité, surtout face à des concurrents comme Golden Axe et Streets of Rage.
Véritable carton à l’époque, et bien qu’assez vite dépassé par la concurrence, Double Dragon est devenu mythique pour sa popularisation du genre du beat’em up grâce à l’univers urbain qu’il a su mettre en avant, et surtout à la très grande palette de coups qu’il propose. Un jeu parmi les plus marquants de l’histoire du jeu vidéo !
Double Dragon II : la Revanche !
Une version Arcade relativement convenue
Le 6 décembre 1988, Billy revient avec son frère pour venger sa copine, que l’on voit se faire cribler de balles lors de l’introduction par le chef des Black Warriors, qui n’était finalement pas mort à la fin du premier épisode. Double Dragon II est tellement similaire à son prédécesseur qu’il en reprend les quatre niveaux en se contentant de modifier les décors. Le level design varie légèrement mais reste globalement plus plat, limitant l’aspect plates-formes. Les graphismes sont en revanche bien plus jolis, avec des décors de fond plus détaillés comme les hélicoptères du premier niveau, ainsi que le blé et les vaches du troisième. Certains d’entre eux peuvent même causer des dégâts aux personnages, comme la moissonneuse-batteuse dans les champs de blé. Les sprites sont plus réalistes, les boss et les ennemis costauds ont un rendu assez impressionnant et certains attaquent même avec des sabres en poussant des cris.
Les nouvelles musiques sont agréables et respectent parfaitement l’esprit de la saga, entre la première à la fois sérieuse et détendue sur les toits, la deuxième beaucoup plus relaxante dans l’usine, la troisième assez pêchue et amusante à la ferme, puis la quatrième avec des consonances asiatiques renforçant le mystère du repaire ennemi. La jouabilité est un peu plus fluide mais il arrive toujours que le jeu rame quand il y a plusieurs sprites à l’écran. Les coups de pied classiques se font désormais en arrière et une toupie aérienne très utile peut se réaliser en ayant un timing précis lors d’un saut, sur place ou vers une direction. Si le coup de boule disparaît, l’arsenal des armes est complété par des pelles, des grenades et des boules métalliques à lancer. Les boutons de coups de poing et de coups de pied étant inversés quand le joueur change de direction, il est parfois difficile de se souvenir sur quelle touche appuyer pour lancer l’attaque voulue.
Les ennemis sont partiellement renouvelés et d’autres boss emblématiques font leur apparition, notamment Burnov avec son fameux masque et sa désintégration quand il meurt, Bolo qui ressemble fortement à Abobo avec des cheveux noirs et une moustache (sans doute lui aussi inspiré du personnage de Bolo Yeung dans Opération Dragon), ainsi qu’Abore le grand blond baraqué avec des lunettes de soleil. Le boss final est le même si ce n’est qu’aucun de ses hommes ne vient lui prêter main forte, mais le joueur doit également battre son ombre pour en finir. Un combat assez intéressant pendant lequel elle peut surgir en nous quand on a les pieds au sol pour nous mettre une raclée. Le jeu se termine par une photo des deux frères Lee avec Marian au milieu, qui verse une larme créant le texte « The End ».
Tout comme le premier épisode, Double Dragon II a eu droit un portage fidèle sur Mega Drive, sorti trois ans plus tard uniquement au Japon. Si la difficulté est bien équilibrée avec le choix de trois modes et des continues disponibles, la jouabilité subit de nombreuses saccades et le jeu rame énormément dès que plus de deux sprites sont affichés, comme si la console n’avait pas assez de mémoire pour rendre le jeu fluide. Les niveaux sont grosso modo les mêmes exceptés quelques changements, comme la salle des tapis roulants dans le deuxième. Plutôt réussies, les musiques sont toutefois d’une qualité pouvant faire presque aussi mal aux oreilles que les bruitages qui saturent. Une conversion assez moyenne qui n’apporte pas plus que celle du premier jeu.
Une expérience sublimée sur NES et PC Engine
Contrairement à son prédécesseur, la version Arcade de Double Dragon II n’a pas vraiment marqué les esprits à cause de sa grande similarité avec le premier opus. Mais c’était sans compter la volonté des développeurs de revoir leur copie avec la version NES qui, un an plus tard, sublime le jeu d’origine en pratiquement en tous points. Sortie le 22 décembre 1989, elle arbore un level design largement plus varié dans pas moins de neufs niveaux différents, qui restent assez courts mais les derniers demandent une grande maîtrise du gameplay avec des plates-formes mobiles, des tapis roulants et des boss plus difficiles.
Le jeu est vraiment beau et l’univers se marie parfaitement avec le style graphique de la NES. Les musiques sont également mémorables et on remarque l’inversion des pistes des deux premiers niveaux par rapport à l’arcade. Le gameplay reste le même avec les coups de poing en avant, les coups de pied arrière, les toupies dévastatrices, les crochets et même un super coup de genou en avant qui fait valser l’adversaire à l’autre bout de l’écran. La coopération est un régal et les joueurs peuvent choisir entre le mode avec ou sans dégâts alliés.
Billy et Jimmy affrontent plusieurs styles d’ennemis avec des sprites très stylés et des boss charismatiques. Outre Burnov, Bolo, Abore et les dopplegängers, les héros sont amenés à combattre deux ninjas très rapides qui lancent des shurikens, ainsi qu’un grand type qui fait toutes sortes de coups en guise de boss final. Les armes secondaires sont aussi plus variées que d’habitude : outre les chaînes et les couteaux, les tubes en fer peuvent être lancés mais on peut aussi frapper avec, des bombes incendiaires font leur apparition et il est possible de ramasser des grenades pour les relancer sur les ennemis.
