- Collection of Mana
- Disponible sur : Nintendo Switch
- Développé par : Square Enix
- Edité par : Square Enix
- Sortie le : 11 juin 2019
- Genre : Action-RPG
Collection of Mana est un indispensable du A-RPG
Avec Collection of Mana, on s’attaque à un très, très gros morceau. On a toutes et tous nos œuvres « Madeleine de Proust », qui nous ramènent de suite vers les bons souvenirs duveteux de l’enfance. Et pour votre humble serviteur, c’est sans conteste Secret Of Mana, l’un des plus grands jeux de Square Enix.
Ah, Secret of Mana, découvert lors de sa sortie évènement, lors du Noël 1994, avec la soluce qui l’accompagnait. On avait déjà pu toucher à Mystic Quest, que l’on va aussi aborder ici. Il s’agissait du premier action-RPG d’envergure à atterrir en Europe. Si l’on n’a jamais pu se plonger dans le troisième jeu, la licence Seiken Densetsu (le titre de la série, mais en japonais) s’est retrouvée au centre des intérêts de bien des joueurs et, même avec le temps et quelques opus moins mémorables, accueillir un nouveau Mana reste un grand moment. Alors, vous pouvez imaginer à quel point on frétillait à l’idée d’enfin plonger dans le test de ce Collection of Mana.
Pour cette chronique de Collection Of Mana, nous allons revenir sur chacun des trois titres embarqués. Tout d’abord, sachez que le tout premier jeu, sorti en France en 1993 sous le titre Mystic Quest, devait à la base n’être qu’un spin-off de la série phare de Square : Final fantasy. Destiné à la Game Boy et son écran monochrome, on peut dire que le jeu empiétait en partie sur le territoire de The Legend Of Zelda, du moins dans une partie du gameplay, et la simplicité du scénario. Nous autres européens n’avions que ce mètre étalon pour tenter de comprendre ce que nous avions sous les yeux, mais bien vite on se frottait au gain d’expérience, de niveaux, bref aux décisifs éléments de RPG. Et pour nous, ce fut une véritable révolution.
Une révolution en noir et blanc, ou plutôt en différents degrés de vert. Mystic Quest a marqué tous les joueurs qui l’ont possédé, et ce malgré les quelques défauts qui nous sautaient aux yeux, même en son temps. L’histoire avait ça de bon qu’elle nous embarquait très vite dans le périple du héros. Ah, cette époque où les jeux ne passaient pas des heures à accompagner le joueur dans ses premiers pas… Ici, aucune fée envahissante à la Zelda : The Twilight Princess, mais un récit posé en quelques secondes. On incarne un jeune homme (qui portera le nom de votre choix), esclave du malfaisant Roi Noir. Notre quotidien est plutôt celui d’un gladiateur : on combat chaque jour pour distraire le sombre monarque. Jusqu’au jour où, en rentrant de l’arène, on découvre notre meilleur ami, Willy, entrain de mourir à même le sol. Avant son dernier souffle, il confie à notre avatar que l’arbre Mana, à qui l’on doit la vie de toute chose, est l’objet d’un terrible danger mortel. Pour le sauver, il va falloir trouver le chevalier Bogard appartenant à un groupe légendaire, Gemme. Et, ensuite, parcourir le monde jusqu’au sommet du mont Illusia, le tout en ayant été rejoint par une héroïne. Le tout sous-titré dans un français assez lamentable, comme c’était presque toujours le cas dans les années 1990.
Mystic Quest vous pousse donc vers l’aventure, et pour survivre il va falloir beaucoup apprendre par vous-même. Le gameplay de ce jeu était sans nul doute sa grande force, mais il ne prenait aucune pincette : le joueur devait découvrir les mécaniques par lui-même (ou dans la notice). Bien entendu, aujourd’hui cela paraît sec, basique, mais en 1993 c’était inespéré que de découvrir de tels éléments sur une Game Boy. Tout ce qui fait la force de l’action-RPG répondait présent : le gain d’expérience par le combat, le choix de faire évoluer telle ou telle statistique (force, défense, vitesse et magie), le lancer de sorts, des moyens de locomotion pour se déplacer plus vite (dont un Chocobo, tiens donc). Évidemment, seuls deux boutons étaient utilisés, pour attaquer ou utiliser un sort voire un objet. L’offensive est mise en avant par les développeurs, et la générosité dans le choix des armes (sept, ce qui était incroyable sur GB) soulignait bien ce fait. Aussi, on pouvait lancer une super attaque, après que la jauge associée se soit remplie au cours des combats. Et elle était différente selon le type d’arme utilisé !