Les niveaux sont vraiment bien pensés entre phases de plates-formes et salves ennemies. Certains événements viennent enrichir le background des lieux et l’expérience de jeu, comme l’hélicoptère qui tire quand on grimpe au deuxième niveau, le double boss à battre en prenant garde de ne pas se faire éjecter et le gros engin à moteur sur lequel il faut grimper en affrontant des ennemis. On trouve aussi des ennemis à vaincre pendant que le sol s’effondre de gauche à droite, des plates-formes temporaires qui participent à l’ambiance fantomatique du sixième niveau et une salle de combat digne des meilleurs Bruce Lee au huitième.
S’imposant parmi les meilleurs beat’em up à l’ancienne avec Final Fight et Streets of Rage 2, cette version de Double Dragon II a aussi été adaptée sur PC Engine en 1993 avec des graphismes 16-bit, un level design différent et des séquences animées permettant de bien mieux comprendre l’enchaînement des niveaux. Certaines musiques sont assez folkloriques mais la bande-son reste très réussie malgré l’absence de piste contre les boss. Le gameplay est très dynamique et on retrouve le coups habituels, dont la toupie qui est bien plus facile à sortir. Les armes sont un peu moins présentes et n’ont plus de bruitage mais on peut tout de même ramasser des pelles, des grenades, des chaînes et des couteaux pour frapper les ennemis.
Si le level design est parfois simplifié, certains niveaux sont enrichis de nouvelles zones, comme l’hélicoptère qui a une pièce principale beaucoup plus large et une zone près du tableau de bord. Certains boss sont identiques tandis que d’autres changent : après Burnov au premier niveau, les ninjas du deuxième n’apparaissent que vers la fin du jeu et les Bolo sont remplacés par des mecs au style rappelant Akuma de Street Fighter. Le final fait quant à lui enchaîner le bon vieux boss armé de sa mitraillette, l’ombre des héros et le dernier boss de la NES. Avec sa difficulté bien dosée et la possibilité de jouer à deux, cette version de Double Dragon II est très réussie et propose une bonne alternative à la précédente.
La tentative manquée du troisième épisode
Quand l’Arcade ne sait plus où elle va
Après deux épisodes très similaires, Double Dragon 3 vient terminer la trilogie Arcade le 19 novembre 1990 dans un volet où Billy et Jimmy voyagent à travers le monde afin de récupérer les trois pierres Rosetta qui les mèneraient à un trésor, sans avoir de soupçon sur la vieille femme qui leur en a parlé. Le gros point fort de cet épisode est qu’il est possible de jouer à trois en même temps ; au début de chaque pays, un magasin nous propose d’acheter des personnages que l’on contrôle quand le nôtre est KO. Il permet également de recharger nos points de vie (matérialisés cette fois-ci par un nombre), d’augmenter notre force afin d’éliminer les ennemis en un seul combo, d’utiliser une arme comme un nunchaku et même d’effectuer la toupie aérienne. Si on perd une vie, le gameplay est réduit aux techniques de base, nécessitant alors de repasser à la caisse. La possibilité de sauter sur un adversaire au sol fait néanmoins son apparition dans la saga, tout comme certains personnages recrutables possèdent leurs propres coups, tel le type baraqué qui peut effectuer une prise aérienne en attrapant un ennemi avec ses pieds.
La jouabilité reste le défaut principal du titre, un ennemi pouvant se retrouver derrière le joueur en plein combo et les boss s’avérant très difficiles à toucher à cause de leurs attaques à distance. Le level design est quant à lui assez classique, avec peu de plates-formes et quelques pièges, mais l’univers dépayse bien entre les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Égypte. Le dénouement du scénario est assez prévisible et amène les frères Lee à en découdre avec la momie et l’esprit de Cléopâtre. Malgré ses quelques innovations et bien qu’il soit plus intéressant que son prédécesseur sur Arcade, Double Dragon 3 demeure assez bancal et marque le début du déclin de la saga, depuis largement dépassée par des classiques comme Golden Axe, Final Fight et Streets of Rage.
À l’instar de ses prédécesseurs, Double Dragon 3 est adapté sur Mega Drive deux ans plus tard dans une version plus fidèle, et paraît cette fois-ci en Europe avec une jaquette absolument kitsch sur laquelle se trouvent deux héros bodybuildés dont un sosie de Ken le Survivant. Il est de nouveau question de voyage à travers le monde dans cinq niveaux, de graphismes basiques mais efficaces et de musiques très correctes. S’il est de nouveau possible de jouer à deux, la jouabilité se retrouvant une nouvelle fois plombée par des bugs de collisions. Les magasins ne vendent pas de coups supplémentaires et permettent simplement d’acheter la technique de la toupie.
Cette version reste toutefois moins pénible que sur Arcade car à chaque fois que les frères Lee se relèvent après un coup, ils ont quelques secondes d’invincibilité pendant lesquelles ils peuvent frapper leurs adversaires et les achever au sol. Cette dernière règle va d’ailleurs un peu trop loin car en abuser facilite grandement la partie. Le jeu restant assez difficile, il octroie aux joueurs jusqu’à vingt-cinq pièces, qui servent à la fois de monnaie et de continues, ce qui permet de terminer le jeu sans difficulté démesurée en gérant les dépenses avec parcimonie. Un portage correct bien que la Mega Drive ait bien mieux à offrir.
Une version NES des plus frustrantes
Cherchant toujours à s’émanciper de l’Arcade, la NES accueille sa propre version de Double Dragon III le 22 février 1991, qui bénéficie de graphismes et d’un gameplay proches de son prédécesseur. Toujours présents, les cinq niveaux d’origine subissent quelques changements, comme des débuts dans une pièce avec un ami des héros qui meurt, un level design un peu plus varié qui comporte notamment des trous au dernier niveau et la disparition des magasins. Ce sont cette fois-ci les boss des deuxième et troisième niveaux qui rejoignent l’équipe une fois battus, leur présence étant indispensable étant donné que chaque personnage ne possède qu’une seule vie pour la totalité du jeu.
Billy et Jimmy renouent avec le coup de pied en avant, la toupie est plus facile à sortir et il est possible d’effectuer une prise qui projette les ennemis en leur montant dessus, une attaque aérienne en coopération et des rebonds contre les murs. Le Chinois est plus résistant, frappe plus fort mais il est plus lourd à manier et peut effectuer des coups de pied en ciseaux. Le samouraï a moins de défense, frappe moins fort mais il est très agile et peut attaquer au sabre et sauter haut et frappant à la retombée. Le gameplay est donc très riche, surtout quand on permute les persos en jouant à deux. Les décors sont plus rudimentaires que sur 16-bit mais la direction artistique colle parfaitement à l’univers, les mouvements sont bien animés et les musiques de bonne qualité. La fin change quelque peu car après avoir battu trois momies, c’est Marian ensorcelée que les frères Lee affrontent en guise de boss final.
Sur le papier, le jeu a tout pour exceller, mais sa difficulté abusive vient malheureusement baisser la qualité du jeu de manière significative. Le fait que chaque personnage ne dispose que d’une seule vie sans aucun continue gâche vite le plaisir et les joueurs ont de quoi passer l’essentiel de leur temps à effectuer des toupies bien placées afin de minimiser les risques de se faire toucher. Même en étant extrêmement attentif, le game over n’est jamais loin. Jouer à deux donne une autre vie et les deux personnages supplémentaires en octroient deux autres, mais ça reste très insuffisant pour appréhender le jeu, même avec les points de vie qui se rechargent quand on passe au niveau suivant. Avec plus de résistance et plusieurs vies comme c’était le cas dans les précédents, Double Dragon III aurait pu être très bon, mais en l’état, il se retrouve en grande partie gâché par cette difficulté digne de Ghosts’n Goblins. Car même en émulation, il reste très pénible à terminer en faisant des save states.
La ruée des consoles portables
La trilogie Game Boy
Avec une telle saga à succès, il était impensable que Double Dragon n’atterrisse pas sur la toute jeune Game Boy. Sorti le 20 juillet 1990, le portage du premier épisode fait honneur à la machine avec des graphismes soignés, une belle retranscriptions des musiques et une bonne jouabilité. Assez proche de la version NES au premier abord, il s’en distingue toutefois par un level design différent et des techniques disponibles dès le départ, à l’exception du coup de boule qui disparaît à nouveau. Très utile, le coup de pied permet de battre aisément les ennemis et le personnage peut effectuer une manchette quand un assaillant arrive par derrière. Un combo consistant à alterner poing et pied permet en outre de vaincre un ennemi rapidement. Très agréable à parcourir, cette mouture s’avère toutefois assez technique et son faible nombre de vies la rend assez difficile à terminer.
Comme sur NES, les deux premiers niveaux se terminent aisément mais les suivants reposent bien plus sur le par cœur et les réflexes. Les sauts millimétrés ne font pas de cadeau et le joueur doit recommencer un niveau depuis son départ s’il perd une vie, des points de contrôles n’étant présents que dans les deux derniers. Entre stalactites qui tombent, pierre qui poursuit Billy et pièges mortels qui tentent de l’aspirer en plein combat, le jeu sait se montrer retors et doit être maîtrisé pour en venir à bout. Parmi les boss récurrent, Abobo peut se montrer particulièrement pénible s’il n’est pas frappé pile au bon moment avec les poings, tandis que Chinse montre bien plus gérable. Quant au mode deux joueurs, il permet uniquement à Billy et Jimmy de s’affronter, moyennant deux consoles, deux cartouches et un câble link. Une adaptation de qualité qui fait honneur à la version Arcade !
L’année suivante arrive une nouvelle version de Double Dragon II, très différente des autres car il s’agit d’un reskin de Nekketsu Kōha Kunio-Kun Bangai Rantō Hen, initialement sorti le 7 décembre 1990 et premier épisode Game Boy d’une saga de beat’em up également développée par Technos, connue en Europe sous le nom de Renegade. Kunio et Riki étant ici remplacés par Billy et Jimmy, ces derniers doivent alors traverser une dizaine de niveaux dans lesquels de nombreux gangsters les attendent. Les combos permettent d’enchaîner plusieurs coups de poing ou un double coup de pied qui projettent les adversaires loin en avant. Les joueurs peuvent sauter en effectuant un uppercut qui envoie les voyous dans les airs et les achever au sol par une attaque fracassante façon Bruce Lee. Il est assez regrettable que les chaînes, les pistolets et les couteaux ne puissent pas être utilisés comme armes secondaires, tout comme les ennemis et le level design auraient gagné à être plus variés.