Un tel choix laissé aux gamers, c’était une dinguerie. Cela nous faisait oublier le recours obligatoire aux menus afin de passer d’un équipement à l’autre. Et tout ceci complété de phases d’énigmes parfois bien tordues, difficiles. La durée de vie de Mystic Quest n’était pas très longue, du moins si l’on juge avec nos yeux de 2019. Car une dizaine d’heures passées sur sa Game Boy pour terminer un titre, ce n’était pas courant. On se rappelle de Gargoyle’s Quest, mais cela restait très rare. Et l’on avait beau pester contre des déplacements rigides, une bande son prise de tête (pourtant, on apprécie beaucoup le travail du compositeur Kenji Ito, mais là…), et surtout une carte du monde totalement ratée, ce titre reste très important pour l’histoire du jeu vidéo. Signalons ici que la Collection Of Mana propose différents filtres, mais nous y reviendront plus bas, dans la partie consacrée spécifiquement à ce qu’elle apporte.
Un second opus toujours aussi passionnant
Après des début monochromes, la licence Mana fait son arrivée fracassante sur Super Nintendo (non, Mystic Quest Legend, lui aussi paru sur cette console, ne fait pas partie de la série) avec le colossal Secret Of Mana. Vous avez le contexte en tout début d’article : c’était grandiose. Et ce résultat n’était possible que parce que ça l’était aussi à l’écran. Les joueurs qui ont connu la paisible sensation de bien-être, lors de l’apparition de l’écran-titre, ce sublime artwork (signé par le trop rare Hiroo Isono) que vous retrouverez aussi dans le sublime livre Art of Mana, les premières notes cristallines du fameux thème signé Hiroki Kikuta, ne peuvent qu’avoir la chair de poule en relançant ce titre légendaire. L’histoire et le gameplay partageait une richesse de développement qui nous submergeait, nous autres pauvres joueurs occidentaux qui pensaient que le pourtant excellent Zelda : A Link To The Past représentait une sorte de sommet. Aussi, on sentait bien que le duo à la tête du projet, formé par Hiromichi Tanaka et Koichi Ishii, s’avérait d’une profonde complémentarité. Le plafond de verre a été explosé, et chaque bris réduit à la poussière : rien ne serait plus pareil.
Dans Secret Of Mana, le récit était aussi l’occasion de multiplier les échos provoqués par Mystic Quest, construisant bel et bien un univers cohérent, même si aucun épisode n’est en rapport direct avec un autre. Il est question d’un jeune garçon orphelin qui, lors de pérégrinations avec des copains qui n’ont rien d’amis véritables, va chuter près d’une cascade. Par chance, il atterrit dans un petit lac entouré d’une végétation luxuriante. L’endroit est interdit, mais il faut bien rentrer au village de Potos ! Sur le chemin, on est témoin d’une étrange apparition et, plus loin, on découvre une épée plantée dans son socle. Curieux tout autant que désirant défricher les feuillages, notre avatar déloge l’arme. Un acte lourd de conséquences et de sens. Cela déchaine les monstres partout dans le monde, et témoigne de l’affaiblissement du séminal arbre Mana. Car la lame lui est directement liée : il s’agit de la mythique épée Mana. Une fois revenu à Potos, le paisible endroit est la proie d’une horrible chimère. Après l’avoir vaincu, notre héros n’est pas au bout de ses peines. Il est purement et simplement banni par les habitants, qui veulent éloigner le danger. Un drame qui va lancer une aventure hors du commun, et notamment vous projeter au premier plan d’un combat sans merci contre l’odieux Empire.
Quel choc mes aïeux, quel choc. L’histoire passionnante de Secret Of Mana, malgré une traduction française très inégale, provoquait un gameplay carrément révolutionnaire. Pour replacer simplement la prise en mains, sachez qu’on fait face à un action-RPG pur jus, comme tous les autres opus principaux de la licence : il s’agit de lancer des attaques physiques, ou magiques, en temps réel. Mais ce titre distille de la fraicheur. Tout d’abord, sachez que le héros sera bientôt rejoint par deux autres protagonistes (appelés Purim et Popoie, au Japon), et qu’ils sont jouables. Oui, on pouvait même rassembler deux potes, sortir le multipad de la Super Nintendo et vivre l’intégralité de l’aventure en trio. Mais c’est surtout le système d’évolution qui, à l’époque, nous a fait vriller. Les différentes armes et magies avaient leur propre courbe de progression, effective uniquement à l’usage. Ainsi, plus vous utilisiez l’un des huit types d’armes, plus celle-ci gagnait en puissance, et disposait ainsi de nouvelles attaques spéciales. On pouvait aussi reforger l’armement grâce à des sphères rares, qu’il fallait rapporter au nain forgeron. Pareil pour les magies, qui devenaient de plus en plus puissantes, et impressionnantes à l’écran. Ceci en ajout de la plus classique expérience glanée cette fois-ci par votre avatar, en défonçant du vilain. Autant vous dire qu’on privilégiait les phases de grind, car les effets se ressentaient très bien.