On retrouve bien quelques situations sympa comme le métro ou l’environnement clos près d’un ravin qui n’est pas sans rappeler Renegade, mais un peu de plate-forme et de verticalité n’aurait pas été de refus. Bien difficiles à battre sans la fameuse technique du zigzag, les boss sont assez fendards entre le grand boxeur, le type masqué à la tronçonneuse, le gros baraqué qui projette les héros, le ninja qui se téléporte et l’ennemi final avec ses toupies à la Street Fighter. Les continues infinis permettent toutefois de modérer la difficulté, le jeu demandant une certaine maîtrise pour en venir à bout, ce qui est possible en coopérant via la connexion de deux Game Boy. Si le Super Game Boy de la Super Nintendo ne le permet étrangement pas, Nintendo s’est rattrapé quelques années plus tard avec le Game Boy Player de la Game Cube. Avec toutes ses qualités, ce Double Dragon II fait largement partie des meilleurs beat’em up de la machine.
Le 17 juillet 1992, c’est au tour de Double Dragon 3 d’obtenir sa version Game Boy avec la présence remarquée de Chuck Norris sur la jaquette. Il s’agit toujours de parcourir les cinq pays à la recherche de pierres dans des niveaux aussi simplifiés que le gameplay, qui ne comporte plus que des coups très basiques. Au début de chaque niveau, un magasin propose toutefois d’obtenir deux aides parmi plusieurs au choix, comme une vie supplémentaire, un boost de puissance, un arme blanche et même la fameuse toupie. Une idée bienvenue qui est rapidement gâchée par la jouabilité exécrable du titre, les ennemis ayant sans arrêt le dessus sur le joueur, même quand ce dernier commence à en frapper un. Aux bugs de collision s’ajoutent des sprites qui se confondent, histoire que le manque de lisibilité vienne en rajouter une couche. Battre le moindre ennemi s’avérant être une véritable purge, le grand nombre de vies octroyées par le jeu ne suffit pas à en voir le bout sans s’arracher les cheveux. Assez joli, le jeu pèche aussi par des musiques répétitives et qui se ressemblent trop. Assurément la plus mauvaise version de Double Dragon 3 et un des pires jeux de la Game Boy.
Une petite virée sur Game Gear
En octobre de la même année, la Game Gear accueille un épisode exclusif avec Double Dragon The Revenge of Billy Lee, dans lequel ce dernier doit affronter un nouveau gang à travers six niveaux en trois parties pour sauver son frère Jimmy. Assez classique, cet opus se démarque toutefois de ses prédécesseurs par des environnements plus exotiques (train, échafaudages, manoir) et par la variété de ses ennemis. On en trouve aussi bien en rollers qu’à moto, armés d’une tronçonneuse ou d’une arme à feu, quand ils ne foncent pas sur le héros sous forme de boule. Assez minimaliste, le gameplay permet un simple combo aux poings et un coup de pied automatique lors d’un saut sur place. Il est également possible d’effectuer un coup de pied dans les jambes, ou encore de foncer vers l’avant moyennant un léger sacrifice de points de vie.
Le jeu est assez dynamique et il est jouissif d’enchaîner les coups de poing avec la vitesse d’un Final Fight. Des armes secondaires sont parfois à la disposition du joueur, parmi lesquelles une batte, un pistolet et même un fusil à pompe. Sympathique au premier abord, le jeu s’avère toutefois pénible sur la durée à cause d’une jouabilité très perfectible. Bien que le score permette de gagner des continues à chaque point de contrôle, les ennemis deviennent contraignants à combattre et perdre toutes ses vies oblige le joueur à recommencer depuis le début de la zone en cours, ce qui rend la partie d’autant plus répétitive. Assez unique sur plus d’un point, Double Dragon The Revenge of Billy Lee reste un épisode correct mais aurait gagné à être plus agréable à jouer.
Le Retour du Roi
Le 16 octobre 1992, la Super Nintendo reçoit un épisode exclusif appelé Return of Double Dragon, qui n’est autre que le quatrième épisode principal de la saga. Le jeu étant sorti en hâte car Technos était au bord de la faillite, il comporte ni introduction ni fin. Il faut aller se renseigner dans la notice pour apprendre que Billy et Jimmy ont ouvert une école d’arts martiaux dans laquelle s’entraîne Marian, devenue policière, avant de se faire enlever par les Shadow Warriors, gang du dojo adverse. Les deux frères ont alors une nouvelle occasion d’aller terrasser toutes sortes de malfrats le long des sept niveaux du jeu. Assez classique au niveau de son ambiance, Return of Double Dragon possède de jolis graphismes et des musiques attractives, dont un remix du premier niveau de l’épisode d’origine. Plutôt convenu, le level design comporte toutefois une certaine verticalité avec escaliers et ascenseur, en plus des zones originales que sont le casino, l’aéroport, la pagode où il est possible d’interagir avec une poire et un punching-ball, sans oublier le toit du camion avec le vent qui souffle.
Le jeu comporte d’assez loin le gameplay le plus riche de la saga grâce à un panel de coups spéciaux très intéressants. Billy et Jimmy peuvent ainsi enchaîner un coup de pied dans les jambes puis au visage, effectuer un puissant coup de poing retourné, un coup de pied sauté assez agressif et même contrer la plupart des adversaires en infligeant une série de tatanes particulièrement jouissives. Outre les rebonds contre le mur, la gestion d’une jauge permet d’effectuer une puissante toupie et de mettre les ennemis à terre en un seul coup durant quelques secondes. Les animations des personnages sont très détaillées et l’impact des coups se ressent efficacement grâce aux bruitages, notamment quand les héros frappent à l’aide d’un nunchaku ou d’un bâton, les couteaux et les boomerangs pouvant quant à eux se renvoyer en les tapant au bon moment. Nombreux et variés, les ennemis peuvent nous mettre à terre en quelques coups et certains attaquent à l’aide de sabres qu’il n’est pas possible de ramasser.
Terriblement bon grâce à son gameplay très complet, Return of Double Dragon jouit parfois d’une mauvaise réputation à cause de sa version occidentale, nommée Super Double Dragon. Clairement pas terminée, cette dernière s’avère beaucoup moins aboutie avec l’absence d’un menu options et des deux dernières zones du dernier niveau, une gestion de dégâts mal équilibrée, l’impossibilité de ramasser une arme quand on en tient déjà une, ou encore des ennemis qui ont des coups en moins et qui ne peuvent plus se baisser. Mais le pire réside dans la version européenne, dont la lenteur et les saccades la rendent absolument injouable, faisant passer la version PAL de Street Fighter II pour un modèle de fluidité. Passé inaperçu à son époque car la saga s’était depuis longtemps laissée dépasser par la concurrence, Return of Double Dragon demeure pourtant un beat’em up de choix pour ses possibilités de gameplay rarement égalées.
À la rencontre des Battletoads
Alors que le succès de Double Dragon en Arcade pousse la saga à s’émanciper sur consoles, Billy et Jimmy deviennent des héros iconiques du jeu vidéo au point d’apparaître comme personnages jouables dans la version NES d’US Championship V’Ball en 1989. C’est justement sur cette console qu’ils vont s’allier à des héros bien connus de chez Rareware dans Battletoads & Double Dragon, le tout dernier jeu du support développé par la firme, sorti le 11 juin 1993. La Reine Noire s’étant alliée au gang des Shadow Warriors, Zitz, Rash et Pimple peuvent compter sur Billy et Jimmy pour leur venir en aide. Premier Battletoads à proposer les trois crapauds en tant que personnages jouables, il se compose de sept niveaux essentiellement axés sur le genre du beat’em up. Pourvus d’un level design très varié, ces derniers se déroulent sur différentes parties du vaisseau ennemi, comprenant des flammes à éviter à l’extérieur, des tapis roulants, des compresseurs et des éclairs à esquiver à l’intérieur et de nombreux ennemis plus ou moins difficiles à battre.
Certains niveaux sont conçus sans profondeur de champ et on retrouve les traditionnels passages de descente de rappel et d’obstacles à esquiver à moto, ces derniers étant très courts et d’une difficulté raisonnable. Un stage de shoot’em up propose de varier les plaisirs au beau milieu de la partie en se basant sur le gameplay de Solar Jetman, sorti sur NES trois ans plus tôt et également développé par Rare. Très joli, Battletoads & Double Dragon possède aussi les animations délirantes de la saga, à commencer par les yeux des héros qui sortent de leurs orbites à l’arrivée d’un boss. Le joueur peut aussi enfoncer des ennemis dans le sol à grands coups de barre de fer, attraper une femme ennemie par les cheveux avant de la frapper et expédier les rats du cinquième niveau par la fenêtre au premier plan. Outre de précieux objets permettant de gagner des vies, de recharger son énergie et de gagner quelques secondes d’invincibilité, on est amené à affronter des ennemis à qui il faut renvoyer des dynamites, des mains qui sortent du mur et des caméras mitrailleuses.
Rapidement prenant, le jeu conserve toutefois la traditionnelle difficulté pénible chère à la saga, certains passages étant pratiquement impossibles à terminer sans les connaître par avance. Entre pièges tordus et ennemis aux hitbox douteuses, certains éléments de game design ont de quoi poser question, comme le rebond possible des héros sur des balles qui enlèvent alors chacune un point de vie. Si certains boss se montrent particulièrement accablants, on a le plaisir de retrouver Abobo, ainsi qu’un Roper qui n’a en principe rien à voir avec celui de Double Dragon, mais dont la mitraillette rappelle fortement le boss final du premier jeu. Six mois après une version NES au demeurant très bonne, le jeu est adapté sur Game Boy, Mega Drive et Super Nintendo. Cette dernière a de quoi donner du fil à retordre à cause d’ennemis qui se montrent agressifs dès le premier niveau et ne brille pas vraiment par la qualité de sa réalisation. Ces portages restant très proches de l’original, ils présentent un intérêt très limité, Battletoads & Double Dragon demeurant un jeu NES avant tout.
Les deux frères, Démo et Dégueu Lee
Le 4 novembre 1994, Double Dragon fait partie des premiers jeux vidéo à être adaptés au cinéma dans un film d’action axé sur les combats de série B et à la fois humoristique tellement les gags chers aux années 90 ne cessent de pleuvoir. Billy et Jimmy Lee sont respectivement incarnés par Scott Wolf (Sauvé par le Gong, Go) et Mark Dacascos (La Loi du Samouraï, Streetfighter La Rage de Vaincre, Kickboxer 5), dont la carrière a vite été freinée par la médiocrité des critiques. Le scénario part dans une autre direction avec une Los Angeles dévastée par un séisme en 2007 et un couvre-feu chaque soir à cause des gangs dirigés le mégalomane Koga Shuko. Assez peu charismatique du haut de sa coupe de cheveux relevée avec des mèches blondes, il est tristement joué par le talentueux Robert Patrick (essentiellement connu pour le terrible T-1000 de Terminator 2), qui a également vu sa carrière chuter suite à la médiocrité de son rôle.