D’autant plus que Secret Of Mana était traversé de pics de difficulté surprenants. Le jeu se voulait exigeant, mais pas injuste. On s’est encore pris un sacré mur lors du passage dans le château de la sorcière, et du fameux boss Tigor. Bon, un passage peu glorieux par une soluce a débloqué la situation, mais au prix d’un combat acharné, et de dizaines de game over. La durée de vie s’avérait solide, surtout si l’on désirait tout voir, mener l’armement et les magie à leur maximum. En prenant notre temps, on a consacré une trentaine d’heures au soft. Fait particulièrement notable : le titre n’embarquait aucune quête annexe. Le cheminement est uniquement celui de l’histoire principale, ce qui souligne l’opulence de celle-ci. À cela, ajoutons une direction artistique en tous points somptueuse. Cela regorge de couleurs éclatantes, et le character design se révélait si marquant que certains protagonistes deviendront récurrents dans la licence, comme les marchands. Seul bémol, les quelques bugs de collisions, notamment à l’ouverture des coffres.
Aussi, les capacités de la Super Nintendo étaient mises à contribution de partout, avec une grosse utilisation du Mode 7, principalement lors des phases de transports : Flamy, les canons. C’était évidemment avant tout cosmétique, mais tout à fait marquant. Enfin, impossible de ne pas placer quelques mots à propos de la bande originale de Secret Of Mana, composée par Hiroki Kikuta. Des trois, c’est la soundtrack la plus complète. Si quelques morceaux sont moins bons (Dancing Animals…), d’autres restent parmi les plus représentatifs non seulement de cette époque, mais aussi de la culture jeu vidéo. Fear Of The Heavens reste bien évidemment le plus emblématique, mais on a aussi un gros coup de cœur pour le très émouvant Spirit Of The Night. Le compositeur s’est attelé à un travail courageux, en s’attachant à souligner les environnements, voire les sentiments dégagés par certaines situation. Du coup, la soundtrack est assez impressionnante en nombre de thèmes : quarante-quatre, rien que ça.
Trials Of Mana, l’attraction de la compilation
On en arrive à celui qui, indiscutablement, s’avère la grande star de cette Collection Of Mana : Seiken Densetsu 3, devenu Trials Of Mana en dépassant les frontières du Japon. Presque vingt-cinq ans sa sortie d’origine, et des tonnes de soupirs poussés à l’idée de ne pas pouvoir y jouer, voilà que celui qu’on appelait tous Secret Of Mana 2 est enfin disponible chez nous. Et c’est une émotion très forte que de pouvoir enfin le découvrir de manière officielle. On retrouve le trio génial formé par Hiromichi Tanaka, Koichi Ishii et Hiroki Kikuta, dans un opus qui tente encore beaucoup de nouvelles choses. Côté histoire, les personnages et la map diffèrent du précédent jeu, à l’image d’un Final Fantasy. Et, surtout, le récit est désormais éclaté entre six personnages. Il faut en choisir trois pour vivre l’aventure, mais avec une spécificité assez impressionnante : le premier protagoniste que vous choisirez impulse une introduction scénaristique qui lui est propre. Tous les cheminements mènent vers le même cœur d’intrigue, avec pour objectif de sauver l’arbre Mana. Là où ça devient encore plus maboule, c’est dans le fait que chaque composition d’équipe peut provoquer des cutscenes différentes, et mener à des fins qui varient du tout au tout. Wow.
Côté gameplay, Trials Of Mana nous prend à contrepied, un sentiment très agréable. Terminé le système d’évolution des armes et magie, on revient à une mécanique plus classique de gain d’expérience et de niveau. À chacun d’eux, on peut influencer l’une des six caractéristiques du personnage : force, vitalité, agilité, esprit, intelligence et chance. Mais ce sont surtout les sensations de combats qui ont fait l’objet de toute l’attention des développeurs. Désormais, on passe en mode combat dès qu’on approche d’un ennemi. Cela peut surprendre au début, car les déplacements diffèrent : le personnage se mouve plus doucement, prêt à dégainer. Il suffit de s’éloigner de l’adversaire pour repasser en mode normal. Aussi, on dit au-revoir aux deux jauges de Secret Of Mana : la recharge du coup spécial disparaît, ainsi que la stamina. Cela implique que, désormais, chaque coup porté provoque des dégâts égaux, selon vos statistiques : pas de malus dû à la fatigue. Petite subtilité, l’avatar marque une pause entre chaque attaque, histoire de tout de même forcer le joueur à être conscient de ses prises de décision. L’attaque spéciale n’a certes plus besoin de se recharger, mais elle existe toujours. Pour la déclencher, on doit multiplier les coups, et les effets sont différents selon les personnages, et leurs classes.