Un médaillon antique est au cœur de l’action, Koga Shuko en possédant une moitié tandis que l’autre est gardée par Satori, qui accompagne les deux frères sous les traits de Julia Nickson-Soul (Rambo II) tandis que Marian est interprétée par Alyssa Milano (Madame est Servie, Commando, Charmed). On trouve également Linda Lash représentant les ennemies qui attaquent avec leur fouet, un loubard à moitié défiguré finement joué par Michael Berryman (Vol au-dessus d’un Nid de Coucou, La Colline a des Yeux), un jeune punk insupportable joué par le personnage principal de la série Code Lisa et surtout Abobo, incarné par deux acteurs dont Nils Allen Stewart (The Mask, Ken le Survivant, Bloodsport 2). Ce dernier symbolise à lui seul le ridicule qui pèse sur les personnages, avec sa crête d’une mocheté sans nom, son attitude d’attardé profond et la mutation ratée qu’il subit pour essayer de ressembler au tas de muscles du jeu.
Agréable à regarder, cette adaptation ne se prend absolument pas au sérieux tellement les combats sont chorégraphiés par des amateurs (avec des attaques à vélo et des pneus lancés en arrière-plan) et l’humour de bas étage omniprésent avec des jeux de mots très recherchés (« – C’est les frères Lee, dit les 2 Ramo. – Ah j’ai pigé, les 2 Ramo Lee ! », la poste qui n’est jamais allée aussi vite car un facteur est tombé d’un immeuble). On trouve aussi des pièges sortis tout droit de Maman j’ai raté l’Avion (glissade sur des boules de chewing-gum, poutre dans la figure), des voix françaises tordantes et de nombreux plans faciaux montrant des personnages crier de peur avant de s’enfuir, à la manière d’un Casper et d’un Junior le Terrible. Bourré de références à la pop-culture, le film en fait parfois un peu trop avec la course-poursuite type Mad Max, les déchets qui servent de carburant comme dans Retour vers le Futur, le combat aux côtés de bornes d’arcade (dont celle du premier jeu Double Dragon) et le dédoublement du méchant en deux immondices ressemblant de loin à Dark Sidious.
Le seul passage sérieux vraiment réussi est ce qui suit la mort d’un personnage dans l’explosion, pour vainement tenter de redonner un peu de crédibilité au tout. Les frères Lee n’obtiennent leurs costumes flashy que sur les dernières minutes et le combat final est d’un ridicule sans nom, avec Jimmy qui prend possession du corps de Koga Shuko, mais sans l’effet spécial aplatissant qu’il y avait quand c’est ce dernier qui le faisait. Si on ne peut pas vraiment parler d’adaptation réussie, Double Dragon reste un bon divertissement dans un style très série B frôlant souvent le nanardesque !
Pour une reconversion en jeu de combat
Ayant perdu de sa superbe malgré des jeux qui continuent de sortir, la suprématie de Double Dragon est remise en cause face aux nouveaux classiques du beat’em up. Songeant à évoluer drastiquement, Technos confie sa licence à Leland Interactive Media pour développer un nouveau jeu basé sur l’univers de la série animée de 1993. Double Dragon V The Shadow Falls tente alors de renouveler la saga le 10 juillet 1994 dans un jeu de combat sur Super Nintendo. Pourvu de dix personnages jouables, il marque d’abord par sa direction artistique cartoonesque qui détone avec les autres jeux. Billy et Jimmy sont assez baraqués et se battent étrangement avec une épée, tandis que leurs confrères arborent un charisme douteux. Avec trois niveaux de coups de pied et de coups de poing, le jeu reprend les bases du premier Street Fighter avec une jouabilité à peine meilleure tellement les attaques spéciales ont du mal à sortir. Les commandes répondent en effet avec une certaine latence, les coups ne tapent pas vraiment fort et l’IA a rapidement le dessus sur le joueur.
Avant le combat, il est même proposé de jauger ses points de force, de défense et de spécial, une idée pas si mauvaise mais assez mal exploitée. Pourvu d’un univers et de musiques corrects, Double Dragon V ne brille tellement pas par son gameplay qu’on en retient davantage sa notice superbement illustrée par une mini bande dessinée et une petite biographie des personnages. Le jeu est porté sur Mega Drive un mois plus tard avec un peu de sang en guise de bonus, et comme si cela ne suffisait pas, une version Jaguar réalise l’exploit d’être moins belle l’année suivante. S’il est désormais possible de jouer avec le premier boss, trois autres personnages ne sont plus disponibles. Un jeu qui ravira les joueurs ayant toujours rêvé de passer de la légende du beat’em up au versus fighting du niveau de Shaq Fu et d’Eternal Champions !
Le 3 mars 1995, Technos reprend la saga en main avec un nouveau jeu de combat à destination de la Neo-Geo. Sobrement intitulé Double Dragon, il se la joue Street Fighter The Movie en se basant sur le film avec Mark Dacascos et Robert Patrick, mais avec des personnages dessinés à la main et de jolis décors en deux dimensions. Les arènes sont particulièrement bien animées (l’avion en plein vol, le salle d’arcade, le temple enflammé), comportent des éléments destructibles et peuvent subir un zoom façon Art of Fighting durant les déplacements. Parmi les dix combattants jouables, seuls Billy, Jimmy, Marian et Abobo sont en réalité tirés du long métrage, les six autres ayant été inventés pour les besoin du jeu. On retrouve également Burnov du jeu vidéo, Duke (le boss final de Super Double Dragon) et Koga Shuko comme dernier adversaire, autrement plus charismatique que son équivalent du film.