Trials Of Mana multiplie les mécaniques profondes. La plus impressionnantes est sans doute celle des classes. Vous avez le choix entre six personnages, mais ce n’est pas tout : il va falloir les spécialiser. Par exemple, Duran pourra devenir combattant, chevalier, gladiateur, paladin, seigneur, maître épéiste et duelliste. Certaines ne seront débloquées qu’à partir du niveau dix-huit, puis trente-huit, avec le choix d’alignement entre ténèbre et lumière. Chacune de ces classes implique ses forces et faiblesses, ses sorts et son coup spécial. Gros programme, n’est-ce pas ? Et l’on peut ajouter un nouveau système d’inventaire, que l’on applaudit des deux mains. Cela nous évite les allers et retours incessants au magasin le plus proche. Par contre, on se doit d’émettre une retenue : le menu circulaire est d’une lenteur assez marquée, et c’est aussi le cas pour l’inventaire.
Avec autant de combinaisons de personnages, de scénarios, de fins, vous imaginez bien que la durée de vie de Trials Of Mana se révèle conséquente. Pour boucler un run, il nous a fallu une trentaine d’heures. Alors imaginez seulement si vous vous embarquez dans un trip jusqu’au-boutiste, finir le jeu avec toutes les combinaisons de personnages, ce sont des centaines d’heures qui vous attendent… Quant à la technique, elle va encore plus loin que Secret Of Mana. Clairement, ce troisième opus figurant dans Collection of Mana semble être celui de la maturité, que ce soit dans le gameplay ou le style visuel. Le character design, et surtout les environnements : tout nous plonge dans une heroic-fantasy de haut niveau, détaillée et mémorable. Enfin, les musiques de Hiroki Kikuta restent un régal pour les oreilles, même si cela manque peut-être de thèmes immédiatement fédérateur. On a bien Meridian Child, dont la tonalité entrainante, aventurière, en fait l’hymne de cet épisode. Mais l’ensemble des morceaux est peut-être un peu trop homogène, même si ça reste de la bande originale de haute volée.
Ces trois grands jeux sont, donc, rassemblés dans la Collection Of Mana. Celle-ci se veut une occasion en or de les posséder sur une machine récente, la Nintendo Switch. Et si cette compilation existe en dématérialisé, les passionnés se rueront sur la version physique, à raison. Pour ce qui est de l’enrobage, Square Enix a sciemment opté pour une mise en avant des titres d’origine. Comprendre par là qu’il ne faut pas s’attendre à la moindre modification des softs, mis à part en ce qui concerne la plus que précieuse, et très réussie, traduction française de Trials Of Mana. Tout juste a-t-on la possibilité de passer d’un format 4:3 au 16/9, mais nous vous conseillons de rester à l’affichage d’origine. Mystic Quest a bien droit à quelques visuels bonus, dont le rendu Game Boy Color, mais c’est tout. Et ce n’est pas un mal : on n’est pas fans des filtres. C’est plutôt du côté du casting qu’on émettra un regret. Si l’on comprend l’absence d’autres titres non parus en Europe (Legend Of Mana, Dawn Of Mana, même si l’on sait maintenant que ça va bouger), pourquoi ne pas avoir inclus Sword Of Mana (un remake de Mystic Quest) et Children Of Mana (un donjon-RPG un peu limité mais pas aussi inintéressant que ce qui a été écrit à l’époque), tous deux sortis en France, et sur des supports pas très gourmands ? Dommage. Par contre, on apprécie de pouvoir écouter toutes les musiques des trois titres, directement depuis un jukebox. Et la sauvegarde rapide est une bénédiction.
Conclusion
C’est simple : à nos yeux, aucune ludothèque digne de ce nom ne saurait se passer de cette Collection Of Mana. Trois titres mythiques l’habitent, lesquels ont su révolutionner l’approche de l’action-RPG. Oui, rejouer à Mystic Quest, en 2019, c’est clairement du rétrogaming acharné, tant ce joyau est aujourd’hui très raide dans ses déplacements. Mais tout de même, ça reste un indispensable, que tout gamer se doit d’avoir approché. Secret Of Mana et Trials Of Mana, quant à eux, n’ont pas pris une ride. On est toujours dans de l’heroic-fantasy visuellement chatoyante, et les mécaniques gardent cette richesse qui nous a séduit, voilà plus de vingt ans. C’est dire si ces softs étaient novateurs à l’époque. Alors certes, on regrette que la sélection se borne aux trois premier opus, on aurait apprécié voir Sword Of Mana et Children Of Mana participer à cette aventure. Mais cela n’enlève rien au caractère puissant de cette sortie, l’une des plus importantes de l’année 2019.
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