La principale innovation du jeu réside dans ses quatre niveaux de coups, qui varient entre le poing et le pied selon l’attaque donnée et le personnage choisi. La deuxième concerne la jauge des furies, qui se remplit d’un côté selon les coups encaissés et à l’autre extrémité selon les attaques infligées, pour un joli croisement entre les systèmes de Capcom et de SNK. Outre le dash et la parade dans les airs, il est possible de sauter sur un adversaire au sol immédiatement après l’avoir mis dans les vapes. Pourvu d’une jouabilité très correcte, ce Double Dragon aurait pu être un très bon jeu si l’intelligence artificielle ne se montrait pas aussi pénible. Affronter des adversaires contrôlés par l’ordinateur est en premier lieu plaisant, mais la difficulté monte rapidement et les combats deviennent un calvaire similaire au mode un joueur de Mortal Kombat 3. Porté un an plus tard sur PlayStation, le jeu comporte une belle cinématique d’introduction avec de nombreux extraits du film et se veut assez fidèle à la version d’origine, en un peu moins jolie et avec des chargements en prime.
Alors que la saga est au point mort depuis plusieurs années, la Neo-Geo accueille un nouveau jeu de combat en hommage à Double Dragon le 6 juin 2002. Intitulé Rage of the Dragons, il propose un gameplay proche de The King of Fighters avec des combats à deux contre deux. Parmi les quatorze combattants jouables se trouvent Billy et Jimmy Lewis, clin d’œil évident au deux frères Lee, tout comme le premier boss Abubo ainsi que les personnages de soutien Linda et Mariah. Assez nerveux, le gameplay fonctionne de nouveau avec des coups spéciaux à base de quarts de tour, de furies à enclencher quand la jauge est remplie et d’enchaînements permettant d’attaquer en duo. Un jeu de combat SNK pur jus, y compris par son IA mal calibrée.
Double Dragon : le remake !
Tandis que Technos fait faillite en 1996, une société appelée Million rachète ses anciennes licences pour continuer à développer des jeux. Cherchant à repartir sur de bonnes bases, elle développe un remake du tout premier épisode, qui sort sur Game Boy Advance le 13 novembre 2003. Un hommage jusqu’au bout avec une jaquette qui reprend les poses de Bruce Lee et Chuck Norris sur l’affiche promotionnelle de La Fureur du Dragon. Double Dragon Advance reprend ainsi les quatre niveaux du jeu d’origine et élargit leurs zones avec quatre autres niveaux inédits. Les nouveaux environnements vont alors de Chinatown à l’antre des Shadow Warriors avec des flammes qui sortent du mur, en passant par le toit d’un camion et une caverne où le moindre faux pas peut faire tomber les joueurs dans l’eau.
Très riche, le gameplay comporte les combos de base et le coup de boule, mais emprunte aussi à Super Double Dragon avec le coup de pied dans les jambes et le contre, qui semble davantage ressembler à une parade. À cela s’ajoutent l’achèvement d’un ennemi à terre, la possibilité de courir ou encore se baisser avant d’asséner un puissant uppercut ou un coup de genou qui éjecte quiconque se tient en face. Les armes utilisables sont tellement nombreuses qu’on y trouve même une hache et un fléau. La jouabilité reste toutefois imparfaite : les coups s’enchaînent difficilement et il est courant que le personnage continue de frapper dans le vide alors qu’on aimerait se tourner pour attaquer de l’autre côté. Les combats sont fluides mais les ennemis sont recyclés de toutes les couleurs possibles et arrivent parfois en trop grand nombre dans des espaces exigus contenant des précipices mortels.
Le jeu est graphiquement similaire à la version Arcade et les musiques sont joliment remixées, on reconnaît d’ailleurs celle du quatrième niveau de Double Dragon II sur NES. Les fins de niveau laissent place à des ennemis récurrents comme Abobo, mais aussi Burnov, tandis que le scénario accueille les cinq empereurs du Gen-Setsu-Ken pour un combat épique lors de l’avant-dernier niveau. Les boss apparaissent également bien cabossés façon Street Fighter III lors de dialogues illustrés qui viennent relier chaque niveau. Malgré quelques sauts difficiles et des hordes d’ennemis qui en font un peu trop, Double Dragon Advance s’avère un très bon cru pour tout amateur de beat’em up à l’ancienne sur la portable de Nintendo. N’ayant malheureusement pas passé les frontières européennes, il demeure cependant un succès modéré et reste le dernier jeu de la saga pendant près d’une dizaine d’années.
Les dernières tentatives de raviver la flamme
Pour les vingt-cinq ans du maître incontesté des beat’em up, Double Dragon renaît de ses cendres par l’intermédiaire de WayForward Technologies, notamment connu pour les jeux Shantae. Double Dragon Neon tente alors de rebooter la saga le 11 septembre 2012 sur Xbox Live Arcade et PlayStation Network, avec un jeu à l’ancienne composé de dix niveaux arborant une direction artistique soignée qui modernise joliment le genre et des remix musicaux agréables. Le gameplay s’avère toujours aussi complet et la jouabilité est vraiment bonne malgré une certaine lenteur dans l’enchaînement des attaques.
Les ennemis étant assez résistants et parfois très nombreux, le rythme peut se retrouver cassé. Un système de points d’expérience permet d’obtenir de nouveaux coups via des cassettes audio que l’on ramasse et il est possible d’upgrader ces dernières grâce à des minerais. Toutefois, ces derniers sont aussi rares que les magasins et le fonctionnement du level up manque de clarté. Les niveaux sont sympa mais s’enchaînent sans réelle cohérence et sont parfois trop longs, avec des combats qui n’en finissent plus et une difficulté assez importante en avançant. Correct au demeurant, Double Dragon Neon peine à convaincre totalement et rate une nouvelle occasion de relancer la saga vers les sommets.
Lancé le 5 avril 2013 dans l’indifférence générale sur Xbox Live Arcade, Double Dragon II Wander of the Dragons est un remake inattendu du deuxième épisode, qui reprend quelques éléments de la version NES comme le passage dans l’avion. Composé de quinze niveaux, il est ponctué par de courtes cinématiques arborant une esthétique appréciable et comporte un didacticiel dans lequel le joueur contrôle Marian, qui se fait ensuite tuer avec des effets spéciaux des plus hideux. En effet, les développeurs ont à peine fait plus d’effort pour les graphismes que pour la jouabilité, vacillant du correct au médiocre. Le gameplay se limite à un bouton de poing, un de pied et un de saut avec des combos simplistes, en plus de la garde et de la possibilité de coup final plus puissant lors d’un combo.
Quelques séances de QTE font varier le gameplay et on peut interagir avec certains objets, comme une grue automatique pour renverser les adversaires, le passage où le moissonneuse-batteuse nous poursuit étant également assez sympa. Les combats sont potables mais vite répétitifs, c’est très saccadé et seule la présence de quelques personnages suffit à faire ramer le jeu, sachant que les boss comptent parfois pour deux du fait de leur taille. Pourvu de quelques bonnes idées, ce remake ne rend toutefois pas hommage à son modèle et aurait mérité d’être beaucoup plus soigné au niveau du gameplay pour être vraiment intéressant. Il en résulte un jeu assez moyen complètement oublié par les joueurs, comme si Double Dragon était condamné à rester dans le passé.
Alors que l’on croyait la saga définitivement morte, Arc System Works joue à son tour la carte de l’anniversaire avec un nouveau jeu pour les trente ans de la saga. Sorti le 29 janvier 2017 sur PlayStation 4 avant d’être porté sur Switch puis sur Xbox One trois ans plus tard, il choisit le titre de Double Dragon IV en hommage à la trilogie de la NES, dont il constitue la suite directe. Toujours aussi improbable, le scénario emmène les frères Lee à travers douze niveaux où ils vont interroger les loubards habituels pour savoir où est retenue Marian. Cette dernière s’est étonnamment fait kidnapper dans une scène qui reproduit l’exacte animation du premier épisode au milieu du jeu.
Reprenant le gameplay des épisodes NES, le jeu possède de nombreux coups spéciaux, y compris la toupie et une puissante attaque tournoyante vers l’avant. Très facile au début, il se complique de plus en plus avec des masses d’ennemis servant de boss, parfois bien difficiles à gérer même à deux joueurs. Assez inégaux et souvent bien trop courts, les niveaux restent plaisants et certains comportent de bonnes phases de plateforme, difficiles sans être abusives, avec des tapis roulants, des pièges sortant des murs et du sol, des plateformes mobiles à la verticale et tournoyantes.
Les environnements sont classiques, graphiquement très 8-bit et parfois davantage, ce qui donne parfois un étrange contraste, mais aussi de très jolis décors comme la cour nocturne du manoir et la plage finale. Certains clins d’œil sont également légion, notamment le mur avec écrit « Renegades » en gros et la tour avec les portes au choix, en référence au jeu de 1986. Si les musiques manquent pas mal de punch, les passer en version 8-bit renforce leur dynamisme. On retrouve d’ailleurs quelques compositions musicales d’anthologie, comme celles des niveau 1 et 4 du premier épisode ainsi que celle des interludes.
Une des nouveautés appréciables est la présence d’adversaires inédits ayant leurs propres techniques de combat, comme le très résistant sumo Kodani, les femmes ninjas qui se téléportent et le karatéka Ashida qui peut carrément envoyer une vague d’énergie invisible avec ses mains. Les niveaux sont entrecoupés de cutscenes avec des dialogues minimalistes traduits avec les pieds comme c’était souvent le cas dans les années 80. Finir le jeu donne accès à un mode Tour, un survival de plus en plus difficile permettant d’enchaîner jusqu’à cent étages pour débloquer petit à petit tous les ennemis pour les jouer dans le mode histoire. En parcourant le jeu, on les débloque aussi pour un sympathique mode versus à deux joueurs.
Assez difficile à enchaîner d’une traite malgré les continues dont on dispose, les niveaux peuvent néanmoins se choisir via le menu principal, avec pour seule contrainte de devoir recommencer le niveau qui précède celui où on a perdu. Dans la droite lignée des épisodes NES, Double Dragon IV est un hommage sans grande prise de risque mais résolument réussi, ayant de quoi ravir les connaisseurs de cette époque. C’est d’ailleurs cette même trilogie NES qui est revenue le 20 février 2020 dans la compilation Double Dragon & Kunio-Kun Retro Brawler Bundle sur Switch, PlayStation 4, Xbox One et PC. Un héritage bien maigre qui semble confirmer que la saga appartient définitivement au rétrogaming. En attendant, Double Dragon aura fortement gâté les joueurs avec de nombreux jeux intéressants pour leurs spécificités !